dimanche 17 novembre 2024

Paupières magiques

S'il y a bien quelque chose que je n'ai quasiment jamais fait, c'est de me mettre du fard à paupière. Par crainte que cela me donne l'air d'un clown.
"Mais !! " m'étais-je dit, lorsque je serai à la retraite, je ferai l'essai. Pas grave si cela ne me plait pas, si je me sens mal à l'aise, puisque je pourrai à tout moment l'enlever.
J'avais vu quelques femmes de mon âge, les paupières tombantes, les rides autour des yeux, et l'oeil charbonneux. J'avais trouvé qu'elles avaient de l'allure.
Alors, j'ai commencé à faire des essais. Légèrement, avec un vieux fard que j'avais dû m'acheter à l'occasion d'un évènement quelconque, mais sans doute sans avoir confirmé l'essai, puisque la petite pastille semblait comme neuve. Pas mal m'a dit JP.


La poudre étant un peu compliqué à appliquer, j'ai eu envie de tester un crayon, et passant devant un magasin de maquillage pas cher, j'ai acheter un "eyeshadow stick" marron glacé. Le lendemain, juste avant d'aller faire le marché, je me suis maquillée, et hop je suis partie.

Au retour, JP ma dit, c'est marrant, tu t'es maquillée en rouge ? Bah non ?!?


Ben si, mes deux paupières sont lumineusement rouge. Le fard vire de marron au rouge. Ce n'est pas moche, c'est original pour quelqu'un qui ne s'était jamais maquillé hormis un peu de mascara et du fond de teint ou de la terre de soleil au plus fort de l'hiver. Nul trace sur internet de clientes s'offusquant de cette diablerie. Je vais simplement noter dans ma tête que ce fard marron glacé est en réalité couleur brique.

Et hier soir, partant chez des amis manger notre première raclette, je me suis sagement rabattue sur mon fard en poudre, fidèle toute la soirée à sa couleur d'origine.

vendredi 15 novembre 2024

Une fresque


En revenant du laboratoire, hier matin, je suis passée à côté du FJT où j'ai habité plusieurs mois en arrivant dans cette si accueillante ville d'Annemasse. A l'époque le manque criant de logement nous avait fait atterrir dans ce foyer de jeunes travailleurs le temps qu'enfin nous puissions trouver un appartement. Nous habitions juste au dessus de la porte d'entrée, et chaque fois que je passe là, je regarde le balcon et ses volets fermés, toujours. Il me semble que nous ne les fermions jamais, des rideaux suffisaient à nous protéger des regards extérieurs et la lumière nous était indispensable. C'est à cette époque qu'après avoir subi un viol, je suis restée coincée, ne pouvant pas franchir la porte du foyer (on ne parlait pas encore du syndrome post traumatique, mais sans aucun doute, j'en souffrais réellement).

Je tricotais pour passer le temps, un pull épais, en jacquard bleu, pour pallier le froid intense qui me transperçait. Le soir nous tapions le carton, j'ai découvert les règles de la belote à laquelle je n'ai plus jamais joué ensuite. Nous picolions avec la bande qui s'était rapidement créée, c'est là que j'ai connu Dominique que j'ai tant aimé. Un peu plus tard, ayant pris du galon, il était devenu directeur du foyer, ou sous directeur, je ne me souviens plus vraiment. Mais il avait décidé de faire peindre la façade droite quasiment aveugle, et avait demandé à JP de faire le projet, qui avait été accepté.
Nous avions suivi fasciné, les peintres qui reproduisaient le dessin à cette échelle impressionnante. 

Lentement, au fil des ans, les couleurs ont passé, le dessin doucement s'efface.

Lorsque nous quitterons la ville, nous laisserons un souvenir dont nous seuls connaitrons l'auteur.  

mercredi 13 novembre 2024

Du bleu


J'ai un jean bleu, très bleu, si bleu que je ne le mets quasiment jamais, hormis les jours où celui à la teinture parfaite est au lavage, soit à vrai dire rarement, puisque aussitôt lavé aussitôt séché grâce à mon idée de génie d'utiliser un ventilateur dans la buanderie.
Mais voilà, ce jean presque neuf, me serait très utile en ce moment en raison de mes variations de poids généreuses. Alors je l'enfile par dépit, et passe ma journée en bleu sombre sans plaisir. Et dès que l'autre jean est sec, hop hop hop, je remise le bleu sur son portant et revêts avec joie le plus clair, plus conforme à mon idée d'un jean à la couleur authentique.

Depuis mes 16 ans, j'ai essentiellement porté des jeans. Les premiers de marque Levis, puisqu'il n'en existait pas d'autre. Et puis j'ai eu plein d'autres marques, certaines abandonnaient brutalement mon modèle chéri, d'autres disparaissaient du jour au lendemain de la surface de la terre, quelques-unes aux tissus si fragile qu'il ne tenait pas la saison. Au début les jeans étaient bruts, réellement bruts et petit à petit, au fur et à mesure des lavages, prenaient la couleur de l'authentique imaginaire véhiculée par les films venus d'Amérique que nous vénérions. Puis sont apparus les jeans déjà délavés, les déchirés, les colorés. Les bruts étant assez long à se décolorer, j'ai adopté ceux qui étaient déjà un peu décolorés, jamais déchirés ni ceux semblant avoir passé une nuit dans une bassine d'eau de javel.

Il y a quelques mois je me suis laissée tenter par un jean brut, j'allais me disais-je, le voir se décolorer comme jadis. Un premier lavage n'a pas changé d'un iota la couleur, normal. Un deuxième, un troisième, un dixième non plus. Une rapide recherche sur internet, me conseille de le faire tremper dans une bassine d'eau brûlante et de bicarbonate une bonne demie-heure. Nada, le jean garde sa couleur sans nuance. Hier en faisant les courses, j'achète un décolorant pour tissu et fait tourner le programme 95°, mon jean esseulé et le produit brassé durant des heures, tout ça pour qu'il ressorte comme neuf, bleu marine impeccable. 
Je vais me faire une raison, ce jean est une arnaque, un faux, qui jamais ne vieillira, et que je garderai pour les jours où je n'en aurais pas d'autres de mettable. 

Peut être faudrait-il que je me tourne à nouveau vers mes premières amours, en choisissant la marque d'origine. 

lundi 11 novembre 2024

En thérapie


Je pensais faire du ménage, du repassage, de rangement, et puis ce ciel bas et gris toujours, en a décidé autrement. Heureusement ici il suffit souvent de monter un peu pour voir enfin du bleu et de la lumière. Nous sommes partis à St Jean d'Aulps, voir l'Abbaye, marcher dans la forêt, croiser les chevaux et les petites chèvres, écouter les cloches, le bruissement des feuilles.

Sur la route, le panneau direction Boëge me fait tout à coup penser à mon psy qui m'a accompagnée dix ans, sur ce chemin de l'apaisement, de la réparation, du désir de vivre vraiment. Il venait de St André de Boëge, qu'est-il devenu ? Il avait pris sa retraite à la fin de ma thérapie, et doit sans doute avoir plus de quatre vingt ans. Donner un âge à celui sur qui se fait le transfert (ici paternel apparemment) est un peu difficile, mais oui, sans doute aux alentours de quatre vingt ans. 
Je cherche sur internet, je ne trouve que des homonymes, je pousse un peu plus, des mots clefs, avec ou sans le prénom, le département, la ville, et au bout d'un quart d'heure je trouve. Il est mort, à presque 74 ans, le 5 juin 2016, cela fait plus de huit ans, il aurait quatre vingt un ans. Durant dix ans, quasiment toutes les semaines, j'y suis allée une à deux fois, pleurer, beaucoup pleurer, me taire aussi, me retrouver et découvrir que l'on pouvait survivre à tant de choses.

Nous n'avons pas pu voir le musée de l'Abbaye d'Aulps, fermé tout le mois de novembre, mais la balade sur le chemin ensoleillé nous a rechargé nos batteries solaires. 
Il faisait doux, mes pensées s'envolaient vers celui dont je venais d'apprendre la mort. 

samedi 9 novembre 2024

des petits bonheurs


 Mardi dernier, au marché, disant pour la énième fois la phrase accompagnant la présentation de ma carte de paiement " Par contre, je n'ai pas le sans contact" pour que le commerçant me donne la boitier pour l'insérer, à côté de moi un client tout aussi ou plus âgé que moi, présentait lui, son smartphone et pif paf pouf, règlement fait, alors que j'en étais encore à taper mon code. Franchement, maintenant que je suis à la retraite, je pourrais installer cette foutue carte me suis-je dit un peu vexée d'être un dinosaure en geekerie. Aussi, ce vendredi, une fois mes achats de légumes faits, j'ai dit au vendeur "je voudrais tester pour la première fois le règlement avec mon téléphone, mais si cela ne marche pas, j'ai ma carte..." Il me tend le boitier, je pose mon téléphone et sans avoir eu le temps de m'angoisser, tout était réglé. Whaouu, incroyable, j'étais toute fière et sans doute que cela se dégageait de moi, puisque ensuite j'ai croisé plusieurs personnes me souriant franchement (non non, j'ai vérifié, aucun oiseau n'avait laissé tomber une fiente mal venue sur mes vêtements, mon mascara n'avait pas fuité malencontreusement sur une joue). Maintenant je fais cela comme si cela faisait vingt ans que je pratiquais cette magie. 

J'adore faire mes courses au marché, c'est un plaisir absolu. Il n'est pas rare de bavarder en faisant la queue  avec les clients qui semblent tout aussi heureux d'être là. Les marchands sont toujours de bonne humeur, les prix en dessous de ceux des grandes surfaces, j'ai un choix incroyable de légumes bio cultivé ici et non en Espagne, j'ai trouvé un boulanger bio qui fait des pains merveilleux, le poissonnier et le boucher sont adorables, je rentre toujours avec le sourire.

Hier, j'ai fait aussi la surprise à mes anciens collègues, de leur apporter une énorme brioche aux pralines encore tiède. Je suis restée une heure à bavarder en gérance. Elles en ont profité pour me soumettre quelques problèmes dont elles ne trouvaient pas vraiment la solution. Etonnamment, moi qui pensais avoir déjà tout effacé de ma mémoire, en quelques secondes tout est revenu. J'ai pu dérouler plusieurs historiques expliquant certaines situations. Les aider dans les réponses à apporter, préciser quelques principes et lois. Elles me disaient qu'elles auraient aimé que l'on me propose des consultations ponctuelles rémunérées par la direction. Mais je leur ai dit qu'il suffisait qu'elles m'appellent ou m'envoient un mail avec leurs questions et que je répondrai avec plaisir (tant que je n'aurai pas réellement tout effacé). Lorsque je suis repartie, la brioche n'était plus qu'un souvenir, le plat nettoyé prêt pour une prochaine visite.

Dans l'après-midi, nous sommes allés JP et moi chercher des champignons dans la forêt et surtout voir le soleil qui toujours se cache derrière les nuages plombant le ciel en ville. De champignons point, mais le soleil et les couleurs lumineuses des feuilles ont illuminé notre fin de journée.

mercredi 6 novembre 2024

quelques roses dans le gris

le bouquet offert par une ancienne collègue

En me couchant hier, les voyants étaient plutôt au vert. Kamala Harris devait gagner, Trump retourner aux oubliettes. En ouvrant les yeux ce matin, Le Monde et Libération m'ont immédiatement fait déchanter. Les États Unis ont vraisemblablement choisi de remettre à la tête de leur nation, cet homme si plaisant, apaisant, distingué et plein d'amour pour ses prochains. A l'instant, une pastille s'ouvre en haut à droite de mon écran, "Trump revendique la victoire et remercie le peuple américain". Voilà voilà... On a pas le cul sorti des ronces.

Mon indécrottable optimisme me souffle que rien n'est définitif, que quelque chose va faire basculer du bon côté cette mauvaise blague. Non pas que Harris puisse nous faire la remontada du siècle, mais que les américains vont se rebeller lorsqu'ils constateront dans quel pétrin ils se sont fourrés. Et puis je me raisonne, ici nous avons bien un gouvernement qui n'en a plus rien à foutre de ce que l'on vote, qui continue allègrement de nous enfoncer, et personne ne bouge, le rouleau compresseur tranquillement avance, et nous les yeux rivés sur nos écrans, nous nous poussons pour qu'il puisse continuer sa course un peu plus vite. 

Le plafond gris des nuages stagne encore et encore juste au dessus de notre si charmante bourgade. Je trie, je déchire, mais le soir nous invitons des amis, nous picolons en nous racontant nos vies, nous préparons l'avenir. 

Demain est un autre jour, je vais aller me faire un café.

lundi 4 novembre 2024

Au loin les Alpes


Puisque décidément le soleil se cache depuis notre arrivée, ne se dévoilant qu'une petite heure de temps en temps, voilé par la nappe de nuage stagnante au dessus de notre ville, nous sommes montés au Salève, trop tard pour aller plus loin avant qu'il ne s'endorme derrière les montagnes. Nous n'étions de loin pas les seuls à avoir grimpé en voiture. Tous les parkings et les abords de la route étaient occupés par des gens venus aussi bien de 74 et la Suisse voisine, mais beaucoup d'autres départements plus ou moins lointains étaient représentés. Et là-haut, devant le restaurant qui visiblement avait fait peau neuve depuis notre dernière visite, tels des suricates tournés vers le soleil, des petits groupes bavardaient collés les uns aux autres. 

Alors nous avons fait demi-tour pour aller un peu plus haut, marcher dans les pâturages, vers le soleil qui lentement entamait sa course nocturne Plus une vache à l'horizon, des promeneurs, des chiens, et quelques crétins à moto qui dévalaient, en faisant hurler leurs moteurs, les pentes douces herbeuses. Au loin les Alpes blanches commençaient à rosir, l'air était encore doux, le ciel strié des passages d'avion, l'aéroport à nos pieds. 

En retournant à la voiture, je disais à JP  "Tu vois, j'aime beaucoup ces paysages, mais je ne me suis jamais sentie ici chez moi. C'est vraiment une belle région certes, mais je n'ai pas la même quiétude que celle que j'ai en balade en Alsace. Et curieusement, alors que je n'y habite pas encore, je me sens plus chez moi en Charentes-Maritimes, que là en Haute-Savoie. "
C'est parce que tu es née en Alsace, pour moi aussi les Vosges sont mon pays. Et puis, rajoute t'il, tous nos amis sont repartis, ce n'est pas une région où l'on se pose si l'on n'y est pas né.

Pourtant, je ne suis jamais restée aussi longtemps quelque part. Mais il est vrai que l'accueil de la Haute Savoie n'a pas franchement été à la hauteur.