samedi 15 mars 2025

Ce jour là


Nous avions passé un très beau mois d'août, le premier ensemble depuis des années, mes parents, JP et moi, souvent un frère, une soeur, des amis, quelques fois nous quatre simplement. Je me l'étais promis, dès ma retraite, je pourrai enfin m'occuper un peu plus des mes parents. 
Nous l'avions passé dans notre maison d'Alsace, nous avions beaucoup bavardé, raconté nos souvenirs, réglé quelques petits malentendus, bien picolé, fait découvrir des saveurs de chips étonnantes, régalé d'excellents repas, mon père très fatigué avait fait de nombreuses siestes, mais aussi de belles balades.
Au hasard d'une conversation, nous avions parlé d'Oléron où depuis que mon père ne pouvait plus conduire, ils n'étaient plus allés. Et si, avais-je proposé, nous y allions avec vous ? Nous serions vos chauffeurs, nous lourions un Airb'nb dans le coin comme cela vous pourriez profiter de la maison tranquillement.  Evidemment cela les tentait fort, JP proposait d'y aller au printemps. Tu sais, lui avais-je dit, à ces âges il ne faut pas remettre à plus tard certaines idées.
JP a trouvé une location à quelques minutes à pieds de la maison, a acheté les billets de train, et dès notre retour de Tunisie, nous nous sommes retrouvés tous les quatre sur cette île que mon père aimait tant.

Un jour, papa avait souhaité marcher jusqu'à la plage. Nous étions partis tous les trois, maman préférant rester à la maison, il lui semblait impossible d'aller si loin, souffrant trop du dos, la marche l'épuisait. Vaillamment nous avons d'un bon pas, traversé le village, pris le chemin dans la forêt, et enfin débouché sur la plage face à l'île de Ré.
Il faisait beau, l'île était incroyablement proche, on voyait parfaitement le pont et même certaines maisons. 

Papa alors a commencé à raconter ses souvenirs d'enfance, petit garçon partant de longues semaines avec sa mère, sur cette île que nous touchions des yeux. Jamais il n'avait évoqué devant moi ces souvenirs que je croyais disparus. Plus tard j'ai regretté ne pas les avoir enregistrés, mais il me semblait alors important d'être là, à ce moment, toute entière. J'écoutais, bouleversée, me disant que c'était peut être une façon de dire au revoir à sa vie. 

Rien ne pouvait me laisser entrevoir ce qui allait arriver si vite. Le diagnostic mortel ne serait fait que deux mois plus tard.

jeudi 13 mars 2025

dernier voyage

Il a fallu attendre que l'urne soit disponible après la crémation. Nous avions fait la cérémonie le jour de la St Valentin, tellement de morts à Paris, un seul crématorium, mon père était donc resté tranquillement seize jours au funérarium de Cochin. 

Le 18 février je suis allée la chercher, marchant dans les rues de Paris ensoleillées ce jour là. On m'avait donné une boite en carton pour pouvoir l'emporter plus facilement, dieu que c'est lourd les cendres de son père. Je n'avais pas fait 100 mètres, que le fond du carton a cédé, juste le temps de le retenir avant que mon père termine sur les pavés face au Val de Grâce. Tellement lourd.

Tenant le carton de travers, j'ai traversé le 5ème, mes bras épuisés si rapidement qu'il me fallait faire des pauses. Alors je choisissais les endroits les plus agréables pour déposer le carton, le temps de reposer mes bras. Je lui parlais doucement, sa dernière traversée de Paris. La rue St Jacques, puis le Boulevard St Germain, la place Maubert et enfin la rue de Bièvre. 

Maman avait choisi une urne simple, bleu nuit, sur laquelle avait été collée la plaque dorée avec le nom et les prénoms complets de celui qui depuis ma naissance m'avait accompagné. Je l'ai posé devant la grande fenêtre, que le temps de mon séjour parisien il soit encore un peu là, devant le square qui doucement commençait à frémir du printemps annoncé. 

Plus tard nous l'emporterons dans notre maison d'Alsace où il reposera à côté de mon frère.

lundi 10 mars 2025

savouration




J'ai quitté Paris mercredi à 18h18, une valise remplie à la va-comme-ch'te-pousse, un train bondé, un soleil resplendissant.

A 21h29 je suis arrivée à Genève, JP m'attendait, et même si j'étais triste de quitter ma mère, j'étais vraiment très contente de retrouver l'appartement, mon lit, mon confort si pratique. J'étais partie pour quinze jours, je suis restée quarante neuf jours, j'ai perdu mon père, j'ai un peu découvert ce Paris tant honni, j'ai mis ma vie entre parenthèse.

Voilà, je suis de retour, je repars bientôt en Charente Maritime, pour commencer sérieusement à prospecter. Evidemment je reviendrai à Paris toujours pour aider maman qui doit apprendre à vivre seule, alors que cela faisait 72 ans qu'elle vivait avec mon père, et 72 ans qu'ils s'aimaient follement. Mais là, tout de suite, je savoure mon café au lait, assise à mon bureau, dans le calme de l'appartement.


vendredi 28 février 2025

apprendre l'absence

Il n'y a vraiment que la lecture d'un bon livre qui me permette de ne pas me noyer dans la tristesse, et Les semeuses magnifique livre que j'ai reçu en cadeau de C. à Noël m'a enfin sortie de la torpeur dans laquelle j'étais engluée depuis fin janvier. Bien sûr l'absence est là, d'autant plus vive que chaque jour je rejoins maman là haut à côté du Panthéon. L'appartement où trône la belle photo de mon père, sur le bord de la cheminée, et où restent encore tant de marques de sa vie.

Aujourd'hui, pour la première fois depuis deux mois, elle passera une journée seule, du moins sans ma présence. C'est une journée test, puisque normalement je quitte Paris en début de semaine prochaine. Cela permettra de voir si elle peut effectivement se débrouiller, ce que je suppose pour l'avoir vue remonter la pente, garder son amour de la vie, et ne pas se laisser aller. Mais puisqu'elle a énormément de difficulté, suite à son accident, pour marcher, il faut voir ce qui peut la laisser autonome et libre, tout en lui permettant de vivre décemment. 

J'ai donc pour la première fois une journée libre à Paris et je ne sais que faire de toute cette liberté...


 

dimanche 9 février 2025

réveil

Boulevard St Germain


Ce matin, encore à moitié endormie, j'empoigne mon téléphone, et... rien... Ecran noir, inerte, mort...

J'étais allongée, dans le noir, tenant cet objet qui ne répondait plus à aucune de mes stimulations, totalement perdue. La première pensée a été que les dernières photos de mon père seraient perdues à jamais. Le Cloud étant saturé depuis des années et aucune sauvegarde.

Fataliste, je me suis dit que c'était peut être la volonté de papa, ne pas laisser de traces de ses derniers jours.

Et puis, au bout d'un certain temps, la pomme s'est allumée, ce con venait de démarrer une mise à jour.
 

vendredi 31 janvier 2025

30 janvier 3 heures 27


Je me suis brièvement réveillée, ce trente janvier à trois heures vingt sept et aussitôt rendormie...

Là bas, chambre 406, pavillon Copernic, Papa venait de cesser de respirer aux côtés de maman et ma petite soeur...

samedi 18 janvier 2025

Arrivée

affiche Disneyland partout dans le métro

Evidemment à Paris je fais des heures de métro. Il fait gris, froid, mais les parisiens sont plutôt sympathiques. Parfois cela sent très mauvais et je me mets en apnée, mais le froid anéanti beaucoup les senteurs désagréables qui pour moi symbolise cette ville. Oui je ne suis pas une inconditionnelle de la capitale, c'est le moins qu'on puisse dire.

Mon père a été hospitalisé en urgence il y a une dizaine de jours après être tombé en arrière et s'être ouvert le crâne. Comme il a, lui aussi, ce sale virus pulmonaire, ils l'ont gardé et depuis quelques temps, déplacé à Vitry sur Seine en raison de la surcharge des hôpitaux. Je découvre donc qu'il y a un tram à Paris...

Hier j'ai fait le tour du quartier. Cela faisait neuf ans que je n'étais plus venue dans le studio, malgré tout j'ai vite retrouvé mes repères alentours. Les différents conteneurs verre, papier et même un spécial pour les déchets alimentaires, les Franprix et autres Carrefour, les bouches de métro. J'ai fait quelques courses dans les petites supérettes autour de la place Maubert, le prix du paquet de café fait le double de celui que j'achète d'habitude. Je me suis renseignée pour savoir comment recharger ma carte navigo, un de ces petits stress qui agrémentent mes journées. Une fois cela fait, d'abord je dois encore vider ma carte qui contient des anciens tickets, je me sentirai bien plus détendue.

Bientôt neuf heures, je me douche et je file voir ma mère à côté du Panthéon.