Est-ce qu'à un quelconque moment j'ai dit que ce qu'avait fait l'humoriste n'était pas grave, que je cautionnais son acte, qu'avoir entraîné dans sa folie toute une famille me semblait peccadille ?
C'est de mon jugement que je me permettais de douter. Pouvais-je moi, qui ne suis de loin pas parfaite, juger qui que ce soit, immédiatement, sans recul, alors qu'écrivant ce billet , seuls les médias et les haineux de la toile vociféraient ?
Cet étalage dans les journaux télévisés, sur Twitter, sur Instagram même, ressassant en boucle des informations données mille fois, est du pur voyeurisme. A t-on besoin de décrire par le menu les blessures des accidentés ? Il suffit de voir une seule fois l'état des voitures, découpées pour sortir les passagers, que ceux qui étaient là-dedans ne vont pas bien.
Là encore un souvenir refait surface. Moi couchée sur l'asphalte, grelottant dans un hiver glacial, plaquée au sol par un policier m'empêchant de me relever, à la sortie du village où notre voiture venait de se fracasser contre un platane, le pantalon déchiré, le cheveux en bataille, me réveillant totalement hagarde, entourée d'une centaine de villageois cherchant presque à nous toucher, nous regardant souffrir en attendant l'ambulance. Les policiers avaient été obligés d'écarter cette foule curieuse, espérant je ne sais quel horreur supplémentaire. J'avais seize ans, je garde chaque instant gravé profondément dans ma mémoire.
De là vient sans doute mon aversion pour l'étalage des souffrances d'autrui.
Je n'imagine pas un instant que cet humoriste dont je tais le nom pour ne pas attirer encore les voyeurs justiciers s'en sortira indemne. Il y aura procès, il y aura un après terrible. Parce que comment, moralement, vivre après avoir détruit tant de vie.
Je referme la page, j'ai bloqué sur Twitter le nom de l'humoriste, je n'ai pas de légitimité dans cette histoire, aucune.
9 commentaires:
J'ai peine à comprendre ce goût du sang et du lynchage ( peut-être les mêmes qui auraient fait la queue pour une autographe). Est ce parce que les gens en redemandent que c'est un fil continu de l'"information" ? Ca aurait été un citoyen lambda, ca aurait fait 3 lignes ds le quotidien local.
Pas mieux que Marpatch.
Bleck
Bien évidemment, je n'ai pas de pouvoir sur ta conscience, mais j'espère qu'elle s'apaisera, car tu n'as strictement rien dit qui soit critiquable dans le billet où tu évoques cette tragédie. À moins bien entendu que des malintentionnés aient comme d'habitude la malveillance à la bouche fileuse ou le clavier assassin, comme il en va habituellement sur les réseaux sociaux (je n'en parle que par ouï-dire car je n'en fréquent aucun et sûrement pas Twitter).
Je n'ai pas eu d'accident comme celui dont tu fus victime. Mais je connais parfaitement, de par mon handicap visible, combien les regards des gens peuvent tuer. J'ai donc appris à revêtir une armure qui résiste à tout, définitivement et pour toujours. Ça n'empêche pas mon cœur tendre.
Un été, passant sur une plage, il y avait un noyé qui agonisait entouré des secours. C'était l'attraction du moment, la foule s'agglutinait. Je me suis mis en colère : j'ai gueulé et fendu l'attroupement avec mon fauteuil roulant électrique en tendant la main et criant : allez ! Faut payer pour le spectacle ! Faut payer pour le spectacle ! Je me suis fait engueuler copieusement. J'en ai retiré une immense satisfaction personnelle ! Je faisais parfaitement ce que je devais faire !
J'avais bien aimé votre billet dimanche, je l'aime toujours aujourd'hui.
Courage.
Marpatch et Bleck le public est demandeur de sang, et cela évite de parler d'autres choses.
AlainX, Je trouve cela tellement indécent et un manque total d'humanité. Ces personnes n'imaginent pas un instant que cela pourrait être eux. Auraient ils du plaisir à voir une foule se rincer l'oeil de leur malheur ?
Mme Chapean, Merci 🥰
Je ne lis que ce matin tes deux billets et j'approuve totalement.Merci.
J'avais lu un des commentaires que tu as supprimé et je voulais répondre. Je déteste ces gens "parfaits". Et puis je me suis dit que ça ne valait pas la peine d'user mon énergie pour eux. La paille, la poutre, toussa toussa...
Je vais reprendre l'expression ci-dessus (coucou Valvita): la paille, la poutre, toussa toussa...
Ginou, merci 💕
Valvita, j'aurai peut être dû les laisser, je ne sais pas, cela m'arrive si rarement que j'en reçois. Mais une fois de plus, ceux qui ont écrit ces commentaires ne s'étaient pas donné la peine de lire vraiment. Ils ont lu le titre et sont immédiatement partis en live. Bon une des trois m'a quand même traitée d'assassin. Mais franchement, par rapport à Sir Yes Sir sur Twitter qui s'est pris des tombereaux de merde, j'ai été épargnée.
Mathilde, oui, mais je crois que nous sommes tous un jour ou l'autre avec une poutre plus ou moins grande dans l'oeil 😁
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