Taxe Foncière

Je m'attache à certains propriétaires, d'autres me restent presqu'inconnus, rarement j'ai des aversions, douze ans que je les côtoie, celle chez qui je suis allée lundi soir fait partie de mes chouchous.

C'est l'époque des taxes foncières, que nous récoltons pour pouvoir ensuite reporter sur les locataires la fameuse TOM, qui nous revaudra évidemment plusieurs mails et coups de fil interrogatifs des petits nouveaux. Pourquoi on paye ça ? On paye déjà des charges, c'est pas normal, chuis que locataire...

Marie Hélène Jacquier est tombée il y a plusieurs jours, elle souffre, marche difficilement et puisqu'elle habite sur mon chemin, je lui propose de passer après le travail, pour récupérer les taxes foncières qu'elle ne peut pour l'instant nous déposer. 

J'accroche mon vélo devant le parc, il pleuvote, le jour commence à s'estomper doucement. Elle m'attend, très touchée que je lui évite ce déplacement forcément douloureux. M'invite à entrer quelques instants, j'aime beaucoup cette femme qui me fait penser à maman, très chic,  une prestance nullement écorchée par sa douleur, alors avec plaisir je m'assieds et nous bavardons un moment. 

Son appartement surplombe la chaine des Voirons et le Salève qui lentement s'assombrit. Je ne sais comment je suis venue à parler de mes parents, mais lorsqu'au détour d'une phrase je dis leur déménagement à Paris, quittant Mulhouse, elle s'illumine. Mulhouse ?! Mais j'y ai habité des années, j'y ai fait mes études, mon père était chirurgien à la clinique du Diacona, juste après avoir travaillé au Hasenrain. Je tombe des nues, elle me donne son nom de jeune fille qui résonne dans ma mémoire. On gratte nos souvenirs, elle a un an de moins que maman, son frère qui est proche de celui de papa a fait ses études de médecine à Strasbourg sans doute en même temps que lui. Cela nous met en joie et en repartant je lui dis que je vais en parler à maman, ce que je fais en rentrant.

Je tombe sur mon père qui dit que oui, il a connu des König, mais cela n'a pas l'air de lui parler vraiment, je suis un peu déçue, on s'embrasse, je raccroche.

A neuf heure et demie, téléphone ! C'est maman, volubile, les König bien sûr qu'elle voit de qui il s'agit, et Geneviève sa grande amie d'enfance est la meilleure amie de Marie-Hélène. Elle me raconte mille anecdotes sur cette grande famille, des souvenirs de rencontres avec une de ses soeurs qui avaient une maison juste au-dessus de la nôtre en Alsace, et durant une heure nous voyageons dans le pays de son enfance. 

Le lendemain j'envoie un mail à Marie Hélène, qui confirme avec joie être bien celle dont maman se souvient. 

Malgré la pluie qui tombe depuis des jours, j'ai ce petit soleil qui illumine ma semaine.