lundi 25 septembre 2017

l'ouverture

On s'était donné rendez-vous devant la porte de l'immeuble, j'étais en avance mais la grosse camionnette jaune du serrurier était déjà garée sur le trottoir et celui-ci bavardait tranquillement au soleil avec l'huissier. J'apportais les clefs de l'immeuble, ne manquait plus que la police municipale.
Un quart d'heure plus tard, tous le monde là, nous grimpons les escaliers pendant que le serrurier, ses caisses à outils, et l'huissier prenaient l'ascenseur, direction dernier étage à droite.
L'huissier sonne, frappe "Huissier de justice, ouvrez la porte" Rien pas un bruit, cela fait plus d'un an que le locataire ne paye plus ses loyers, pas de bruit, les trois agents se tiennent en retrait, le serrurier attend de s'attaquer à la serrure qui sera récalcitrante, il les connait et se prépare.
Première fois que j'assiste à une ouverture de ce type, d'habitude c'est lorsqu'un trousseau de clefs est laissé dans la boîte aux lettres de l'agence que nous allons faire un tour pour voir l'état de l'appartement, accompagné d'un huissier.
Celui-ci donne l'ordre au serrurier d'attaquer, il est quatorze heure quarante, on ne le sait pas encore mais il faudra deux heures pour ouvrir enfin la porte. L'odeur d'huile chaude, de métal chauffé, le bruit infernal dans cet espace confiné, j'attend sur le palier avec l'huissier, nous tentons de bavarder dans le vacarme, les trois agents, statiques, attendent. Vu le raffut, s'il y a quelqu'un à l'intérieur il se serait manifesté. Un voisin a jeté un oeil et vite refermé sa porte. Je suis là parce que convoquée à l'étage au dessous pour une expertise suite à un dégât des eaux provenant apparemment de l'appartement dont la porte résiste. J'aimerai vérifier qu'il n'y a pas de fuite, le locataire n'a jamais voulu laisser le plombier faire une recherche, c'est l'occasion.
Déjà une heure que le serrurier s'acharne, il a un matériel de plus en plus fourni et sophistiqué qu'il cherche au fur et à mesure de son avancée, je descend pour l'expertise.
Tout est sec maintenant au plafond, l'expert pose ses questions, j'ai toutes les informations depuis le temps je ne fais plus avoir, j'ai préparé en bonne élève, l'âge du bâtiment, les particularités du bail du sinistré, l'historique, les devis, les dates de la recherche tout je sais tout et en bruit de fond la perceuse qui continu inlassablement son travail.
L'expert s'en va, je remonte d'un étage où la porte vient tout juste de s'ouvrir. L'appartement est encore meublé mais visiblement abandonné, un ou deux paquets de pain de mie périmés depuis des mois, frigo vide et freezer totalement envahi par la glace. Sol sec, partout, aucune fuite et rien qui pourrait indiquer qu'il y a en a eu une, l'huissier fait son constat.
Il reste encore beaucoup de matériel électroménager et informatique, des piles de courrier, des brassées d'habits jetées en vrac, le sol est brûlé à de nombreux endroits par des mégots jetés sans doute encore brûlants, un chat a fait ses griffes sur les angles, il manque des manivelles aux volets, encore un appartement à refaire aux frais du propriétaire. Je ne sais pas quand j'y aurai accès, le juge doit statuer, je n'ai plus rien à faire là.
Je salue l'huissier, le serrurier, les agents sont partis dès que la porte a été ouverte et qu'il n'y avait plus de risque.
Dehors le soleil joue avec les feuilles du platane qui lentement prennent un ton plus automnal, j'enfourche mon vélo, c'est bientôt le week end...

4 commentaires:

Elisabeth a dit…

Je ne regrette pas d avoir vendu mon appartement à Ambilly lorsque j entends toutes les mésaventures des propriétaires 😔

Mel a dit…

Dingue ! La porte était drôlement solide dis donc, je croyais qu'elles pouvaient toutes s'ouvrir facilement, ce n'est donc pas vrai. Et ça arrive souvent que les locataires disparaissent de la sorte ?

Sylvie a dit…

Quelle tristesse!

Valérie de Haute Savoie a dit…

Elisabeth, vous n'êtes pas la seule, beaucoup de propriétaires vendent en ce moment.

Mel, serrure fichet, apparemment y'a rien de mieux :D

Sylvie, pour lui pas de tristesse, ce monsieur n'a aucun problème d'argent vu les factures qui trainaient encore dans l'appartement, du genre achat de Porsche Cayenne. Pour d'autres oui c'est bien plus triste mais là non. Tous les locataires ne sont pas des anges.