samedi 26 novembre 2016

chez le coiffeur


Je ne la connais pas, toutes les coiffeuses du salon ont changé et au téléphone, lorsque j'ai pris rendez-vous, je suis tombée sur elle, blonde, jolie, si jeune.
Elle a posé la couleur, j'ai saisi un Elle et dans un demi-brouillard, mes lunettes restées à la maison, j'ai lu difficilement un article parlant de Flavie Flament.
Et puis je suis passée au bac, elle m'a divinement massé le crâne, m'a noué joliment la serviette emballant mes cheveux et nous sommes parties toutes les deux vers le fauteuil du brushing.
Le sèche cheveux dans la main droite, juste avant de s'attaquer à la chose elle a demandé "C'était intéressant ce que vous avez lu ?"
- J'ai lu l'article sur Flavie Flament, il était question du viol qu'elle a subit petite fille.
Ah j'en ai un peu entendu parlé oui
- Le photographe qui l'a violé s'est suicidé cette nuit.
Ah ? Peut être qu'il n'a pas supporté la rumeur, c'était sans doute trop dur pour lui. Si elle mentait...
Elle lisse mèche à mèche, les cheveux sont brillants, souples, il n'y a qu'en sortant de chez le coiffeur qu'ils ressemblent à quelque chose.
- Je suis sûre, sûre qu'elle dit la vérité.
Elle me regarde, stop le sèche cheveux, elle se trouble.
Je lui raconte que lorsqu'il a commencé à avoir du succès, j'avais douze, treize ans, toute mes copines avaient un poster de lui, photos flous, jolies gamines vêtues de quelques dentelles, mon père avait dit de façon très catégorique que ces photos étaient malsaines. Je n'avais pas tout saisi, mais j'avais compris qu'il y avait quelques choses de l'ordre de l'interdit.
Ah ? Elle hésite. Mais peut être qu'elle a imaginé non ?
- Non, je suis tellement sûre tellement sûre qu'elle dit la vérité. Et puis il y a ces deux autres femmes qui ont parlé, une l'avait fait bien avant que Flavie l'écrive.
Je lui dis que son frère, lorsque le livre est sortie, a dit que sa soeur était folle, qu'elle mentait. Sa mère aussi a parlé d'affabulation. Que pour une enfant, cette solitude est si terrible, comment pourrait-elle dire si ceux qui devraient la porter, l'enferme dans le non dit.
Elle stoppe à nouveau le sèche cheveux. Elle me regarde dans le miroir. Dit que oui cela doit être difficile de raconter, de dénoncer.
- Oui, ce n'est pas facile, mais moi je l'ai fait. Parce que justement mes parents m'ont donné le pouvoir de dire. Et lorsque je l'ai dénoncé, d'autres femmes ont eu le courage de dire que cet homme les avait aussi violées.
Elle vrille son regard dans le mien  Mes parents m'ont aussi dit que j'étais une menteuse et j'ai cru si longtemps que j'avais rêvé !


14 commentaires:

looloo a dit…

Comme quoi, l'entourage fait quand mêm beaucoup, ainsi que l'éducation qui fait que c'est mauvais, quelles que soient les circonstances, la réaction des flics,...

Moi, je la crois, Flavie, comme je vous crois et que je pense souvent à vous et à l'injustice suprême que vous avez connue (je trouve que vous vous en êtes très bien sortie, dans la mesure où on peut parler de s'en sortir...)

Bisous,
lulu

Anonyme a dit…

Et voilà ! Le nombre de familles qui ne soutiennent pas leur enfant est affolant .Il parait que de cet acte barbare , on peut se remettre bien , j'ai lu le témoignage de Clementine Autain , qui dit s'en être bien sortie grâce à une psychotérapie et surtout un très bon entourage , des amis qui l'ont soutenue pendant des mois , la trainant avec eux faire du ski , l'obligeant à ne pas couler , l'aimant fortement pendant cette épreuve . Elle dit aller très bien .

Bise , VIc

Valérie de Haute Savoie a dit…

looloo, j'étais au mauvais endroit, que ce soit moi ou une autre de toute façon il l'aurait fait. Et pour moi qui ai eu la chance de pouvoir être face à lui aux assises, de l'entendre me demander pardon, il me semble que cela m'a aidé à me reconstruire. D'ailleurs pour répondre à Vic aussi, j'ai fait une analyse longue :) et puis cela m'est arrivé alors que j'étais adulte. Je crois qu'il est bien plus difficile de se construire lorsque l'on se fait violer enfant. Mais c'est faisable oui. Evidemment on se construit avec ça. Mais moi j'ai une belle vie :)

Anonyme a dit…

Merci pour la sensibilité que vous partagez, ce matin j'ai des frissons en lisant ça.
Cela fait des années que vous suis derrière mon ordinateur, j'ai presque l'impression de vous connaître, et je ne me suis jamais manifestée.
Je saisis donc l'opportunité pour vous dire combien j'aime ce que vous écrivez. Le mois de novembre est un vrai plaisir avec tous ces billets.
Agnès

cathclaire a dit…

Le rôle de l'entourage semble primordial.
Et il y a tellement de femmes violées, abusées, battues.
C'est décourageant de voir que même entres femmes il y a un doute sur la révélation d'un viol.
Merci pour ton texte.

Chantal a dit…

Moi aussi, je suis sûre qu'elle dit la vérité, j'ai juste lu un article du Monde ou du Figaro sur le net après le suicide de David Hamilton et j'ai été choquée par certains commentaires.
Vous avez tellement bien fait de parler si clairement à cette jeune femme, je pense que c'est grâce à cela qu'elle a pu dire elle aussi ce qui lui était arrivé.
De mon côté, à 17 ans, un homme m'a poussée et coincée dans un angle de rue et m'a obligé à le masturber. Je ne savais que dire et répéter: je vous en prie ou s'il vous plaît, je ne me souviens pas précisément. C'était la nuit, je regagnais ma chambre chez l'habitant, je m'éloignais du centre ville. J'ai eu un doute, l'impression d'être suivie, je passais près d'une maison connue, j'ai hésité à m'arrêter et ne l'ai pas fait en me disant que j'inventais le danger. Après qu'il a éjaculé, il m'a dit : ça te fait envie une queue comme ça ? J'ai répondu oui sans en penser un mot, j'avais très peur. J'étais ignorante car dans ma famille on ne parlait pas de "ces choses-là" et assez timorée, cela a été une expérience traumatisante même si je n'ai pas été violée.

Anonyme a dit…

Je lis ce billet, ces commentaires et je suis stupéfait, stupéfait et honteux d'être un homme et d'avoir (peut-être) fréquenté sans le savoir des types capables de tels actes.
Qu'ont-ils donc ces pauvres malades dans la tête, je ne comprends vraiment pas, pourtant je suis un testiculé je n'apprécie rien autant que la gaudriole, les histoires de fesses, le corps des femmes et ses représentations, je mes suis autorisé beaucoup... mais jamais sans l'authentique autorisation de la femme qui était l'objet de mes désirs.

Bleck

Valérie de Haute Savoie a dit…

Merci beaucoup Agnès ;)

Cathclaire je pense que là, cette jeune femme testait inconsciemment ma réaction. Ses parents l'ayant traitée de menteuse, elle était échaudée. Mais c'est vrai que je me suis faite cette réflexion lorsqu'elle m'a posée la question, ce n'est qu'ensuite que j'ai pensé qu'elle essayait peut être aussi de se protéger.

Chantal, ce que tu racontes est de l'ordre de l'abus sexuel, c'est passible de poursuite, je ne sais pas si c'est un viol, mais ce qui est sûr c'est que c'est puni par la loi. Et évidemment que c'est traumatisant. Il y a sourdement une menace de mort dans ce genre de situation. Il t'oblige, seule et isolée, la nuit, à le masturber sous la menace. Tu es seule, tu es très jeune, face à un inconnu. C'est quelque chose de très grave et c'est normal que tu ai été traumatisée. J'espère que tu as peu en parler à quelqu'un rapidement.

manoudanslaforet a dit…

Des frissons me parcourent en lisant ton billet ce matin... Merci pour ta coiffeuse...Aujourd'hui je regrette avoir aimé (même si j'étais toujours un peu mal à l'aise devant ) les phots de DH...peut être que je sentais que quelque chose n'allait pas dans ces photos...où que cela me ramenait à moi...

Mel a dit…

En échangeant avec cette jeune fille, tu lui as donné l'autorisation de parler lorsqu'elle a compris que cette fois elle serait entendue. C'est tellement important !

Valérie de Haute Savoie a dit…

manoudanslaforet nous étions loin si loin d'imaginer ce que cachaient ces photos, on ne peut pas s'en vouloir.

Mel j'ai vraiment l'impression qu'elle testait ma sincérité pour pouvoir parler, c'est lorsque j'ai dit que j'avais été violée que cela lui a ouvert la porte.

Chantal a dit…

Je suis presque sûre que la sincérité des un.e.s autorise et entraîne celle des autres et ça, dans tous les domaines. Il est parfois bien difficile de dire ce qui nous est arrivé, nos pensées, nos doutes... lorsqu'on craint la réaction, le jugement de celles et ceux nous écoutant.
Osons parler, dire qui nous sommes, sourire, échanger sans trop d'enjeux, ça nous fait du bien et manifestement pas qu'à nous.
Bises.

laurence @lopalomita a dit…

oh P...... j'ai pensé en lisant la dernière phrase de ton post... c'est ton positionnement qui pu laisser la parole de cette coiffeuse sortir... et pourtant elle adoptait la position incroyable du doute sur la présumée menteuse... elle qui avait subi le même sort... la vache... j'espère qu'elle a pu se reconstruire correctement après ça la pauvre... je t'embrasse Valérie

Valérie de Haute Savoie a dit…

C'est ce qu'on appelle prêcher le faux pour le vrai non Laurence :)