jeudi 23 septembre 2010

à la caisse

D'un coup d'œil c'est cette file qui semble la plus rapide, je stoppe derrière un gaillard qui tient dans la main gauche un litre de sirop de menthe et serre de l'autre la monnaie, devant lui un jeune homme qui soliloquait tranquillement tout à l'heure lorsque je l'avais croisé juste avant d'entrer dans le Monoprix. Il a juste deux canettes de thé à la pêche. Sur le tapis, la jeune caissière, blonde, deux piercings dans l'arcade sourcilière, passe un à un les articles devant la cellule qui couine sagement. Un shampooing brunette, un sachet de coton à démaquiller, un saladier transparent... une jeune femme et sa mère emballent les objets tout en bavardant. Pas un mot, le brouhaha calme d'une fin de journée dans un supermarché, à la caisse du fond un petit garçon fait une colère. La caissière regarde les tickets s'imprimer, détache celui qu'elle range dans sa caisse, tend les deux autres à la jeune femme, la file s'ébroue en silence.
Je pose mes deux paquets de café, ma bouteille de lait, du bourru que je me réjouis déjà de boire tout à l'heure avec JP, pain, fromages, un petit pot de crème d'asperge. Les deux canettes enregistrées, le jeune homme a tendu son petit tas de pièces, la caissière imperceptiblement a blêmi, dans le creux de sa main gauche repose maintenant les pièces dorées. Deux canettes à soixante quinze centimes, un petit tas de pièces de vingt et cinq centimes. De la main droite elle commence à compter, ses lèvres bougent en silence, on attend, statiques, les mouches volent. Elle compte, chuchote maintenant, vingt, quarante, soixante, elle pose une à une les pièces devant elle, la panique lentement monte dans son regard perdu, quatre vingt, elle repose une pièce, se concentre. Un regard interrogatif au jeune homme qui la regarde gentiment. Si si lui dit-il, il y a bien l'appoint, elle reprend son décompte, tourne, retourne les pièces de vingt centimes, s'arrête affolée devant les deux pièces de cinq centimes, un ange passe. D'un geste elle repose toutes les pièces, sept de vingt centimes et deux de cinq. Elle se concentre, ébahie je me retourne, croise le regard déconcerté de mon voisin, on se sourit, le calcul a repris, lentement, elle murmure vingt, quarante, soixante, quatre vingt... à la cinquième pièce maudite c'est toute la file qui en chœur, riant clame, "Et cent, cela fait un euro !". Elle rougit violemment, rassemble le petit tas, le range dans la caisse, à ses yeux on comprend qu'elle ne sait toujours pas si le compte était bon, le jeune homme si gentil déplore le stress qu'il a involontairement provoqué, sans un mot elle s'empare du litre de sirop. Deux euros quarante neuf dit-elle d'une voix blanche, mon voisin contrit lui tend trois euros et la file soupire.

15 commentaires:

Lanfeust55 a dit…

Ils devraient prévoir une formation pour les caissières. 1+1 = 2, 2+2=4, parce que ce n'est pas si facile, on le sait :D
En tous cas, toi tu écris très bien.. on s'y croirait..

C a dit…

oh, cela me rappelle le stress devant la caisse enregistreuse quand la file trop impatiente me faisait perdre mes moyens... le cerveau qui s'embrume, les regards pressés des clients et l'incertitude d'avoir fait un bon calcul une fois les pièces posées dans leurs compartiments respectifs... cela a duré une bonne semaine avant que je ne trouve la technique pour avoir l'affichage du montant à rendre et ne plus devoir le calculer de tête!

Anne a dit…

J'aurais pas aimé être dans ses baskets, dis donc...

Erin a dit…

J'aime ta manière de décrire les petits moments de la vie.... Merci Valérie

Oxygène a dit…

Délicieux billet, Valérie. Je plussoie derrière Erin

Valérie de Haute Savoie a dit…

J'espère Lanfeust55 que comme le dit ma chère C., il ne s'agissait juste que de stress, parce que sinon effectivement elle aurait besoin en urgence de cours de calcul mental.

Anne, heureusement que nous étions tous détendus et que nulle agressivité ne se dégageait de cette file;

Erin et Oxygène merci beaucoup, parce que malgré tout écrire me prend un temps fou, je corrige, reprend, réécris et tout cela dure dure :o)

isabelle a dit…

1 entrecôte 2.30€ avec 30% de réduction a la caisse
la réduction passe pas

la fille me dit 1.99 ca vous va ?
je réponds en rigolant ben non ( je me dis elle se moque )

ben non elle sort son portable pour faire le calcul mais elle ne sait pas trop comment faire
ah 2.30 -30 cents c'est ça hein ?
ben non je lui dis
10% 23cents
30% 23*3=69cents
donc 2.30€-69cents

et là ébahissement dans la file car je sais faire un pourcentage de tête !!
j' ai mal pour la caissière , le vigile , la chef caissière et leur responsable qui ne savent pas calculer un pourcentage même avec une calculatrice

Hermione a dit…

J'imagine que ça a renvoyé cette caissière à sa scolarité qui n'a pas dû être flamboyante. La peur de l'échec entraîne la peur de répondre, c'est un grand classique de notre système éducatif, malheureusement !

Valérie de Haute Savoie a dit…

Isabelle, je me souviens d'un ministre de l'éducation qui avait lamentablement échoué à un petit jeu de calcul mental. Moi je calcule tout le temps de tête, sans doute la seule gymnastique que je pratique en ce moment.

Hermione, sans doute oui.

Lancelot a dit…

Ah, bah, pas charitable de se moquer ainsi des gens pas bons en calcul mental... Ceci dit, je suis étonné qu'on ne leur fasse pas faire un petit test de ce genre à l'embauche... elle doit être confrontée très souvent à ce style de problème, les gens ne paient pas forcément un kilo de pommes ou un flacon de gel douche en carte bleue...

Je suis persuadé qu'elle a dû paniquer et perdre ses moyens en sentant que tout le monde la regardait... classique. J'en aurais fait autant à sa place !

ddc a dit…

En France j'ai acheté deux malheureux timbres français dans un bar-tabac, la tenancière avait le plus grand mal à faire le calcul aussi...

Fauvette a dit…

La pauvre quel stress elle a dû subir !
Je suppose moi aussi que sa scolarité lui est remontée à la gorge...

Valérie de Haute Savoie a dit…

Lancelot, là il ne s'agit même plus de problème de calcul mental, parce que quatre vingt plus vingt, ne pas réussir à compter cent, c'est tout de même gênant non ? Surtout si on tient une caisse :D

DDC, c'est assez ahurissant.

Fauvette, je l'ai revue samedi, à une autre caisse, et franchement, je peux te dire qu'elle ne respire pas l'intelligence. Je ne suis pas sûre qu'elle ait été si stressée. Il me semble qu'elle n'en a même pas conscience en fait.

cultive ton jardin a dit…

Pas encore offerte aux caissières, la machine à compter les pièces? Pourtant, elle existe dans les distributeurs automatiques ou à certains péages.

Ça me rappelle un dessin (de Sempé, je crois): le petit bonhomme minuscule au milieu des ordis géants: "L'ordinateur est en panne, l'un de vous sait-il encore faire une addition?"

Valérie de Haute Savoie a dit…

Effectivement il lui suffirait alors de jeter les pièces et d'attendre que cela se fasse, super !
J'adorais Sempé lorsque j'étais jeune, mais je ne connais pas ce dessin. Je l'imagine tout de même aisément :o)