mercredi 12 mai 2010

Entre terre et eau

Je remplace pour deux jours une collègue à l'accueil, décrocher le téléphone, donner quelques rendez-vous pour des visites, récupérer et vérifier les documents de ceux qui montent un dossier location, et, tout de même, continuer mon activité principale travaux et plaintes en tous genres. Avec Garance le temps passe vite, nous nous entendons bien.

10h20, il déboule l'air de l'homme qui n'a pas que cela à faire.
Bonjour j'ai rendez-vous pour visiter un appartement.
Le téléphone en main, il est penché au dessus du comptoir, tendu, déjà prêt à repartir pour un autre rendez-vous, il est pressé c'est tout, pas le temps.
Je préviens Chloé - Ton rendez-vous est là.
Tu rigoles, il a vingt minutes de retard je ne peux pas le prendre, donne lui en un nouveau.
Bien, je raccroche, explique, l'heure, le retard, le nouveau rendez-vous, il lève les yeux au ciel, pousse une sorte de soupir exaspéré, consulte son téléphone.
J'ai un commerce, j'ai laissé les enfants, c'est difficile d'être à l'heure, bon vous pouvez pour quand ?
Le planning est chargé, nous faisons le pont, je trouve un créneau pour le jeudi suivant.
Jeudi à 11 heures ? Ça vous va ?
Ok pour jeudi - Je note la date - Soyez bien à l'heure, c'est important, ma collègue enchaîne les rendez-vous sans attendre, nous avons beaucoup de monde.
Il opine déjà ailleurs, et file sans au revoir.

Je complète la fiche, bien préciser le propriétaire de l'appartement, l'heure exacte, reporter les coordonnées du monsieur pressé, le téléphone, le nom... 6 lettres, six lettres qui me donnent des jambes coton, six lettres, je ne sais plus, un prénom ? Le nom ? Six lettres qui du fond de ma mémoire transforment un instant mon univers en brume mouvante et molle, suçant d'un coup toute substance de vie, être entre terre et eau, flotter dans la terreur, ailleurs, ne plus être simplement. Six lettres...

Je pose la main sur l'épaule de Garance - "Je vais prendre un café, je reviens. " Sourire, la vie est là, mes jambes se raffermissent, ce n'est rien. Déjà loin, si pressé, le frère de mon violeur ne sait pas qu'elle dévastation il a réveillée.

17 commentaires:

Hermione a dit…

Ca va aller Valérie, on est avec toi !

Anne a dit…

Oui en effet, je comprends la dévastation. Et que ce doit être dur de vivre dans les mêmes parages que lui...

Des bises douces de réconfort...

Jipes a dit…

Oh je comprends ta réaction, ca a dut instantanément rréveiller tant de mauvais souvenirs :o( Heureusement tu ne le reverras probablement pas !

samantdi a dit…

il y a parfois des coïncidences douloureuses... mais finalement, tu as bien encaissé le choc, ce qui est une bonne nouvelle, je trouve.

Lce a dit…

Hey ! de tout coeur avec toi, double café pour Valérie...
laurence

Dr. CaSo a dit…

Ouh-là, quel choc ça a dû être, en effet! Bravo d'avoir si bien tenu le coup, je t'admire! Grosses bises canadiennes :)

Catherine a dit…

Dur, dur !

marylène a dit…

Un seul mot : tu as beaucoup de courage!

Marloute a dit…

Brrrrr
J'en tremble encore rien qu'à te lire!

Valérie de Haute Savoie a dit…

Hermione, c'est vrai que le reste de la journée j'étais un peu ailleurs, mais l'angoisse envolée.

Anne, en réalité celui qui m'a violé n'est plus en France, il existait encore, au moment du procès la fameuse double peine.

Jipes, justement je ne m'y attendais pas du tout. J'en ai été d'autant plus troublée. Comme si mon corps avait gardé en mémoire la terreur de cette nuit, alors que mon cerveau, lui, l'avait complètement digéré.

Samantdi, oui, une bonne nouvelle, parce que cela ne m'a pas atteint profondément.

Lce, le café m'a permis de bouger, et même d'en rire, étonnée sans doute d'être toujours vivante :)

Dr CaSo, merci :)

Catherine, pas vraiment dur, stupéfiant littéralement plutôt, et Marylène je ne suis pas sûre d'être si courageuse, souvent je me demande comment je réagirais si je me retrouvais à nouveau face à un flingue. Sans doute resterais-je comme alors, totalement pétrifiée.

Marloute je t'embrasse fort.

Tili a dit…

Des bisous pour te remettre ? :-)
Puis un bon grog et hop, dodo !

Quand je viendrai, on se fera une fondue ? ;-)

Lancelot a dit…

Lire cet épisode m'a mis en colère. Pas contre toi bien sûr, mais contre le fait que, même s'il n'est plus en France, et si ton cerveau a tout digéré depuis, cette histoire puisse encore t'atteindre, à l'improviste, par ricochet. C'est INJUSTE.

Mais toi, tu es plus intelligente que ça.

Bravo, Val. t'es la meilleure. Bisous.

Valérie de Haute Savoie a dit…

Tili, je préfère nettement la raclette, parce que la fondue c'est pas du tout mon truc, par contre le reste de la famille adorerait :D

Lancelot, il me semble assez normal que cela soit ancré à jamais dans ma mémoire physique, et ce pauvre garçon n'y est pour rien. D'ailleurs sa famille avait, elle aussi, subi la folie de cet homme et avait été soulagée qu'il soit condamné. Il ne faut pas être en colère pour cela.

incertaine a dit…

Hou là! C'est du lourd, ça. Respirer profondément, savoir que ça va aller, que le temps qui nous structure nous rend plus solide que nous ne l'imaginons. Tu le dis d'ailleurs très bien dans ta réponse aux commentaires. Reste le choc, l'inattendu comme un coup de poing dans l'estomac. En pensée avec toi.

Valérie de Haute Savoie a dit…

Je crois Incertaine, que c'est ce coup de poing inattendu qui m'a le plus surprise. Comme si à nouveau je me scindais en deux, la partie animale qui brusquement se mettait en défense, alors que le cerveau relativisait déjà.

julio a dit…

Sais terrible ! Je suis sans voix, Bon courage Valérie !

chrisfons a dit…

Outch! Quelle chute !