dimanche 24 janvier 2010

aux enfants de la chance...

Je répondais à un commentaire, qui s'allongeait, devenait un billet dans le billet... j'ai préféré abandonner et revenir un peu plus tard, après avoir essayé de mûrir ma réponse.

La petite poule noire se demandait comment on pouvait, alors que l'on avait eu la chance de bénéficier d'une transplantation, mettre sa vie en danger pour un simple chagrin d'amour.

Je crois qu'il y a une grande différence entre un enfant né malade et qui vivra uniquement s'il est transplanté, et un adulte devenant malade et qui continuera sa vie grâce à un don d'organe. Le premier ne sait pas ce que c'est que de vivre normalement, le second a déjà derrière lui le goût de la vie, du bonheur, du malheur, de l'avant. La chance, ce sont les parents qui l'ont, le bébé lui, tente vaille que vaille de vivre et tant pis s'il meurt.
On ne lui demande pas à lui s'il veut de cette greffe, s'il est d'accord pour subir cela. L'adulte est consentant, c'est un combat dans lequel il s'engage avec l'espoir de vivre, et de vivre mieux.

Et puis la greffe réussit, plus ou moins bien, avec plus ou moins de difficulté. L'enfant grandit, supporte le traitement avec ses contraintes, les bilans douloureux, les effets parfois gênants des médicaments (la ciclo provoque au départ une forte pilosité, des gencives si gonflées qu'elles recouvrent souvent les dents, des problèmes intestinaux). Il s'intègre dans une vie où ses camarades n'ont souvent pas toutes ses contraintes. Certains semblent le vivre bien, c'est le cas de G., d'autres ont beaucoup plus de mal, c'est le cas de E.
Il suffit alors d'un grand chagrin, pour que, ce qui était supportable devienne insupportable. Et ce que nous pouvons considérer comme de la chance, reste pour ces enfants comme une intolérable injustice. Pourquoi doivent-ils supporter en plus de ce qu'ils ont déjà supporté depuis leur naissance, ces souffrances d'amour.
Plus tard sans doute, mesureront-ils la chance qu'ils ont eu de pouvoir vivre presque normalement malgré leur maladie. Pour l'instant, ils sont, comme Françoise Dolto l'expliquait dans "le complexe du homard", tout juste sortis de l'enfance, pas encore armés pour affronter le monde des adultes, et, ce que nous arrivons en général à relativiser, leur semble insurmontable.

Je ne suis pas sûre qu'E. ait mesuré le risque qu'elle prenait en arrêtant son traitement. Du fond de son lit d'hôpital, elle doit sans doute le regretter amèrement, et je ne peux que lui souhaiter d'aller très vite mieux et qu'elle tombe à nouveau amoureuse !

8 commentaires:

Eperra a dit…

J'ai écrit ce commentaire tard hier soir après avoir fait le tour des blogs car ça faisait plusieurs jours que je n'avais rien lu (je suis rentrée en France pour quelques jours afin de renouveler nos visas). Bref, en l'écrivant, je me disais que j'avais bien peu d'expérience de ces questions (juste un de mes amis qui est mort il y a 25 ans suite à un rejet de son greffon du rein) et que je me posais en juge d'une situation que je ne connaissais pas. Je le regrette maintenant. Comme toi, je souhaite que cette jeune fille retrouve et la santé et un nouvel amour au plus vite.

Lili a dit…

Mais c'est bien petite poule noire que tu ais fait ce commentaire je trouve, car ça m'a permit de lire les mots très justes de Valérie et de comprendre encore mieux.

Valérie de Haute Savoie a dit…

J'ai compris que tu ne jugeais pas, juste que tu te posais la question, et c'est pour cela que j'ai écris ce billet, pour répondre simplement. C'est difficile, lorsqu'un ado commet un tel acte s'apparentant au suicide, de comprendre pourquoi il l'a fait. Mais je me souviens de mon adolescence abominable et pourtant pleine aussi de souvenirs agréables. J'ai eu maintes fois des comportements suicidaires, ne pouvant imaginer survivre à ce que je vivais, et qui maintenant ne me semble pas si insurmontable que cela.
Ce qui est terrible, c'est d'être à côté de ces enfants et ne pas arriver à leur tenir la tête hors de l'eau. Il y a l'urgence de les sauver, et celle de les laisser vivre librement. C'est tellement difficile. Anita, du phare de la baleine, sait très bien le dire.

Tellinestory a dit…

Je trouve très juste ce que tu dis sur la différence entre vouloir la greffe pour soi ou pour un enfant.
L'histoire de E., la façon dont les adolescents peuvent jouer parfois très cruellement avec les représentations de leurs parents à leur sujet, le devoir de tout faire pour qu'ils ne payent pas trop cher leurs conneries... mille raisons de ne pas abandonner le travail auprès des adolescents.

Sacrip'Anne a dit…

Ton billet si plein de vécu et pourtant de recul soulève plein de questions, pas seulement sur les greffes mais sur les graves maladies d'enfants en général... En espérant qu'E. trouvera de bonnes raisons de se battre pour elle, maintenant, pour sa future vie, pleine d'amour et de joies.

Pablo a dit…

Je n'y avais pas pensé non plus, à cette différence entre la greffe imposée et la greffe voulue, et ces arguments que tu exposes si clairement s'étendent sans doute à tout un tas d'autres choses, la greffe ça peut être un fait mais c'est aussi une métaphore.

julio a dit…

La vie sais complexe ! Moi enfant je voulais mourir, et pourtant! J’ai le souvenir d’avoir était entouré d’amour!

Valérie de Haute Savoie a dit…

Pablo, plus que le fait que cela soit imposé pour un enfant et proposé pour un adulte, c'est surtout qu'un enfant n'a pas la même conscience de l'urgence vitale. D'autant plus que pour ces greffes, l'âge n'excède pas les deux ans. E. avait à peine six mois, et ce souvenir est maintenant dans les limbes de l'inconscient, ne lui reste que la cicatrice et le traitement très présent. Je ne sais si E. en veut à ses parents d'avoir pris cette décision, elle a surtout un mal de vivre qui, comme le dis Julio, n'est pas forcément lié à cette greffe. J'avais moi aussi ce mal de vivre... Pourquoi ? pourtant moi aussi j'ai été désirée, aimée, heureuse...
C'est tellement complexe un être humain...