J'aimais bien ces visites qui nous sortaient de l'ordinaire, et pour G. cela lui donnait à voir, à travers les vitres des ambulances, ce monde qu'il devinait du haut de sa chambre.
Je bénissais les feux rouges, les embouteillages, les piétons qui d'un pas lent immobilisaient un instant notre conducteur. G. regardait d'un oeil curieux toute cette agitation lumineuse et l'on pouvait presque croire que nous étions des touristes visitant Paris.
Cette fois là nous partions faire des radios dans un hôpital, des radios des poumons. Cela arrivait de temps en temps, tel hôpital était spécialiste des reins, tel autre du coeur, celui là c'était les poumons. Nous partions accompagnés d'une infirmière qui tenait précieusement contre son coeur le gros dossier débordant de G., et nous suivions sagement, bien heureux de cette parenthèse.
Mais aujourd'hui nous serions seuls - Vous saurez vous débrouiller ? Les ambulanciers vous déposeront dans le service et reviendront vous chercher. C'est souvent un peu long, cela nous arrangerait, il manque des infirmières et depuis le temps... vous saurez vous débrouiller !
Oh oui ! Oui, quel plaisir que cette liberté octroyée, cette confiance accordée. Etre de simples patients venant juste passer un radio sans chaperon, bien sûr que l'on se débrouillera. Au revoir tout le monde, grand sourire, nous partons en vadrouille.
Les rues défilent, G. écarquille les yeux et déjà nous y sommes, prendre la rampe, se placer devant les urgences, suivre les couloirs derrière l'ambulancier qui dépose à l'accueil le dossier, ils l'appelleront dès que nous aurons fini, merci, au revoir et voilà nous sommes juste une maman et un petit garçon venus en C'est un très vieux bâtiment, les lambeaux de peintures pendouillent le long des hauts murs de la salle d'attente. C'est plus un immense hall qu'une salle réellement, un hall qui résonne des cris d'enfants, des pas de médecins pressés, qui traversent l'air soucieux cet espace, sans regarder le peuple qui attend. Seule une table recouverte de vestiges de magazines triturés depuis plusieurs années, évoque l'idée d'une salle d'attente. G. sagement assis dans la poussette prêtée par le service, regarde l'agitation d'un air concentré.
C'est à nous. Je dois restée à l'extérieur de la salle radio le temps des clichés puis je récupère G. et nous retournons nous asseoir dans le hall. Nous attendons.
Le temps passe, je n'ai pas de montre, le temps passe toujours lentement à l'hôpital. J'ai fouillé dans la pile des feuilles posées sur la table dans l'espoir de trouver quelque chose à lire, j'ai reposé un semblant d'article dont il manquait un bout, déchiré, je regarde passer les gens. G. somnole, tout à l'heure il a grignoté un boudoir. C'est long... lentement l'angoisse, légère encore, se faufile dans cette attente bourdonnante. De la fenêtre qui surplombe tout là haut notre salle, j'aperçois les nuages qui défilent rapidement, un pigeon perché regarde à travers le grillage... j'attends, je sens bien que cette attente n'est plus normale... nous a t-on oubliés ?
G. dort profondément, la tête posée sur son épaule, une miette accrochée à sa lèvre, détendu.
Je le vois qui cherche du regard quelqu'un, instinctivement je sais qu'il nous cherche, il s'approche du bureau de l'entrée, parle, suit des yeux le doigt qui nous désigne, il hésite une seconde et d'un pas mesuré nous rejoint. Madame B ? Vous êtes la maman de G.?
Résignée j'attends. Il se présente Professeur P., je dirige ce service. Je suis embêté, pouvons-nous discuter un instant ?
Nous allons dans son bureau, G. ne se réveille pas. Fataliste je me prépare.
Voilà... nous avons un problème pour l'interprétation... il y a quelque chose que nous ne comprenons pas...
Il parle lentement, regarde G. avec douceur, il cherche ses mots.
Cela fait un moment que nous essayons de comprendre... Il semble que... Mais... il y a une chose... mon infirmière me dit qu'elle croit avoir vu une cicatrice sur le ventre de votre fils ?
Oui bien sûr, puisqu'il est greffé du foie.
Mais... greffé ? s'exclame t-il l'air réjouit. C'est donc cela... !
Le secrétariat avait simplement omis de préciser ce détail sur la fiche de transmission... Détail qui expliquait cette curieuse tuyauterie interne !
Rassuré il pourrait maintenant s'atteler à l'interprétation des clichés et nous, rentrer à temps pour le repas du soir!
Je bénissais les feux rouges, les embouteillages, les piétons qui d'un pas lent immobilisaient un instant notre conducteur. G. regardait d'un oeil curieux toute cette agitation lumineuse et l'on pouvait presque croire que nous étions des touristes visitant Paris.
Cette fois là nous partions faire des radios dans un hôpital, des radios des poumons. Cela arrivait de temps en temps, tel hôpital était spécialiste des reins, tel autre du coeur, celui là c'était les poumons. Nous partions accompagnés d'une infirmière qui tenait précieusement contre son coeur le gros dossier débordant de G., et nous suivions sagement, bien heureux de cette parenthèse.
Mais aujourd'hui nous serions seuls - Vous saurez vous débrouiller ? Les ambulanciers vous déposeront dans le service et reviendront vous chercher. C'est souvent un peu long, cela nous arrangerait, il manque des infirmières et depuis le temps... vous saurez vous débrouiller !
Oh oui ! Oui, quel plaisir que cette liberté octroyée, cette confiance accordée. Etre de simples patients venant juste passer un radio sans chaperon, bien sûr que l'on se débrouillera. Au revoir tout le monde, grand sourire, nous partons en vadrouille.
Les rues défilent, G. écarquille les yeux et déjà nous y sommes, prendre la rampe, se placer devant les urgences, suivre les couloirs derrière l'ambulancier qui dépose à l'accueil le dossier, ils l'appelleront dès que nous aurons fini, merci, au revoir et voilà nous sommes juste une maman et un petit garçon venus en C'est un très vieux bâtiment, les lambeaux de peintures pendouillent le long des hauts murs de la salle d'attente. C'est plus un immense hall qu'une salle réellement, un hall qui résonne des cris d'enfants, des pas de médecins pressés, qui traversent l'air soucieux cet espace, sans regarder le peuple qui attend. Seule une table recouverte de vestiges de magazines triturés depuis plusieurs années, évoque l'idée d'une salle d'attente. G. sagement assis dans la poussette prêtée par le service, regarde l'agitation d'un air concentré.
C'est à nous. Je dois restée à l'extérieur de la salle radio le temps des clichés puis je récupère G. et nous retournons nous asseoir dans le hall. Nous attendons.
Le temps passe, je n'ai pas de montre, le temps passe toujours lentement à l'hôpital. J'ai fouillé dans la pile des feuilles posées sur la table dans l'espoir de trouver quelque chose à lire, j'ai reposé un semblant d'article dont il manquait un bout, déchiré, je regarde passer les gens. G. somnole, tout à l'heure il a grignoté un boudoir. C'est long... lentement l'angoisse, légère encore, se faufile dans cette attente bourdonnante. De la fenêtre qui surplombe tout là haut notre salle, j'aperçois les nuages qui défilent rapidement, un pigeon perché regarde à travers le grillage... j'attends, je sens bien que cette attente n'est plus normale... nous a t-on oubliés ?
G. dort profondément, la tête posée sur son épaule, une miette accrochée à sa lèvre, détendu.
Je le vois qui cherche du regard quelqu'un, instinctivement je sais qu'il nous cherche, il s'approche du bureau de l'entrée, parle, suit des yeux le doigt qui nous désigne, il hésite une seconde et d'un pas mesuré nous rejoint. Madame B ? Vous êtes la maman de G.?
Résignée j'attends. Il se présente Professeur P., je dirige ce service. Je suis embêté, pouvons-nous discuter un instant ?
Nous allons dans son bureau, G. ne se réveille pas. Fataliste je me prépare.
Voilà... nous avons un problème pour l'interprétation... il y a quelque chose que nous ne comprenons pas...
Il parle lentement, regarde G. avec douceur, il cherche ses mots.
Cela fait un moment que nous essayons de comprendre... Il semble que... Mais... il y a une chose... mon infirmière me dit qu'elle croit avoir vu une cicatrice sur le ventre de votre fils ?
Oui bien sûr, puisqu'il est greffé du foie.
Mais... greffé ? s'exclame t-il l'air réjouit. C'est donc cela... !
Le secrétariat avait simplement omis de préciser ce détail sur la fiche de transmission... Détail qui expliquait cette curieuse tuyauterie interne !
Rassuré il pourrait maintenant s'atteler à l'interprétation des clichés et nous, rentrer à temps pour le repas du soir!
8 commentaires:
GNNNNEUH?
Pfff ! le nombre d'angoisses qui auraient pu être évitées et que tu as du supporter comme si tu n'en avais pas assez de réelles.
Rétrospectivement c'est un souvenir joyeux. D'un coup de baguette magique la supposée catastrophe s'effaçait d'un sourire.
beaucoup d'angoisses
comment avez vous fait pour résister .j'ai mon fils schizo et depuis début janvier on a découvert un cancer non identifié chez ma nièce qui a à peine trente ans.il faut garder le moral ,mais c'est un peu trop dur par moment et j'aimerai quelquefois partir loin !!!
Oh vous savez il m'est aussi arrivé de rêver que cela s'arrête, si je peux aujourd'hui raconter avec détachement ce qui, il y a dix ans, m'épuisait et me laissait à terre, c'est parce qu'aujourd'hui je sais qu'il y a eu un avenir. Je n'ai pas plus de courage qu'un autre, simplement au moment où l'on vit cela, on n'a pas d'autre choix.
Merci d'avoir aussi bien raconté ce moment et de l'avoir partagé avec nous. :-D
Heureusement que tu as de l'humour... Ils sont lourds quand même.
Va voir chez Boutocoat, de belles photos de Budapest :
http://boutoucoat.over-blog.com/
Petit détail... ouin... il me semble qu'avant de se creuser les méninges; ils auraient pu déduire en voyant la cicatrice qu'il manquaient d'infos!
C'est clair que 10 ans plus tard, l'avenir a déjà fait ses preuves ;)
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