Elle m'avait donné rendez-vous à dix heures quarante cinq vendredi dernier, professeur principale de G. elle voulait me rencontrer. Le bulletin était, il est vrai, une fois de plus, particulièrement peu reluisant.
Elle avait appelé le samedi soir vers vingt et une heure pour prendre rendez-vous, nous n'étions pas là, j'avais rappelé le lendemain. Un professeur qui appelle si tard, qui plus est un jour de congé, est un professeur qui prend son rôle à cœur pensais-je.
Je vais la rencontrer sans aucun à priori, je suis même contente, j'imagine une sorte de Samantdi qui aime son métier et qui reçoit les parents dont les enfants semblent en difficulté.
Légèrement en avance je patiente devant la salle des profs, elle me fait signe qu'elle arrive. Au bout de dix minutes elle vient me chercher, sans un sourire me tend la main et m'invite à pénétrer dans une salle dont elle ouvre les volets. Pas un mot le temps qu'elle s'installe, je suis assise en face d'elle, elle ne me regarde pas, fouille dans son sac et sort un dossier contenant les bulletins de la classe. Elle feuillette la pile de bulletin cherchant celui de G., le trouve, le relit, hoche la tête et enfin semble réaliser que je suis là. Tout cela je n'en prendrais conscience qu'en sortant.
Oui, dis-je, j'ai reçu le bulletin mercredi et je vous avoue que je ne m'attendais pas à des notes aussi mauvaises. Elle est glaciale, laisse échapper un petit rire méprisant. Ah oui ? Il ne vous dit pas ses notes ? Non.
Il m'assurait ne pas avoir eu de contrôles, sélectionnant minutieusement ceux dignes d'être évoqués. J'ai confiance en lui, s'il n'a pas eu de contrôle je le crois, j'ai juste été alertée par, dernièrement, ses besoins de câlins en rentrant de classe. Qu'est ce qui faisait qu'il avait tant besoin de tendresse ?... j'ai pensé alors à ce foutu bulletin qui allait un jour où l'autre atterrir dans la boîte aux lettres, je l'ai questionné, il a bafouillé.
Alors, avant l'arrivée du bulletin, avant de connaître l'étendue des dégâts, j'ai essayé de comprendre le pourquoi de cette démotivation... Qu'est ce qui fait qu'il se réfugie dans ses jeux ? Débroussailler, poser des questions, attendre... Il aurait tant voulu être pilote de ligne, mais à cause de cette greffe il ne pourra jamais, il le sait, même pas besoin de se renseigner... Alors ? Eh bien alors il sera éboueur voilà ! Pas d'études... Sa vie est foutue.
J'essaye d'expliquer cela à cette femme encore jeune, elle ironise - De toute façon Madame, si vous pensez qu'avec de telles notes il peux espérer être accepté dans une école... !
Il travaille à la maison ? Je reconnais que pour ce premier trimestre il n'a de loin pas été performant pour ce qui était du travail personnel, que depuis le fameux jour du bulletin il n'a plus le droit de jouer sur l'ordinateur jusqu'à nouvel ordre. Oui mais il travaille combien d'heures par jour ? Je n'en sais rien. Vous savez Madame, qu'en première S il y a un minimum de quinze heures de travail par semaine et je ne compte pas le week-end. De toute façon il doit être comme tous ses ados qui se lèvent vers midi, on ne peut pas leur demander de travailler plus de quinze heures le week-end ! Je la regarde interdite. Mais franchement avouez que ni vous ni moi ne travaillons quinze heures le week-end ?
Qu'ai-je dis ! Après avoir pointé le particulièrement peu de maturité des garçons de cette classe, alors que les filles sont si "scolaires", brusquement elle se lève et se retournant, bouillant de rage dit Je sais que vous les parents d'élèves êtes persuadés que nous ne travaillons pas. Quand ai-je dis cela ? Et puis qu'est ce que vous en savez que je ne travaille pas le week-end ? Se justifier, surtout ne pas lui mettre G. à dos. Malheur je sens mes yeux qui se mouillent. Je n'ai jamais dit ça, je sais bien que les profs font bien plus d'heures que celles officielles. Rien n'y fait, j'ai droit aux nombres d'heures qu'elle a passées durant ses longs week-ends d'études, aux soirs où elle corrige ses copies jusqu'à minuit alors que bien évidemment je suis au lit depuis longtemps. Il est inutile de tenter de corriger, et dans son regard son jugement ne changera plus.
Elle me tend la main. Si cela peut vous être utile, je peux vous revoir en février.
Je suis ressortie folle de rage.
Elle avait appelé le samedi soir vers vingt et une heure pour prendre rendez-vous, nous n'étions pas là, j'avais rappelé le lendemain. Un professeur qui appelle si tard, qui plus est un jour de congé, est un professeur qui prend son rôle à cœur pensais-je.
Je vais la rencontrer sans aucun à priori, je suis même contente, j'imagine une sorte de Samantdi qui aime son métier et qui reçoit les parents dont les enfants semblent en difficulté.
Légèrement en avance je patiente devant la salle des profs, elle me fait signe qu'elle arrive. Au bout de dix minutes elle vient me chercher, sans un sourire me tend la main et m'invite à pénétrer dans une salle dont elle ouvre les volets. Pas un mot le temps qu'elle s'installe, je suis assise en face d'elle, elle ne me regarde pas, fouille dans son sac et sort un dossier contenant les bulletins de la classe. Elle feuillette la pile de bulletin cherchant celui de G., le trouve, le relit, hoche la tête et enfin semble réaliser que je suis là. Tout cela je n'en prendrais conscience qu'en sortant.
Oui, dis-je, j'ai reçu le bulletin mercredi et je vous avoue que je ne m'attendais pas à des notes aussi mauvaises. Elle est glaciale, laisse échapper un petit rire méprisant. Ah oui ? Il ne vous dit pas ses notes ? Non.
Il m'assurait ne pas avoir eu de contrôles, sélectionnant minutieusement ceux dignes d'être évoqués. J'ai confiance en lui, s'il n'a pas eu de contrôle je le crois, j'ai juste été alertée par, dernièrement, ses besoins de câlins en rentrant de classe. Qu'est ce qui faisait qu'il avait tant besoin de tendresse ?... j'ai pensé alors à ce foutu bulletin qui allait un jour où l'autre atterrir dans la boîte aux lettres, je l'ai questionné, il a bafouillé.
Alors, avant l'arrivée du bulletin, avant de connaître l'étendue des dégâts, j'ai essayé de comprendre le pourquoi de cette démotivation... Qu'est ce qui fait qu'il se réfugie dans ses jeux ? Débroussailler, poser des questions, attendre... Il aurait tant voulu être pilote de ligne, mais à cause de cette greffe il ne pourra jamais, il le sait, même pas besoin de se renseigner... Alors ? Eh bien alors il sera éboueur voilà ! Pas d'études... Sa vie est foutue.
J'essaye d'expliquer cela à cette femme encore jeune, elle ironise - De toute façon Madame, si vous pensez qu'avec de telles notes il peux espérer être accepté dans une école... !
Il travaille à la maison ? Je reconnais que pour ce premier trimestre il n'a de loin pas été performant pour ce qui était du travail personnel, que depuis le fameux jour du bulletin il n'a plus le droit de jouer sur l'ordinateur jusqu'à nouvel ordre. Oui mais il travaille combien d'heures par jour ? Je n'en sais rien. Vous savez Madame, qu'en première S il y a un minimum de quinze heures de travail par semaine et je ne compte pas le week-end. De toute façon il doit être comme tous ses ados qui se lèvent vers midi, on ne peut pas leur demander de travailler plus de quinze heures le week-end ! Je la regarde interdite. Mais franchement avouez que ni vous ni moi ne travaillons quinze heures le week-end ?
Qu'ai-je dis ! Après avoir pointé le particulièrement peu de maturité des garçons de cette classe, alors que les filles sont si "scolaires", brusquement elle se lève et se retournant, bouillant de rage dit Je sais que vous les parents d'élèves êtes persuadés que nous ne travaillons pas. Quand ai-je dis cela ? Et puis qu'est ce que vous en savez que je ne travaille pas le week-end ? Se justifier, surtout ne pas lui mettre G. à dos. Malheur je sens mes yeux qui se mouillent. Je n'ai jamais dit ça, je sais bien que les profs font bien plus d'heures que celles officielles. Rien n'y fait, j'ai droit aux nombres d'heures qu'elle a passées durant ses longs week-ends d'études, aux soirs où elle corrige ses copies jusqu'à minuit alors que bien évidemment je suis au lit depuis longtemps. Il est inutile de tenter de corriger, et dans son regard son jugement ne changera plus.
Elle me tend la main. Si cela peut vous être utile, je peux vous revoir en février.
Je suis ressortie folle de rage.
10 commentaires:
c'est atroce ! "vous les parents" "avec des notes pareilles" "il ne rentrera jamais dans une école" ... Ce genre de lieu commun ne devrait JAMAIS sortir de la bouche des profs de nos enfants
ça nous assassine !
Tu dois l'être encore, folle de rage, après avoir ruminé les détails de cette rencontre pendant quelques jours. Tu te demandes encore qu'est-ce que tu aurais pu faire d'autre pour entamer un vrai dialogue : ça doit être très décourageant pour toi. Pense plutôt que si tu avais mis un mannequin en bois en face d'elle qui lui aurait répondu par des phrases enregistrées en alsacien, elle lui aurait balancé les mêmes clichés, les mêmes reproches, les mêmes justifications. C'est aussi décourageant, mais d'une autre façon...
Pablo ;) c'est digéré et c'est bien pour cela que j'ai pu raconter ce rendez-vous. L'écrire a fait que c'est rangé classé maintenant.
Peut être suis-je mal tombée aussi, le mauvais jour :D
Fay, sur le moment j'étais assez hébétée, non par cette sentence, mais par ce côté obtus. Je n'ai pas vraiment de crainte pour l'avenir de G. S'il n'est pas pilote il trouvera sa voie ailleurs.
Nous sommes nombreux a avoir connu ca en tant qu'élève ou arent voire les deux comme c'ets mon cas. Heureusement je m'en suis très bien tiré et je fais confiance à mon fils pour faire de même et les déclarations de Profs aigris ne changeront rien à cela. L'humiliation que l'on ressent devant ces minables petits caporals qui cachent leur propres incompétences est très dure à vivre j'ai déjà failli en venir aux mains à plusieurs rerises mais à quoi bon.....Je te comprends oh combien quel calvaire :o(
C'était presqu'une convocation au tribunal !
Elle ne doit pas trop aller bien cette dame quand même. Des petits problèmes relationnels ?
Bon évidemment G devrait travailler un peu plus, c'est sûr... Mais tu n'avais pas besoin de ce rendez-vous pour arriver à cette conclusion !
Bon courage.
Elle est parfaitement assortie à mon inspecteur celle - là et me rappelle l'une des profs de ma fille. Oui, ça existe encore dans les salles des profs des dinosaures pareils qui sont prêts à vous faire passer un gamin en conseil de discipline pour 3 fois rien et dont les jugements sont catégoriques et définitifs.
Ton horrible inspecteur au par-dessus ? ;)
Aujourd'hui, par hasard j'ai rencontré un copain dont le fils à eu la même prof, fortuitement il me raconte avoir eu la même expérience avec elle... comme quoi je n'étais pas réellement visée, elle tient ce discourt à d'autres :D
Je pense que cette prof n'aurait jamais dû te parler comme ça. D'un autre côté, elle sortait peut-être d'une série de réunions avec des parents qui s'en fichent de ce que leurs enfants font, qui ne font que critiquer les profs alors que leurs enfants sont intenables, etc. Je dis ça parce que je connais les deux côtés. J'ai eu des profs nuls, injustes, méchants, et bêtes, mais j'ai aussi de loin pas toujours été une élève modèle. Et maintenant que c'est à moi de jouer les profs, il y a des jours où il m'est vraiment difficile de ne pas être aigrie, méchante, cynique, et vraiment pessimiste. Je sais que j'ai injustement accusé ou critiqué certains élèves parce que d'autres avant eux avaient réellement été décevants, tricheurs, menteurs, paresseux, indisciplinés, etc.
Vive les vacances :)
Oui Dr CaSo, je pense aussi qu'inconsciemment elle s'adressait à plusieurs personnes et pas seulement à moi. Sur le moment c'est assez déstabilisant mais en même temps cela m'a donné l'énergie pour exiger de G. qu'il s'y mette enfin afin de lui montrer que tout n'était pas "foutu".
Par contre, la classe de G. est réputée pour être une classe particulièrement agréable et dynamique avec un bon esprit. D'ailleurs le lycée est plutôt un lycée calme de province sage :)
Moi, ce que j'entend aussi, c'est que cette dame qui appelle un samedi, raconte à un parent son nombre d'heure de travail, pourrait bien être une workaholic. Penser que l'on puisse avoir un autre rapport au travail, comme toi qui n'imagine pas travailler 15h un WE!,devient alors menaçant pour elle...
A part ça, j'ai vu nombre d'adolescents ayant été aux prises avec des maladies graves dans l'enfance, connaitre un sérieux flottement au moment de devoir envisager l'avenir.
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