samedi 15 décembre 2007

20 septembre 1983

...En ce temps là, lorsque l'on voulait se porter partie civile dans un procès il n'y avait pas d'aide juridictionnelle, le plaignant payait l'avocat et éventuellement se faisait rembourser avec les dommages et intérêts....

J'avais reçu le courrier de l'avocat le matin même, il demandait une avance de cinq mille francs. Nous ne les avions pas et je devais appeler mon père pour qu'il m'avance une partie de la somme... Toute la journée j'avais reculé cet appel, tournant dans tous les sens ma demande, première fois de ma vie que j'allais emprunter à mes parents... la nuit tombait... il travaillait tard mais là je ne pouvais plus reculer... courage...

Faire le numéro... première sonnerie... deuxième, il décroche
- Dr B.
- Papa c'est moi
- Bonsoir Valérie
- Ecoute Papa je te dis tout de suite pourquoi je t'appelle... le dire tout de suite, pendant que j'en ai le courage... J'ai eu un courrier de l'avocat qui me demande de le régler cette semaine, est ce que c'est possible que tu m'avances trois mille francs, on te les remboursera le plus vite possible... ouf c'est dit
- Oui pas de problème je t'envoie ça demain... il a une drôle de voix
- Je te dérange ? Tu es encore en consultation ? Tu as une drôle de voix !
...un temps...
- Il y a de quoi !... J'ai eu un coup de fil de Fréjus... il est arrivé un malheur... Je suis loin, si loin de comprendre, si loin... A Fréjus habite ma cousine... un de ses enfants ?
Il prend son souffle...
Hervé est décédé.

Le sol se dérobe, je serre à le briser le combiné... comment est ce possible ? De l'autre côté il se tait et c'est insupportable de le savoir seul dans sa douleur... je n'ai pas de larme, pas encore, elles viendront plus tard débordant sans retenue, mais là je suis juste stupéfiée...

Il savait depuis ce matin, mais il avait gardé cela pour lui, pour que nous ayons encore une journée heureuse et puis mon petit frère ce jour là avait eu le permis et il était si heureux, il ne voulait pas lui briser sa joie...

Il venait de raccompagner un de ses patients, il avait décroché le téléphone, un médecin faisant partie de la secte lui avait froidement annoncé que l'on avait retrouvé Hervé mort dans la nuit, seul sous sa tente... Il avait raccroché... comment avait-il trouvé la force de se lever, de recevoir son patient suivant ? Comment ? Jusqu'au soir il avait gardé cette douleur en silence, ensuite il avait bien fallu le dire, puisqu'étonnamment l'un après l'autre ce soir là nous l'avions appelé sans savoir, l'un après l'autre...

Combien de temps sommes-nous restés ainsi ? ... je savais qu'en raccrochant je perdrais pied !



3 commentaires:

Anonyme a dit…

Terrible et si triste.
A bientôt Valérie.

Dr. CaSo a dit…

C'est la chose la pire qui peut arriver à une famille. Et c'est la chose dont j'ai le plus peur au monde!

Grosses bises enneigées.

Anonyme a dit…

Certains souvenirs remontent à la surface, régulièrement...Et la tristesse est toujours la même.