28 janvier 1983...
Cela faisait maintenant un mois et demi que j'avais quitté l'Alsace pour rejoindre mon amoureux en Haute Savoie. J'étais arrivée un dimanche gris, découvrant une toute petite ville bien moche, bien vide. Personne pour m'attendre, j'avais pris un bus et m'étais laissée porter trois quart d'heure avant d'arriver devant l'immeuble où nous allions vivre quelques mois avant de trouver un appartement à nous. Premier petit boulot, ouvreuse dans un cinéma, le soir uniquement. Rapidement nous nous étions créés une bande de potes. Ce soir là, nous nous étions retrouvés après la dernière séance, dans le bistrot à côté. Vers vingt trois heures je les avais quittés, j'étais la seule à travailler le lendemain, je venais juste de démarrer un autre petit boulot, des ménages chez un particulier.
C'était l'hiver, il faisait terriblement froid, je marchais déjà depuis dix minutes dans les rues totalement vides, devant moi, une silhouette habillée d'une veste en mouton. En passant sous le réverbère, la fourrure avait semblé constellée de petites étoiles, je dépassais l'homme d'un pas pressée et par le froid, et par une vague peur.
Je devais être à quelques mètres devant lui, lorsque brusquement les pas semblèrent plus rapide... Il courait.... le temps de me retourner, j'étais face à une silhouette terrifiante, le visage totalement recouvert d'une cagoule noire, une arme au poing... J'étais pétrifiée.
Je me rappelle cette sensation inouïe du coeur qui s'arrête, de la décharge d'adrénaline qui inonde l'intégralité du corps, et le coeur qui redémarre. Cette bascule dans le cauchemar, brutale, irréelle. Dès cet instant j'ai commencé à négocier ma vie. Dès le départ il était entendu qu'il me tuerait, pas tout de suite certes, mais croiser sa route avait été une sacrée erreur.
Puisque j'avais tout de même essayé de fuir, il avait sortit le reste de sa panoplie, poinçon, coup de poings américain, chaîne pour entraver... mais mon écharpe était une laisse pour l'instant suffisante.
Nous avons marché de longues minutes, traversant un terrain vague, grimpant des talus, ne rencontrant personne, absolument personne. Les rues étaient vides, mortellement noires. J'ai l'impression que nous avons marché des heures avant d'arriver dans un appartement qui serait ma geôle des heures durant.
Je me sentais petite chèvre luttant pour voir le jour. Etablir une sorte de dialogue, pour devenir un être humain, peut être plus difficile à tuer.
A un moment, alors qu'il venait de me mettre une bible dans les mains pour me "préparer", je me suis sentie envahie de douceur, entourée de tendresse, comme isolée de l'horreur dans laquelle je nageais depuis quelques heures déjà. Comme si "on" m'accompagnait, "on" me protégeait.
Il y a eu les viols, les violences, les menaces....
Il promettait de me tuer et me jeter dans les poubelles de l'immeuble... Et ma seule angoisse était: "Va-t-on me retrouver ? Va-t-on m'identifier? Et surtout : "personne ne saura ce qui s'est passé !"
Au petit matin, épuisée, après un marchandage délicat, il m'a déposé devant la maison de mon employeur. Il devait revenir vers midi me rechercher, mais on m'avait mis dans un taxi pour me ramener à la vie et bientôt j'allais déposer plainte.
Cela faisait maintenant un mois et demi que j'avais quitté l'Alsace pour rejoindre mon amoureux en Haute Savoie. J'étais arrivée un dimanche gris, découvrant une toute petite ville bien moche, bien vide. Personne pour m'attendre, j'avais pris un bus et m'étais laissée porter trois quart d'heure avant d'arriver devant l'immeuble où nous allions vivre quelques mois avant de trouver un appartement à nous. Premier petit boulot, ouvreuse dans un cinéma, le soir uniquement. Rapidement nous nous étions créés une bande de potes. Ce soir là, nous nous étions retrouvés après la dernière séance, dans le bistrot à côté. Vers vingt trois heures je les avais quittés, j'étais la seule à travailler le lendemain, je venais juste de démarrer un autre petit boulot, des ménages chez un particulier.
C'était l'hiver, il faisait terriblement froid, je marchais déjà depuis dix minutes dans les rues totalement vides, devant moi, une silhouette habillée d'une veste en mouton. En passant sous le réverbère, la fourrure avait semblé constellée de petites étoiles, je dépassais l'homme d'un pas pressée et par le froid, et par une vague peur.
Je devais être à quelques mètres devant lui, lorsque brusquement les pas semblèrent plus rapide... Il courait.... le temps de me retourner, j'étais face à une silhouette terrifiante, le visage totalement recouvert d'une cagoule noire, une arme au poing... J'étais pétrifiée.
Je me rappelle cette sensation inouïe du coeur qui s'arrête, de la décharge d'adrénaline qui inonde l'intégralité du corps, et le coeur qui redémarre. Cette bascule dans le cauchemar, brutale, irréelle. Dès cet instant j'ai commencé à négocier ma vie. Dès le départ il était entendu qu'il me tuerait, pas tout de suite certes, mais croiser sa route avait été une sacrée erreur.
Puisque j'avais tout de même essayé de fuir, il avait sortit le reste de sa panoplie, poinçon, coup de poings américain, chaîne pour entraver... mais mon écharpe était une laisse pour l'instant suffisante.
Nous avons marché de longues minutes, traversant un terrain vague, grimpant des talus, ne rencontrant personne, absolument personne. Les rues étaient vides, mortellement noires. J'ai l'impression que nous avons marché des heures avant d'arriver dans un appartement qui serait ma geôle des heures durant.
Je me sentais petite chèvre luttant pour voir le jour. Etablir une sorte de dialogue, pour devenir un être humain, peut être plus difficile à tuer.
A un moment, alors qu'il venait de me mettre une bible dans les mains pour me "préparer", je me suis sentie envahie de douceur, entourée de tendresse, comme isolée de l'horreur dans laquelle je nageais depuis quelques heures déjà. Comme si "on" m'accompagnait, "on" me protégeait.
Il y a eu les viols, les violences, les menaces....
Il promettait de me tuer et me jeter dans les poubelles de l'immeuble... Et ma seule angoisse était: "Va-t-on me retrouver ? Va-t-on m'identifier? Et surtout : "personne ne saura ce qui s'est passé !"
Au petit matin, épuisée, après un marchandage délicat, il m'a déposé devant la maison de mon employeur. Il devait revenir vers midi me rechercher, mais on m'avait mis dans un taxi pour me ramener à la vie et bientôt j'allais déposer plainte.
6 commentaires:
wow. C'est absolument terrifiant. Je ne peux pas imaginer l'impact que cela eu sur ta vie mais je voudrais te dire que d'avoir survecu cette nuit, et d'avoir pu continuer a vivre montre une force de caractere exceptionelle.
J'espere que la vie t'a donne beaucoup de bonheur par la suite.
Mon Dieu quel courage tu as pour te reconstruire lentement, c'est terrifiant de penser que c'est ce qui attend de nombreuses femmes juste parce que des pseudos homme abusent de leurs forces....Ca me dégoutte !
Je suis sans un mot, juste le sentiment.
Quel coup de poing.
Quel ressort intérieur pour se reconstruire après cela, pour reprendre possession de soi. Je t'admire
Carole (Cuisiner en paix) m'a donné le lien vers ce poste car j'ai écrit aujourd'hui sur le viol et la violence que j'ai subi moi aussi.
Merci d'avoir partagé ça, je t'envoie un hug virtuel
Je n'ai pas d'autres mots, mais c'est inspirant de voir que tu as quand même réussi à te reconstruire. (Du moins on dirait que c’est le cas en lisant ton blog)
Merci frenchie au Canada de ta visite :) Oui on s'en sort, c'est long c'est vrai, il faut se reconstruire et jamais plus on ne sera la même, mais c'est un peu le principe de la vie, on avance, on se prend parfois de grosse grosse claques, on tombe, mais on est vivant. Je vais aller te lire :)
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