vendredi 22 mai 2020

Semi-liberté

pivoines de haute Savoie
Nous avons enfourché nos vélo et sommes partis le long de l'Arve, deux heures durant, sous les arbres qui filtraient le soleil délicatement. Les promeneurs, souvent accompagnés de leur chien, masque sous le menton, ou pas de masque du tout ce qui était sans doute la meilleure des choses à faire, nous saluaient d'un joyeux bonjour. Nous aurions presque pu nous croire en vacances, sans virus rodant.

Je ne vais officiellement qu'une fois à l'agence la semaine, le reste du temps je suis en télétravail, où sur le terrain pour des états des lieux, masquée, gélifiée, distanciée, si loin de ma nature. Le sourire ne passe plus que par les yeux, les mèches de cheveux indomptées ne peuvent plus être repoussées le temps de se désinfecter les mains et enfin se libérer le visage.

Quels souvenirs garderai-je de ce confinement qui nous est tombé sur la tête un mardi, le 17 mars exactement.

Tout d'abord un certain amusement, mêlé d'angoisse diffuse. Laver, laver, laver tout ce qui aurait pu être souillé par le dehors, tout à 95°, depuis j'ai baissé la température à 60 et ai calmé cette phobie qui menaçait mon âme.

Apéro TOUS les soirs, peut-être un ou deux soirs ai-je tenté de reprendre la main, mais dès 18 heures nous étions prêts. Là aussi je viens d'y mettre le hola et mes nuits sont bien plus calmes. Peut-être y perdrai-je ces deux kilos réglementaires combattus sans succès.

Les livres, essentiellement polars, comme il est de règle en vacances, puisqu'au début il s'agissait un peu de cela. Grand soleil dès le réveil, malgré tout réglé à 6 heures chaque matin, peu de travail le premier mois, les locataires et propriétaires étant figés dans cet espace temps improbable.
Allongée sur mon transat, regardant pousser ce qui voulait bien sortir de mes jardinières, plantes mortes ressuscitant, je lisais au soleil, bronzant comme un mois d'août sur la plage... sans plage, sans mer, mais enchantée par les chants d'oiseaux enfin libérés.

J'ai bien testé les courses en drive, mais les deux fois où cherchant ma commande faite cinq jours avant, foule oblige, et constatant qu'il y manquait un grand nombre de choses, j'ai repris la mort dans l'âme le chemin du magasin. Une fois maximum par semaine, tremblante les premières fois, de me faire sanctionner, de rapporter cette saloperie à JP qui lui ne bougeait pas de son fauteuil.
Une seule fois je me suis faite contrôler, bonjour, au-revoir, ravie d'avoir passé brillamment l'examen.

Et puis lentement j'ai repris vie. Je suis allée à l'agence, parce que le télétravail c'est bien, mais c'est lent, et puis il faut consulter certains dossiers papier, il faut imprimer, scanner, envoyer des documents. J'avais alors le plaisir de retrouver des collègues, peu il est vrai, puisque nous n'étions en général pas plus de quatre ou cinq ensemble et respectant la distance obligatoire.

Il est arrivé un moment où mon moral a plongé, profond, lorsqu'il a été question que nous ne puissions plus quitter nos départements. Je venais d'apprendre que maman avait un cancer découvert au tout début du confinement, et me dire que je ne pourrai aller l'embrasser m'a foutu une tristesse incommensurable.

Et puis ces réunions par zoom où l'on se voit si vieille, j'avoue que là aussi cela fout le cafard...

7 commentaires:

Ginou a dit…

Bon courage à ta maman et à vous tous dans ces moments difficiles; j'espère qu'elle trouvera chez les soignants et ceux qui l'entourent la compétence et la bienveillance que j'ai rencontrée et qui m'ont tant aidée dans ces longs mois; je sors enfin du tunnel et reprends une vie presque normale; j'évite encore les sorties dans des lieux trop fréquentés. Je t'embrasse fort

Valvita a dit…

J'espère que tu vas pouvoir retrouver ta maman très vite. Je vous souhaite bon courage à toutes les deux.

Chantal a dit…

Des pensées de réconfort et de soutien à votre mère, à vous et tous vos proches. Je comprends bien votre tristesse de ne pouvoir l'embrasser, la réconforter de votre présence, lui dire et redire combien vous l'aimez après l'annonce de son cancer à un moment si particulier où on ne peut pas se déplacer comme on le souhaite.
Je vous embrasse. J'en profite pour ajouter que ma fille petite, comme votre mère au même âge, pensait que les feux d'artifice étaient tirés en l'honneur de son anniversaire.

Chantal a dit…

PS : J'aime beaucoup les pivoines, leur odeur me ravit.

Dr. CaSo a dit…

Je suis désolée pour ta maman! Est-ce qu'il n'y aurait pas un moyen de la voir, puisqu'elle est si malade? Ca serait très cruel d'interdir ce genre de visite! En tous les cas je comprends ta déprime et je t'embrasse bien fort! J'espère que tout ira le mieux possible!

Valérie de Haute Savoie a dit…

A toutes, Maman a bientôt quatre vingt dix ans, elle prend cela avec beaucoup de phylosophie et nous espérons tous évidemment que cela a été découvert à temps. Elle n'est pas à l'article de la mort, elle sait juste qu'elle refusera tous les traitements qui pourraient l'épuiser encore plus qu'elle ne l'est. Je la reverrai, je n'en ai aucun doute, mais j'aurais aimé pouvoir tout de même l'embrasser, parce qu'une nouvelle comme celle là est toujours malgré tout un choc. Heureusement nous avons le téléphone dont nous ne nous privons pas. C'est très gentille à vous de compatir, je vous en remercie infiniment.

Cara a dit…

Oh non, je suis désolée pour ta maman.
Ce confinement, quelle histoire, quelle période étrange, les hauts, les bas, les côtés positifs et puis les moins gais...
Pour moi, le sentiment d'urgence et la crainte ont beaucoup baissé maintenant, mais le fait de ne pas pouvoir serrer dans les bras certaines personnes que j'aime me pèse.