Le 1er jour du reste de ma vie

Je n'ai pu m'assoupir, épuisée de tristesse, qu'une petite heure la nuit suivant la mort de mon Adorée. Il y avait des petits bruits nocturnes qui semblaient la faire revivre dans l'espace de mes souvenirs. Un bruissement lointain de pas feutrés, un petit clac d'une trappe imaginaire, un frottement d'un bol déjà rangé, le sanglot maitrisé qui lentement faisait couler des larmes en silence.

Je ne retournerai que lundi au bureau, j'abandonne mes collègues, après tout elles aussi l'ont fait sans remords, et j'ai besoin de ces jours de deuil pour apprendre à vivre sans elle.

Nous sommes sortis un moment, moi le visage ravagé, JP dans sa tristesse muette. Au retour j'ai pris conscience que tous les jours, absolument tous les jours de la vie de Chamade, je me suis réjouie de la voir lorsque j'ouvrais la porte de l'appartement, et que dorénavant cette joie là ne sera plus.

Même, alors qu'elle ne devenait plus que l'ombre d'elle même, j'ouvrais la porte et mon regard rencontrait immédiatement le sien. J'enlevais mon manteau, posais mon sac et j'allais l'embrasser, lui dire combien je l'aimais.

Ces derniers temps je me consacrais totalement à elle, la portant dans mes bras comme un enfant, vacant à mes occupations, elle, entourant mon cou de ses pattes avant, regardant le monde de mon épaule. Il m'était devenu difficile de la quitter pour aller travailler, je la sentais si fragile, si près du départ.

Le soir elle se posait sur mes jambes allongées, et s'endormait confiante, recouverte d'un petit plaid en laine. Au moment d'aller dormir, je la portais sur mon lit, et nous nous endormions serrées l'une contre l'autre.

Jamais elle n'a semblé souffrir jusqu'au dernier jour où elle a perdu l'envie de manger, même les dernières douceurs achetées la veille et qu'elle avait alors goûté avec plaisir.

Sans doute aurait-elle pu encore vivre quelques jours, pour notre bonheur triste. Sans doute oui, mais elle aurait alors tant souffert...