mercredi 4 novembre 2015

changer un truc

Et si tu pouvais changer un truc dans ta vie ? Toujours je réponds sincèrement, rien, je ne regrette rien.

Je rentrais hier soir, la nuit tombée, j'étais restée une petite demie-heure de plus, pour ranger mon bureau, classer des papiers, mettre de l'ordre pour le lendemain qui, s'il est pareil à ceux des derniers jours, allait démarrer sur les chapeaux de roue.

Je remontais une ruelle assez sombre et calme, et je lisais sur mon Iphone le commentaire laissé par Dr CaSo. Oui me disais-je, moi aussi je caresse Chamade en pleine nuit lorsqu'elle le demande. Cela ne me dérange pas, tout comme cela ne me dérangeait pas qu'un de mes enfants, au milieu de la nuit me réveille, alors que tout bébés ils découvraient la solitude nocturne.

Et puis m'est revenu comme une gifle un souvenir des premiers jours de G. Nous étions partis en Alsace à peine avais-je accouché. Ce bébé était vorace, il demandait à téter toutes les demie-heure, nuit et jour, j'étais épuisée.

Une nuit, alors qu'il venait de me réveiller pour la dixième fois, je me suis levée, je suis partie me réfugier au grenier, emportant un drap et un oreiller, je voulais tellement dormir, tellement.
Lui, resté seul dans la chambre, hurlait sa faim alors qu'il venait de téter pour la millième fois, il hurlait dans son beau berceau d'osier et de voiles blancs, j'étais en larme dans le grenier.

A peine m'étais-je allongée que mon père était monté.
Valérie, ton bébé pleure beaucoup.
Alors, désespérée j'avais dit " Je sais Papa, mais je crois que je n'aime pas ce bébé ".

Il avait fallu encore quelques semaines pour que j'apprenne que G. était gravement malade. Que s'il dévorait nuit et jour, c'était parce qu'il était un petit garçon plein de vie qui voulait vivre, absolument. Et que contrairement aux autres petits nés avec cette pathologie, lui avait faim et mangeait.

Si je pouvais changer un truc dans ma vie, un seul, ce serait cela. Que je le sache.



J'aurai alors trouvé la force de ne pas dormir,  j'aurais su que je l'aimais envers et contre tous.

7 commentaires:

Dr. CaSo a dit…

Je n'ai pas d'enfant donc je ne peux même pas imaginer l'étendue de ce regret que tu dois ressentir (même si ce n'est pas juste de ta part de t'en vouloir, tu ne pouvais pas savoir, le regret ne serait justifié QUE si tu avais connu la cause de ces pleurs et que tu l'avais ignorée)... mais mon plus grand regret à moi et à cause duquel je pleurerai à l'intérieur pour le reste de ma vie, c'est de ne pas m'être rendue compte à quel point mon petit chat souffrait, ces dernières années, et de lui avoir causé une mort si traumatisante. J'imagine que c'est la cause des plus grands regrets de tout le monde: de ne rien avoir pu faire pour adoucir la douleur de ceux qu'on aime. Grosses bises à toi--et gros câlin nocturne à la jolie Chamade :)

laurence a dit…

post très émouvant mais ... tu ne pouvais absolument pas deviner, Valérie donc ça serait injuste de t'en vouloir... mon premier pleurait beaucoup aussi et j'étais désemparée au point de vouloir rebosser au bout de 3 semaines... c'est pour te dire... beaucoup de mamans sont passées par là mais pas avec la même conclusion que pour ton fils... bises

laurence a dit…

ah j'ai oublié de te dire ce que je changerai dans ma vie si je le pouvais : j'éviterai de bêtement provoquer ma cécité sur mon œil gauche en manipulant un bâtonnet de bois qui s'est éclaté dedans... et j'éviterai mon premier mari !

Mel a dit…

C'est extrêmement remuant de lire cela, Valérie (et ce bébé a un regard d'une intensité incroyable). Je regrette bien des choses mais je fais de mon mieux pour les accepter puisque je ne peux rien y changer, et c'est parfois difficile et douloureux.

Nadya a dit…

Quel billet émouvant !
Je comprends ton ressenti, cette douleur que tu gardes de ne pas avoir su et de penser que tu aurais été mieux pour ton G. si mignon.
C'est cette fatigue immense qui te faisais dire que tu ne l'aimais pas comme il aurait fallu. Fatigue que tu aurais quand même ressentie si tu avais su...

Marloute a dit…

Valérie, c'est moche de faire pleurer une femme enceinte.
Tu as de la chance d'avoir écris un très beau billet qui résonne comme d'habitude trop fort.
Des bises :)

Valérie de Haute Savoie a dit…

Oh oui Dr CaSo, comme je comprends ta douleur, je ne peux pas relire ton billet sans pleurer et je sais combien cela a été terrible pour toi.

Laurence, non même si je présentais déjà ce qui allait se passer, j'étais si loin d'imaginer, mais je m'entends encore dire cela et la douleur ne pourra pas s'effacer. Et si tu avais évité ton premier mari, es tu sûre que tu ne serais pas tombée sur pire :D

Oui Mel, je suis comme toi, je sais que le regret ne sert à rien qu'à étouffer le présent. Et il a toujours de très beaux yeux mon G? d'amour, plus du tout bleus (c'est sa soeur qui a tout pris, elle a des yeux presque transparents et magnifiques) mais toujours aussi vifs !

Nadya tu sais de quoi je parle et je pense souvent à ton neveu en espérant qu'il va bien.

Marloute, oh je suis sincèrement désolée, je sais combien l'angoisse est présente lorsque l'on est enceinte :( Je t'embrasse tendrement.