lundi 8 mars 2010

8ème

La voix éraillée provenait de la cour, mon cœur se serrait d'angoisse, toute la tristesse du monde qui venait bousculer ma vie si tranquille. Je serrais un peu plus fort ma poupée, la berçant tendrement, attendant que la voix se taise. Le chant aviné prenait de l'assurance, rebondissant sur les murs, s'infiltrait par la fenêtre.
Alors, lentement nous quittions nos jeux, nous approchant à pas de loup de la salle de bain, rasant les murs pour, sans qu'il nous voit, regarder l'homme qui chantait.
Très vite notre curiosité nous faisait oublier la discrétion, et, puisqu'il nous avait repéré, que son sourire nous avait rassuré, nous nous pressions, les mains agrippant tant bien que mal la grosse barre en fer peinte en vert qui protégeait les intrépides d'une chute mortelle.
Heureux de ce jeune public, il entonnait une autre chanson, s'arrêtant parfois pour ramasser un sou jeté d'une fenêtre voisine. Nous écoutions, fasciné, cet homme plein de voyages et de mystère.
Et puis maman venait, un petit paquet de papier contenant notre obole. Il fallait le lancer. Aucun de nous n'avait le courage de le faire, plus par honte que par timidité, alors à tour de rôle nous nous dévouions, bouleversés par cette misère qui nous faisait toucher du doigt la chance que nous avions.

5 commentaires:

Pablo a dit…

"Heureux de ce jeune public" : le bonheur est fait de détails comme ça, même dans la misère ; pour lui, peut-être votre fascination était plus importante pour continuer à vivre que vos 'oboles'...

Eperra a dit…

Tes petites "tranches de vie" sont des vrais régals. Je ne commente pas beaucoup en ce moment, contrairement à chez vous, il fait très chaud ici, anormalement chaud pour la saison (la Terre est devenue folle !) et l'électricité nous est rationnée (sans compter mon ordi en surchauffe et moi raplapla...)

Jipes a dit…

Les chanteurs de rue ne sont plus guère de mise par nos temps la misère se cachae surtout celle des travailleurs pauvres....

Unknown a dit…

Je me lance pour un 1er commentaire, aprés avoir tout lu ces quelques dernières semaines, pour te dire à quel point j'aime ta façon de raconter.
Cette belle lumière que tu mets dans tes récits, cette émotion souvent aussi...
Bravo!

Valérie de Haute Savoie a dit…

Caroline, je veux bien te croire, ayant tout au long du week end vu une adresse qui rebondissait d'archive en archive et je suis très honorée de ce premier commentaire. Merci beaucoup.

Pablo, il est vrai qu'avec le recul ils semblaient souvent très heureux de chanter.

La petite poule noire, vient ici, il fait moins deux :D

Jipes, en vois-tu encore des chanteurs de rue ? Il reste les petits groupes qui animent les métros et les rues, mais des chanteurs qui entrent dans les cours pour chanter, je ne crois pas que cela existe encore, du moins en France.