vendredi 19 février 2010

ce choix là...

C'est étonnant me dis-je à chaque fois que j'entends une femme dire d'une autre qu'elle n'est, en allaitant, qu'un vil mammifère. Qu'y a-t-il de si dégradant à faire ce choix là ?
Et pourquoi est-ce justement cela qui affole tant à la lecture du dernier livre d'Elisabeth B. ? Alors qu'il semble bien que ce n'est pas l'objet essentiel du sujet ?
Qu'est ce qui dérange à ce point celles qui n'ont pas eu envie d'allaiter, le fait que d'autres l'aient fait ?
Me revient en mémoire, l'air dégoûté de ma belle-soeur, ayant enfanté au même moment que moi, et qui évoquant cette idée là, grimaça écœurée.

Pour moi, allaiter était une évidence. Et ce n'est certainement pas ma mère ou le milieu médical qui m'a suggéré, imposé ce choix là. Ma mère parce que rien que l'idée que je la rende grand'mère avait déjà fortement ébranlé l'amour qu'elle me portait et tout ce qui pouvait de près ou de loin s'apparenter à un conseil, une connivence de mère à future mère lui était absolument impensable. Le milieu médical, parce qu'à l'époque, il était nettement préférable que la mère avale sa pilule anti-lait et laisse les puéricultrices nourrir aux heures décidées et ouvrables, la tripotée de tubes digestifs dont elles avaient la charge.

Non, j'ai choisi d'allaiter parce que j'en avais terriblement envie, et rien n'aurait pu m'en empêcher, un point c'est tout !

Alors, envers et contre tous, j'ai nourri mes enfants et dieu sait que pour G. cela a été plus un combat qu'autre chose, mais j'ai tenu bon, et j'en garde encore un très beau souvenir.

De ces moments je peux dire la grande liberté que nous avions de partir quand bon nous semblait, sans devoir prévoir des poudres, des biberons stérilisés, des moyens de chauffage. Nous partions tranquillement, JP l'enfant et moi, sans autre bagage. Allaiter n'a jamais été une charge, et lorsqu'est venu le temps de l'indépendance, mes deux enfants l'ont choisi, tranquillement, à leur rythme. Petit à petit les tétées étaient abandonnées, et un soir, naturellement, aussi bien l'un que l'autre, m'ont fait comprendre qu'ils en avaient assez et qu'il était grand temps de passer à autre chose. Sans contrainte, sans heurt, simplement.

Je pourrais dire aussi, le plaisir sensuel qui en découle, au risque de choquer... la douceur de sentir le souffle léger sur mon sein, le regard tendre de l'enfant fiché dans le mien, ces instants hors du temps... dieu que j'ai aimé allaiter !

Mais ne me viendrait jamais à l'idée de conseiller ou non de faire ce choix là. La liberté m'est si chère que je n'ai jamais eu le désir de la retirer aux autres.

27 commentaires:

Catherine a dit…

C'est dans l'air du temps, hélas, de monter les gens les uns contre les autres : vieux contre jeunes, parents contre profs, etc... et vice-versa.
Toutes ses controverses occupent le bon peuple que nous sommes pendant que les requins s'engraissent sur son dos.
Il y a des choses contre lesquelles nous ne pouvons rien, l'âge par exemple, alors tu as bien raison pour le reste qu'on nous laisse libres de nos choix.

Floh a dit…

Je crois, moi, que c'est bien ça le problème. La liberté n'est plus respectée.
A la naissance de tes enfants, tu as été regardée comme un drôle de phénomène par ton choix. Aujourd'hui, c'est l'inverse, mais la même conséquence.
La pression sociale, la pression de "bien faire" selon les normes du moment, qui font s'envenimer un débat où la liberté de choix et de priorités semble cruellement oubliée...
Je trouve ton billet très beau et très touchant :)

ddc a dit…

Quand on lit des choses pareilles, c'est vraiment triste :
http://ailedemesange.wordpress.com/2009/05/29/paroles-de-square

ddc a dit…

En tous cas on sent que c'est un sujet "émotionnel", tu fais rarement des fautes d'orthographe dans une note d'habitude ;-)

julio a dit…

Rien à dire un très beau texte !
« Sa donne envie de redevenir un bébé »

Valérie de Haute Savoie a dit…

Mama Mia DDC le lorsque ait est incroyable !!! D'autant plus incroyable que ce matin, séchant sur cet orthographe qui ne me plaisait décidément pas, j'ai cherché sur internet des exemples et bien évidemment n'en ai trouvé AUCUN ! Ce n'est pas que ce sujet touche une corde sensible, je n'ai aucun problème avec ce choix, n'ai même pas besoin d'assumer, il est tout simplement, mais je crois que j'avais la tête dans le potage :D

Catherine, même l'âge ne me pose pas de problème :)

Floh, si seulement on nous foutait la paix, chacun ferait comme il le sent et surtout n'en serait pas culpabilisé.

DDC, j'ai toujours eu en horreur les personnes qui s'érigeaient en exemple. Jamais de la vie je ne me suis donnée en exemple. Je sais bien que je fais des conneries mais seul Allah est parfait :D

Julio, l'ennui est que l'on ne se rappelle pas ces instants de petite enfance et que si l'on redevient bébé il y a de fortes chances que cela soit encore le cas :)

Beo a dit…

Moi aussi j'ai allaité mes deux enfants et il m'en reste d'excellents souvenirs, malgré que ce fut assez court comme période.

La mode était revenue à l'allaitement à cette époque mais comme toi: je ne crois pas qu'une mode contraire m'aurait indiqué un autre choix. Cela allait de soi et je plaint vraiment les mères qui ont dû avaler une pilule contre cet état de fait on ne peut plus normal non?

Et dire que la Suisse fait une votation sur le non remboursement de l'avortement.... c'est un peu hors sujet mais pas tant que ça: nous les femmes..... dans la société on nous donne des bonbons et ensuite les punitions. :(

Tili a dit…

J'ai adoré être un mammifère, même si ça a failli très mal tourner.
Mais sachant que certaines sont hypersensibles, voire agressives sur le sujet, je n'en parle jamais sans que l'on m'aie explicitement demandé mon avis :-(

dieudeschats a dit…

Il y a le "Qui a-t-il" du début aussi ^^

Valérie de Haute Savoie a dit…

DDC merci infiniment ! J'ai de grandes lacunes orthographiques et je suis très heureuse lorsque l'on me corrige parce que j'aime la langue française et je suis attachée, très attachée au fait qu'elle soit correctement écrite. Merci vraiment.

Tili, tout ce qui relève de l'intime risque toujours de provoquer des réactions épidermiques. Cela gratte souvent là où ça fait mal.

Anonyme a dit…

Si on écoutait Mme Badinter, nous ne serions plus très nombreux sur terre d'ici quelques décennies puisqu'à l'écouter nous devrions toutes être des travailleuses, célibataires indépendantes et sans enfants ...
Pour moi le féminisme ce serait plutôt la possibilité pour les femmes de choisir leur mode vie : travailler ou élever leurs enfants, se marier ou non, être mère ou pas, et de s'épanouir grâce à ce choix. ... Et non pas de les culpabiliser en leur disant qu'elles feraient mieux d'être comme ceci plutôt que comme cela.
Malheureusement, la vie et ses aléas, ne permettent pas toujours d'avoir le choix.

Valérie de Haute Savoie a dit…

Soizik, je n'ai que très peu suivi ce que disait E.B., j'ai surtout été frappée par la réaction instantanée et épidermique de beaucoup de femmes, pour ou contre l'allaitement, alors qu'à lire Samantdi, le livre n'est de loin pas un brûlot contre l'allaitement mais une réflexion sur la condition des femmes se dégradant petit à petit malgré l'avancée faite dans les années 70. Je me demandais pourquoi justement est-ce cela qui instantanément à provoqué cette levée de boucliers.
Je n'ai aucun mal à comprendre qu'une femme n'ait pas envie d'avoir des enfants, moi-même n'envisageais pas ma vie spécialement en étant mère. C'est la rencontre avec JP qui m'a donné ce désir, que je ne regrette pas. C'est aussi en rencontrant mes enfants que le désir d'allaiter m'est venu. Mme E.B. est une philosophe, et c'est justement cela qui fait qu'elle bouscule et fait réfléchir. Personne n'est obligé de suivre sa ligne directrice, mais réfléchir a toujours fait avancer le monde.

FD-Labaroline a dit…

Allaitement, pas allaitement, péridurale, pas péridurale, tu retravailleras, tu prendras un congé... les gens posent toujours la question comme pour te coller une étiquette selon leur conception de la maternité. Franchement,au final, le bien-être de nos gosses et leur équilibre d'adulte ne dépend pas de ça (qui est d'ailleurs est un truc qui ne regarde personne d'autre que nous)
Et puis franchement, faut bien se faire une raison, même si on ne souhaite pas allaiter pour ne pas faire mammifère ou vache-à-lait, déjà, rien que l'accouchement en lui-même, la grossesse auparavant, te font perdre fortement ton côté sex-symbole ! Alors une fois que tu as porté et mis bas, y a pas à tortiller, tu ES une mammifère !

Valérie de Haute Savoie a dit…

Et il y a quelque chose de jouissif à être un temps aussi cela !

Mel a dit…

Mais Mme Badinter ne dit pas autre chose que toi, à savoir : il faut laisser le choix aux femmes, qu'elles aient envie de devenir mères ou non, d'allaiter ou non, etc. Je suis en train de lire son ouvrage, et ce qu'elle dénonce c'est la pression sur les femmes, le fait qu'on cherche constamment à les culpabiliser et que quoi qu'elles fassent de toute façon on leur dira que ce n'est jamais bien. Elle explique aussi que la crise économique a entraîné la prise de mesures pour pousser les femmes à rester chez elles en échange d'une allocation maternelle au demeurant peu élevée, et qu'elle comprend que certaines aient décidé de s'occuper de leurs enfants à plein temps faute d'un travail vraiment intéressant et correctement rémunéré. Le problème au fond, c'est que l'égalité se fait toujours attendre (tâches domestiques qui reposent pour l'essentiel sur les femmes, soins aux enfants idem, il n'y a toujours pas de salaire égal à travail égal, les femmes sont majoritaires dans les boulots précaires, etc.)
Mais le débat s'est beaucoup focalisé sur le sujet de l'allaitement, comme si chacune se sentait atteinte dans la décision qu'elle a prise et qu'il fallait à tout prix démontrer que c'était la meilleure possible à tous points de vue.

Pablo a dit…

L'important est sans doute l'amour qu'on porte à son enfant en le nourrissant, et même si on ne s'en souvient pas (j'aime bien la façon qu'a Julio de l'exprimer : "l'envie de redevenir un bébé" !), ça doit façonner le cerveau et l'âme de la petite personne encore en projet et en construction. Dont tous les sens sont en jeu dans cet acte si simple et si naturel de la tétée (d'un sein ou d'un biberon, peu importe) – et c'est dans ces sens essentiels que réside sans doute le bonheur.

Valérie de Haute Savoie a dit…

Oui Pablo, être avec son enfant sans culpabilité, afin de ne pas lui inculquer cette affreuse culpabilité qui détruit tant.
Mel, c'est bien cela qui m'étonne, que dès que l'on évoque l'allaitement ou le biberon, cela déchaîne les passions. Comme le dit Pablo, comme je le pense aussi, l'essentiel est d'être en harmonie avec soi-même.

Valérie de Haute Savoie a dit…

J'aime bien le fait que tu ais mis un lien avec le si beau billet de Traou... merci Pablo !

cultive ton jardin a dit…

Ce n'est pas le livre qui a suscité ces réactions, puisque la promotion avait commencé avant sa parution, mais les attaques verbales assez lourdes de E.B. contre la mouvance écologiste (allaitement, couches lavables et purées de brocolis bio) en oubliant que dans cette mouvance, les couples sont précisément très égalitaires auprès des enfants.

Et ses attaques violentes contre la Leche League, association assez "maman/bébé" certes, mais loin d'être aussi intégriste qu'elle le dit, et surtout qui donne des conseils pratiques très efficaces (qu'on a difficilement ailleurs) quand on souhaite allaiter un peu longuement.

Valérie de Haute Savoie a dit…

Je ne connais pas du tout cette association, j'ai même toujours eu, sans la connaître une certaine réticence. J'ai eu la chance d'allaiter sans aucune difficulté, sans que cela pèse dans ma vie bien au contraire. Je trouve curieux simplement le dégoût que peuvent avoir certaines femmes à l'idée d'allaiter, une sorte de dégoût de leur propre corps et c'est cela qui m'interroge, bien plus que les paroles de E.B. Quoique pour l'avoir entendue dire qu'il fallait culpabiliser les hommes m'a fortement déçue de sa part. J'ai en horreur la culpabilisation de l'autre pour arriver à ses fins.

Pablo a dit…

Je suis d'accord avec les appréciations de Cultive ton jardin sur la Leche League. Ma compagne a allaité notre fille, et à un moment donné on a dû alterner avec les biberons. C'est alors qu'elle a eu des doutes et des difficultés sur des questions pratiques et j'ai (moi, donc ;-) ) téléphoné à la section locale de la Leche League (les numéros de téléphone figuraient dans tous ces magazines de bebé/parents qu'on achetait à l'époque) qui nous ont donné de très bons conseils, qui surtout ont beaucoup soulagé ma compagne.

Pablo a dit…

...et j'ai oublié d'ajouter : des conseils qu'elles ont donné sans aucun sectarisme.

Valérie de Haute Savoie a dit…

Je n'ai il est vrai jamais eu recours à qui que ce soit pour ce était des conseils pour l'allaitement. Cela était si naturel et si facile sans doute (du moins pour C. puisque pour G. cela a été bien plus chaotique en raison des diverses interventions chirurgicales qui ont souvent fait que je devais suspendre l'allaitement le temps qu'il puisse reprendre sa sustentation naturelle... )Et je crois que j'ai seulement demandé à un pharmacien, au départ, comment calmer une ou deux crevasses (grâce à la pommade Castor equi tout était revenu très vite dans l'ordre). J'allaitais certes, mais cela n'avait rien d'exceptionnel, rien de surnaturel, c'était tout simplement et sans doute ai-je eu de la chance en somme.

Je ne sais pourquoi l'évocation de cette leche league me dérange... Cette sorte d'adoration pour un truc normal et banal, comme s'il y avait une déification de la mère... C'est totalement subjectif, et je suis étonnée de te lire racontant avoir eu recours à leurs conseils... étonnée et peut être même intéressée du coup par cette association... quoique...

Jipes a dit…

C'est Probablement le geste qui a le plus de complicité entre la mère et son bébé et je trouve stupide de vouloir en priver une mère désireuse de le faire ! De plus le lait maternel contient des anticorpsmaternels qui sont essentiels pour le dévelloppement d'une immunité post natale même si celà n'est pas suffisant de toute facon au niveau nutritif rien de tel !

Mel a dit…

Je vois que la question de l'allaitement est toujours aussi sensible. C'est formidable quand on veut (et qu'on peut) le faire, et c'est chouette de lire des expériences positives sur le sujet, simplement il faut penser à celles qui pour tout un tas de raisons n'ont pas voulu ou pas pu allaiter. Un discours pro-allaitement trop radical est très culpabilisant, comme s'il n'y avait qu'un modèle, qu'une seule façon de bien faire les choses. C'est rejeter tous ceux qui ne sont pas dans cette norme, les stigmatiser.
Il faut se garder de cette obsession pour le "tout naturel" (sachant que chez les humains, tout relève de la construction sociale, y compris notre conception de la nature) et le tout biologique (au sens de la filiation par exemple) : je pense notamment à ceux qui adoptent, et qui donc ne sont pas les parents biologiques de leur enfant. Pouvoir choisir, c'est formidable, vivre dans un couple égalitaire, c'est formidable, mais ce n'est pas l'expérience la plus répandue, il ne faudrait pas l'oublier. Et culpabiliser les hommes, ce n'est en effet pas une bonne idée, mais leur ouvrir les yeux sur l'importance du partage des responsabilités, je pense que tout le monde y gagnerait.

cultive ton jardin a dit…

En filigrane derrière la question de l'allaitement maternel, il y a la campagne "Nestlé tue les bébés" mise en place pour protester contre les pratiques commerciales abusives de la firme dans le tiers monde. Aboutissant à un boycott qui a frappé l'un après l'autre différents pays européens, en commençant je crois par la France.

En Afrique en particulier, les conséquences en étaient catastrophiques. Des femmes, convaincues, par des photos de blondinets au biberon, de faire bien en faisant comme les européennes, abandonnaient l'allaitement au sein, ayant ensuite toutes les difficultés qu'on peut imaginer pour trouver de quoi payer la poudre, et de l'eau potable pour la diluer. Ce qui aboutissait à la mort par diarrhée de nombreux nourrissons.

J'avoue que ce souvenir est vivace pour moi quand on parle du sujet, même si, bien entendu, l'allaitement artificiel n'a pas chez nous des conséquences aussi catastrophiques.

http://www.monde-diplomatique.fr/1997/12/BRISSET/9623

Valérie de Haute Savoie a dit…

Oui Jipes, l'important est que celles qui ont envie et la possibilité d'allaiter puissent le faire sans se sentir rejeter du monde des actifs, mais également, comme le dit Mel, que celles qui ne le peuvent pas, qui ne le veulent pas, ne se sentent pas pour autant de mauvaises mères.
Cultive ton jardin, cette histoire de lait en poudre m'est aussi restée en mémoire.