A son accent il doit être d'origine slave, nous allons voir un trois pièces et nous tentons d'échanger quelques phrases. Son Français est un peu particulier mais je comprends qu'ils cherchent un appartement suffisamment grand pour se loger, son épouse qui tient une petite fille dans les bras et lui, mais également un grand fils qui termine son apprentissage et n'a pas encore de quoi vivre seul.
- Que termine t-il comme apprentissage ?
Plombier, et son autre fils plus grand est électricien. Lui, il me semble, s'occupe des sols, parquets, carrelage... Je me retourne vers la femme et en souriant dit "Trois spécialistes, ils vont bientôt vous construire une maison". Ils sont tendus, comme souvent ceux qui mettent beaucoup d'espoir dans la visite à venir. J'essaie de détendre l'atmosphère, parle d'un artisan qui justement cherche en ce moment un apprenti plombier.
Nous venons à peine de passer le premier feu qu'il dit "Je veux pas habiter là où y'a des arabes, je veux pas quartier d'arabes !" Je me glace, étourdie par la violence des sentiments qui se déchaînent dans mon cerveau. Se calmer, dire ce que je pense, ne pas me taire lâchement...
Il écoute poliment, sûr de lui "Même ceux qui sont bien maintenant, après ils foutent la merde, toujours ! Ils faire toujours la merde !" - Alors Monsieur, je vous conseille la lune, là au moins vous aurez moins de chance d'en rencontrer" et je me tais jusqu'à ce que l'on se gare. Eux sont contents, nullement affectés par ma froideur. En arrivant devant l'immeuble d'habitude silencieux, nous sommes accueillis par une musique s'échappant d'une grande fenêtre ouverte.
La femme lève les yeux, regarde son mari d'un air mauvais et dit "Musique arabe!"
Évidemment ils ne voudront pas de cet appartement, ils rappelleront plus tard pour en voir un autre. "Monsieur, puisque vous avez une idée très arrêtée de l'environnement dans lequel vous accepterez de vivre, je vous conseille, avant que vous ne me fassiez déplacer pour rien, d'aller voir sur place si le quartier conviendra à vos exigences".
Un autre jour... Un autre client...
Il arrive pile à l'heure, nous allons voir cet appartement dont un des voisins écoutait de la musique arabe. Il balbutie quelques mots de français, s'aidant de ses mains. "Moi suivre toi ... Moi voiture grise". Mais très vite nous trouvons les clefs pour nous comprendre. De la fenêtre je lui indique où je l'attendrais pour qu'il puisse me suivre en voiture dans laquelle attendent sa femme et son enfant.
Sur le chemin j'écoute Daniel Mermet en Guadeloupe, le soleil depuis ce matin donne un air printanier malgré le petit 3° culminant. Nous nous garons sur le parking, des enfants font du vélo. Aujourd'hui nulle musique égaillant les abords. La petite fille ne s'est pas réveillée lorsque son papa l'a détachée de son siège auto. Elle dort profondément, la joue écrasée sur son épaule, la mère marchant légèrement en retrait. Elle est née le 8 mars il y aura deux ans. "Son anniversaire, le jour des mères" dit-il fièrement. Une femme est forcément une mère, au moins en devenir.
L'appartement leur plait. Elle, émerveillée, ose à peine faire le tour des pièces. D'un regard inquiet elle interroge son mari ; oui lui aussi le trouve bien. Elle replace le gilet qui protège l'enfant qui dort, me raconte l'asthme de la petite, sa peur constante qu'elle aille mal, son besoin de trouver un endroit sain où la toux pourra se calmer.
En redescendant, ils s'attardent devant les boîtes aux lettres, lisant un à un les noms inscrits sur les plaques. D'un soupir désolé il dit "Un seul nom étranger! Ils voudront pas de nous".
Alors ils me disent les portes qui se ferment lorsqu'ils se présentent, leur crainte de ne jamais être acceptés. Expliquer la loi contre la discrimination, leur droit de ne pas laisser faire, les associations... J'aimerais tant qu'ils puissent enfin se poser.
Tout à l'heure...
Je cours d'un rendez-vous à l'autre. Jonglant avec le peu de temps qu'il me reste pour m'occuper des travaux, vérifier que l'entreprise a fait son travail, que les radiateurs chauffent, que les plaques de boites aux lettres sont bien commandées, que les baux sont envoyés.
La femme est assise en face d'Isabelle, elle termine son entretien, elle n'a pas remarqué que j'étais arrivée, je n'ai pas vraiment le temps de m'asseoir, juste vérifier mon planning avant de repartir pour un autre rendez-vous.
"Vous ne mettrez pas n'importe qui dans mon appartement"
Isabelle lui explique le dossier que nous montons pour chaque candidature.
"Oui enfin je veux dire, vous me mettrez des gens bien... enfin vous comprenez... pas des étrangers" Isabelle lui dit notre politique, le respect de la loi... sèchement elle réplique
"Vous me soumettrez les dossiers, je choisirai !"
- Que termine t-il comme apprentissage ?
Plombier, et son autre fils plus grand est électricien. Lui, il me semble, s'occupe des sols, parquets, carrelage... Je me retourne vers la femme et en souriant dit "Trois spécialistes, ils vont bientôt vous construire une maison". Ils sont tendus, comme souvent ceux qui mettent beaucoup d'espoir dans la visite à venir. J'essaie de détendre l'atmosphère, parle d'un artisan qui justement cherche en ce moment un apprenti plombier.
Nous venons à peine de passer le premier feu qu'il dit "Je veux pas habiter là où y'a des arabes, je veux pas quartier d'arabes !" Je me glace, étourdie par la violence des sentiments qui se déchaînent dans mon cerveau. Se calmer, dire ce que je pense, ne pas me taire lâchement...
Il écoute poliment, sûr de lui "Même ceux qui sont bien maintenant, après ils foutent la merde, toujours ! Ils faire toujours la merde !" - Alors Monsieur, je vous conseille la lune, là au moins vous aurez moins de chance d'en rencontrer" et je me tais jusqu'à ce que l'on se gare. Eux sont contents, nullement affectés par ma froideur. En arrivant devant l'immeuble d'habitude silencieux, nous sommes accueillis par une musique s'échappant d'une grande fenêtre ouverte.
La femme lève les yeux, regarde son mari d'un air mauvais et dit "Musique arabe!"
Évidemment ils ne voudront pas de cet appartement, ils rappelleront plus tard pour en voir un autre. "Monsieur, puisque vous avez une idée très arrêtée de l'environnement dans lequel vous accepterez de vivre, je vous conseille, avant que vous ne me fassiez déplacer pour rien, d'aller voir sur place si le quartier conviendra à vos exigences".
Un autre jour... Un autre client...
Il arrive pile à l'heure, nous allons voir cet appartement dont un des voisins écoutait de la musique arabe. Il balbutie quelques mots de français, s'aidant de ses mains. "Moi suivre toi ... Moi voiture grise". Mais très vite nous trouvons les clefs pour nous comprendre. De la fenêtre je lui indique où je l'attendrais pour qu'il puisse me suivre en voiture dans laquelle attendent sa femme et son enfant.
Sur le chemin j'écoute Daniel Mermet en Guadeloupe, le soleil depuis ce matin donne un air printanier malgré le petit 3° culminant. Nous nous garons sur le parking, des enfants font du vélo. Aujourd'hui nulle musique égaillant les abords. La petite fille ne s'est pas réveillée lorsque son papa l'a détachée de son siège auto. Elle dort profondément, la joue écrasée sur son épaule, la mère marchant légèrement en retrait. Elle est née le 8 mars il y aura deux ans. "Son anniversaire, le jour des mères" dit-il fièrement. Une femme est forcément une mère, au moins en devenir.
L'appartement leur plait. Elle, émerveillée, ose à peine faire le tour des pièces. D'un regard inquiet elle interroge son mari ; oui lui aussi le trouve bien. Elle replace le gilet qui protège l'enfant qui dort, me raconte l'asthme de la petite, sa peur constante qu'elle aille mal, son besoin de trouver un endroit sain où la toux pourra se calmer.
En redescendant, ils s'attardent devant les boîtes aux lettres, lisant un à un les noms inscrits sur les plaques. D'un soupir désolé il dit "Un seul nom étranger! Ils voudront pas de nous".
Alors ils me disent les portes qui se ferment lorsqu'ils se présentent, leur crainte de ne jamais être acceptés. Expliquer la loi contre la discrimination, leur droit de ne pas laisser faire, les associations... J'aimerais tant qu'ils puissent enfin se poser.
Tout à l'heure...
Je cours d'un rendez-vous à l'autre. Jonglant avec le peu de temps qu'il me reste pour m'occuper des travaux, vérifier que l'entreprise a fait son travail, que les radiateurs chauffent, que les plaques de boites aux lettres sont bien commandées, que les baux sont envoyés.
La femme est assise en face d'Isabelle, elle termine son entretien, elle n'a pas remarqué que j'étais arrivée, je n'ai pas vraiment le temps de m'asseoir, juste vérifier mon planning avant de repartir pour un autre rendez-vous.
"Vous ne mettrez pas n'importe qui dans mon appartement"
Isabelle lui explique le dossier que nous montons pour chaque candidature.
"Oui enfin je veux dire, vous me mettrez des gens bien... enfin vous comprenez... pas des étrangers" Isabelle lui dit notre politique, le respect de la loi... sèchement elle réplique
"Vous me soumettrez les dossiers, je choisirai !"
22 commentaires:
sais tu que j'ai craint de rencontrer cette difficulté quand nous avons loué ici il y a trois ans ? (finalement aucun problème, mon nom bien flamand a dû compenser le nom bien turc ) ; ou tout simplement je pense que notre propriétaire accorde plus d'importance à la fiche de paie qu'aux origines, de façon très pragmatique (dans la maison mitoyenne longtemps un autre couple mixte, un nom bien breton avec un nom bien ivoirien ;-) ) ; nous sommes les minorités de notre wisteria lane haut savoyard ;-)
Tellement triste et tellement vrai... Il y a quelque année j'ai bossé pour un salon à porte de Versailles... Et il y avait sur un stand à coté un gros connard de "chef" qui appelais ses ouvriers bamboula, pour le black et le raton pour le nord africain... Bamboula va chercher le truc, le raton faut faire le machin... Là où je m'en suis le plus voulus c'est de ne pas être intervenu...et puis je me dit pour quoi faire? outre que le gars était assez baraqué pour en bouffer 4 comme moi au petit déj, je sais que dans les métiers de standiste, ces petites mains sont tous des précaires, des intérims, et si j'étais intervenus peu être aurais t'il risqué leur boulots. par contre, où un jours j'étais dans un magasin, le gars me dit à propos d'un truc que c'était du boulots d'arabe! Je l'ai regardé dans les yeux et je lui est dit que ce devait être de la bonne qualité alors, avec un large sourire! Le gars m'a regarder perplexe, et je me suis cassé! on as les revanches que l'on peut...
Des fois, j'écoute de la musique arabe. Tu le pourras dire à tes clients qui souhaiterai ne pas avoir un médecin juif pour voisine.
souhaiteraient! ( au clavier, j'écris le français comme un député ump!)
Ce que ça me rend triste, et me révolte, ce racisme ordinaire. Je ne comprends pas qu'on puisse encore penser (et dire tout haut) des choses comme ça...
Gilsoub, dans le même genre, à Paris, un vendeur imbécile essayant de me vanter la qualité de son bibelot a cru utile de préciser:
- "c'est pas un truc de pédé, hein?!"
Je l'ai renvoyé sèchement dans ses plate-bandes et n'ai plus jamais mis les pieds dans cet endroit là.
La bêtise est universelle, hélas.
"j'écris le français comme un député ump!"
ah ah ah!! :D
Celui qui a la pelotte à terre? ;P
Laluciole, bien évidemment nous ne pratiquons pas de sélection, au contraire, nous essayons justement de ne pas faire que certains immeubles ne deviennent des guettos et cela marche bien. Seul certains propriétaires essayent de nous faire plier ;) Mes dirigeants sont intraitables.
Ce qui me stupéfie, c'est le naturel avec lequel est faite ce genre de requête. Et le deuxième couple me disait qu'ils avaient vraiment été rejetés par des propriétaires louant directement.
La troisième, pffff, Isabelle et moi en avons fait des gorges chaudes !
Mais Anita Quelle horreur !
Olivier, c'est tellement con non ce genre de phrase ?
Je dois vivre sur un petit nuage, j'ai toujous l"impression que ces remarques et ces états d'esprit sont dépassées, qu'ils n'ont plus lieu.
Et puis, régulièrement, comme toi, on me rapporte des récits, des faits.
J'ai toujours du mal à y croire, je l'avoue
@ Olivier: gzactement!
C' est quand même fou tous ces problèmes pour pouvoir ce loger et si triste !
Il y a trois régions chères, Paris, Paca et Léman...Cela explique aussi la difficulté de trouver un appartement de taille normale avec un loyer supportable.
J'adore le commentaire d'Anita qui fait que ceux qui cherchent à éviter finissent probablement à trouver pire à force de chercher les puces!
Comme si on ne pouvait pas écouter de la musique arabe. J'ai horreur de ce genre de cataloguage, d'un côté comme de l'autre. C'est bien triste!
J'ajoute ici que je ne disais aucunement que le statut de médecin juif était pire qu'un autre hein, sauf pour les racistes :)
Tu es vraiment confrontée à la vraie vie, la vraie de vraie ! Ces réactions ne m'étonnent pas vraiment en fait. Même si je le déplore.
J'admire tes réactions, je ne sais pas si je saurais garder la tête froide.
Lorsque nous sommes arrivés dans notre appart certains de nos voisins ont paru soulagés, "de rester entre nous", entre blancs donc...
Le racisme existe hélas partout :( Mes étudiants sont des gens du monde entier et on parle souvent, en classe, de racisme. Ce qui est intéressant c'est que certains de ces étudiants souffrent beaucoup de racisme mais ne se rendent pas compte qu'eux-mêmes sont terriblement sexistes, par exemple... Ou racistes envers d'autres minorités. Le truc qui m'avait le plus frappé c'était mes étudiants indiens qui vivaient un vrai calvaire, dans le Midwest américain, après le 11 septembre, mais entre eux, il y avait aussi beaucoup de racisme suivant d'où ils venaient en Inde (les habitants du sud ont la peau plus sombre et sont très mal perçus par les habitants du nord, par exemple, sans compter les problèmes de langues et de religions différentes). On a tous un peu tendance à se moquer ou à mépriser les plus pauvres/moins nombreux/différents/plus faibles que nous...
Parfois je m’interroge que sais t’ile passé depuis mon arrivé en France ? Je me souviens de mon enfance a foussemagne dans la cité de l’usine, avec les algériens et les italiens et bien sur il y avait aussi des français dans la cité, les espagnol nous étions moins nombreux et la plus pars sont reparti en Espagne, tout sais hommes qui travaille beaucoup.ont ne parlais pas de voile il ni en avais pas, ont ne parlais pas de problèmes entre les communautés il y en avait pas ! À l’école les maitres était dévoué aux enfants, et la société intégré tout le monde.
Avant tout était parfait ? J'ai quand même un peu de mal à y croire ;-)
Olivier de Montréal> C'est la phrase favorite d'un de mes amis... alors qu'il est le premier concerné :)
L'amour comme épée, l'humour comme bouclier, dit Werber !
Non tout n’était pas parfait, nos jeux était plutôt violent est le samedi il y avait des bagarres dans les balles de la région.
Mais aujourd'hui dans le village il y a des problèmes de drogue, de vole, des jeunes sont en prison pour avoir fait des casse.
Nous ont allait ce baigné à la rivière jouet dans la forêt s’était différent !
Ce sujet me parle... Nous sommes un couple mixte (mon mari est d'origine marocaine), et c'est vrai, pour les démarches telles que vous décrivez, c'est moi qui vais "au front". Nous anticipons sur la réaction de l'interlocuteur, avant même de savoir s'il sera ou non réfractaire au nom de mon mari qui fait "exotique"... Et ce , malgré une très bonne situation professionnelle et un très bon salaire.
Mais nous en rions et nous ne nous braquerons jamais... Parce que nous nous sentons "planétaires" et libres, et non pas victime de la bêtise humaine, qui elle aussi est universelle. Et cela va dans les deux sens culturels.
Mon mari est né en France, d'un père marocain et d'une mère française, a fait ses études en France, et est cadre supérieur dans une grosse boîte française. Il n'a jamais eu de problème de "progression sociale" et se sent bien dans ses babouches ici en France... . Il est profondément laïque, donc ne pratique pas du tout la religion de son père, et notre enfant porte un prénom français non musulman...
Lui, a été "baptisé" "Rachid" par son père qui tient dur comme fer à la transmission des prénoms musulmans. Autant dire que le prénom de notre fils est resté coincé dans sa gorge... Il ne sait pas que mon mari a pour l'état civil français changé de prénom voilà dix ans "au cas où"... Et que vis à vis de sa famille c'est un secret que nous ne dévoilerons jamais. Il y a un vrai blocage culturel de ce côté là, et même l'humour n'y pourra jamais rien...
Tout cela pour dire que le racisme, et bien curieusement nous le vivons plus violemment de l'autre côté de la Méditérannée qu'ici.. Alors?
Julio, lorsque j'étais petite, il me semblait aussi qu'il n'y avait pas ce racisme si évident. Je me suis interrogée. D'une part je vivais dans un milieu très ouvert, mais en réfléchissant, et après avoir vu bien plus tard des émissions évoquant ces années là, je crois que les "étrangers" souffraient réellement de racisme. Les Italiens que l'on appelait spaguettis, les arabes que l'on ignoraient carrément etc...
Mais ce que raconte Tamara ne m'étonne guère, le racisme n'a pas de frontière. Ce qui me semble assez contemporain, c'est le manque totale de honte à exprimer son racisme le plus primaire. Il me semble qu'avant on était moins arrogant.
Et cette fameuse crise n'arrange rien. Il faut pour cela que l'on reste vigilant, que l'on n'accepte pas de cautionner les phrases qui voudraient nous inclure dans ces pensées délétères.
Je suis un peu comme Olivier Autissier, je dois mener une vie plutôt préservée, mais j'ai toujours du mal à y croire ! Et pourtant...
C'est vrai que ton boulot doit t'amener à des confrontations avec tout et n'importe quoi...
Valérie, un peu de douceur dans ce monde de brutes...
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