jeudi 1 mai 2008

1er mai 1976


C'est en buvant des bières, l'esprit un peu embrumé, que l'un de nous avait soulevé l'idée de vendre du muguet. Au début cela avait juste semblé une idée, une de plus, de fin de soirée un peu alcoolisée, et puis...
Le lendemain, buvant notre café, encore vaporeux de la veille, nous trouvions cette idée plutôt agréable et "pourquoi ne pas aller carrément à Paris, avec notre vrai muguet des bois ?"
L'après midi nous avions arpenté la forêt de la Hardt, le nez dans la mousse, le premier qui trouverait, pousserait un grand cri. Les clochettes étaient timides mais bien présentes, et chacun choisit avec soin les brins les plus chargés. Le soir nous avions quelques paniers bien remplis, il était temps de partir. Lucien au volant de son combi ww, et nous à l'arrière nouant trois, quatre brins et quelques feuilles que nous emballions artistiquement dans du papier cristal.
A Paris, le soleil se levait sur les toîts lorsque nous arrivâmes. Nous avions somnolés une fois le muguet préparé, cherchant le sommeil dans le ronronnement du moteur. La bouche un peu pâteuse de cette nuit grisâtre, nous nous étions affalés dans le premier troquet ouvert, nos paniers à l'abri dans le van fermé.
Paris lentement se réveillait, ça et là quelques tréteaux sur lesquels les planches se garnissaient de muguet, nous n'étions pas les seuls !
Il était temps maintenant de proposer notre fleur odorante et sauvage. Chacun pris un panier et partit à la recherche d'acheteur... je détestai cela... j'étais si timide, si mal à l'aise, si peu sûre de moi. Haranguer le chaland était bien au dessus de mes forces, je tendais timidement mes bouquets, priant le ciel de devenir transparente... que cela se termine vite. Anne Marie de son côté s'amusait follement et plusieurs fois vint me soulager de quelques poignées de bouquet. Je fuyais mon reflet dans les vitrines du boulevard St Michel lorsqu'un homme se planta subitement devant moi "Tu as l'air d'une bonne sœur, détache donc tes cheveux, souris, tu pourrais être si jolie" et il repartit de son pas dansant, me laissant figée, incapable maintenant de proposer mes bouquets.
La journée finissant, les paniers vides, nous regagnâmes le combi, comptant nos différentes cagnottes. Nous avions tout juste rentabilisé le voyage... Je rentrais, gardant au fond de moi cette blessure narcissique à jamais béante !

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Très jolie histoire :)

Anonyme a dit…

Et trente deux ans déjà…
Oui je sais, j'ai un plomb d'excellente qualité quand je veux.

Anonyme a dit…

Il y a des remarques comme cela qui anéantissent. Mais en fait, cet homme t'a dit que tu étais si jolie, belle au-delà de ce qu'étaient tes apparences du moment.
(oui, il faut un temps fou pour comprendre ce genre de remarque qui tétanisent, moi aussi je serais rentrée sous terre)

Valérie de Haute Savoie a dit…

Oui je garde de cette virée parisienne un souvenir joyeux totalement séparé de cet instant précis gravé, figé dans ma mémoire. C'est d'ailleurs très curieux de me voir, les cheveux tirés en une queue de cheval bien stricte, plantée là sur le trottoir dans cette ville où le goût sûr des "parisiens" ne faisait aucun doute. C'est aussi un instant clef qui a commencé à me permettre de quitter ce carcan de bonne famille qui me donnait cet air coincé de fille sage (que je n'étais en réalité pas du tout)

Et sinon Marcus, c'est une expression que je ne comprends pas "avoir un plomb d'excellente qualité" :) Peux-tu m'éclairer sur sa signification ?

Anonyme a dit…

Très belle histoire ou commen partir avec des copains pour "s'amuser" et en revenir marquer pour toujours. Changée. Différente. Autre. Mais parfois le changement effraie, et pourtant ...

Anonyme a dit…

J'ai l'impression, à te lire, que tu es une belle, une authentique aventurière.

Anonyme a dit…

'Tu pourrais être si jolie' moi j'aurais plutôt pris cela comme un compliment... S'il suffisait de se dénouer les cheveux pour l'être... toutes les jeunes filles n'ont pas cette chance !

Valérie de Haute Savoie a dit…

Pffou la la Lancelot, tu n'imagines pas comme je me sentais le plus gros thon de l'univers ! Alors bien sûr je n'ai entendu que ce que je voulais (pouvais) entendre à savoir Tu as une tronche de bonne soeur :)
Maintenant, après une bonne dizaine d'années d'analyse et même si je sais que je ne suis pas une bombe, je m'aime bien... mais c'est curieux comme ce souvenir reste douloureux !
Oxygène c'est très gentil de m'imaginer comme cela, des trois mots "authentique" est certainement ce qui me correspond le plus :)
Béatrice, j'en garde un très bon souvenir quand même !

Anonyme a dit…

Il manquait singulièrement de tact ca c'est évident :o( Parfois l'Enfer est pavé de bonnes intentions Quand au "Plomb" de Marcus je pense qu'il a voulu dire qu'il pouvait avec sa remarque "plomber l'ambiance ;o)