dimanche 9 mars 2008

Nadir

Un soir elle n'est pas rentrée, j'ai laissé la fenêtre ouverte, guettant les ombres... elle n'est jamais rentrée.
Longtemps je l'ai attendue, longtemps mes yeux n'espéraient rien d'autre que de croiser sa grâce féline au coin d'une rue, et redoutaient follement apercevoir son corps mollement étalé dans le ruisseau du caniveau.
Elle m'avait suivie dans mes déménagements, m'avait consolée de mes soirées d'écrasante solitude.
Nous étions une. Sans elle je perdais mon âme.

C'était une chatte de gouttière, née au printemps peu de temps avant que je ne quitte le nid, et nous avions en quelque sorte pris ensemble notre indépendance.

Il y a si longtemps maintenant qu'elle est partie qu'il ne me reste d'elle que des souvenirs épars.

La fois où, alors qu'elle ne mangeait plus depuis quelques jours et que je m'inquiétais, envisageant même de la faire examiner par un vétérinaire, la voisine m'avait arrêtée sur le palier, furieuse - Ecoutez, cela ne peut plus durer, à chaque fois que je fais un repas, dès que j'ai le dos tourné, votre chat vient voler les morceaux de viande dans les plats... Interdite de balcon - exit l'anorexie féline !

Un jour, rentrant fatiguée de mon travail, je trouvai le réfrigérateur ouvert, un litre de lait renversé, et posés au milieu de la flaque de lait, ses trois chatons découvrant ce self-service, Nadir assise à côté, tranquille et innocente.

A St Etienne, nous étions en tournée, le voisin chargé de la nourrir l'avait, sans faire exprès, laissée s'enfuir. Nous étions rentrées une semaine plus tard à la nuit tombée et avions parcouru la ville l'appelant, éperdues. Elle avait déboulée du haut d'une rue, sale, affreusement sale, sentant tellement mauvais qu'elle n'avait plus le courage de se nettoyer. Je l'avais douchée et elle s'était laissée faire, maigre et tremblante. Puis après avoir dévoré son repas s'était glissé dans les draps si contente de retrouver le confort citadin.

Il y avait eu aussi cette soirée où elle avait accueilli un ami, le compagnon d'Anne, en crachant et feulant, refusant de se laisser approcher par lui. Elle qui adorait se coucher sur ses genoux, ronronnant sous ses caresses garda ses distances, menaçante. La soirée s'était écoulée tranquillement, Anne et son compagnon était repartis, je m'étais couchée. Au milieu de la nuit Anne était revenue, terrifiée, le visage en sang, son ami était devenu brusquement fou, violent !

Je la vois encore, découvrant l'immense couloir chez mes parents à qui j'étais allée la présenter. Elle n'avait que quelques semaines, et toute excitée par ce boulevard, avait pris son élan et, trompée par le miroir qui couvrait le mur n'avait pas eu le temps de freiner, s'écrasant sur son reflet. Etourdie elle était repartie dans l'autre sens comme une furie.

Et puis un jour elle m'a quittée... j'ai tant pleuré, tant pleuré !

10 commentaires:

Beo a dit…

Comme je comprends ta peine! Elle était vraiment attachante on dirait et avec un sens prémonitoire?

Celui de mes nombreux chats qui a été le plus complice avec moi est partie de la même manière... jamais revu ni trouvé mort :(

Anonyme a dit…

Quelle belle et triste histoire, j'en ai les larmes aux yeux! Ma Nouchka, première chatoune, a été perdue comme ça par les gens qui devaient s'en occuper pendant que j'étais en voyage. Je ne l'ai jamais retrouvée et j'ai pleuré, pleuré, moi aussi... J'ai toujours espéré qu'une gentille famille l'avait trouvée et adoptée et qu'elle était heureuse ailleurs.

Bon, je vais devoir aller faire des calins à mes coquines, là, après toutes ces histoires tristes. Gros calins à Chamade aussi :)

Anonyme a dit…

Rien de plus éprouvant qu'une disparition. A la campagne, j'ai toujours un peu cette angoisse de ne pas voir rentrer un des chats.
Nadir semblait une "personne" exceptionnelle. Ce sont tous ces liens tissés qui restent. Et cette proximité qui se crée avec les chats qui partagent si étroitement notre vie.
Des bises et un câlin à Chamade.

Anonyme a dit…

La prémonition de Nadir m'a fait froid dans le dos... Quel don étrange ont parfois les chats ! Depuis sa disparition Nadir a sans doute rejoint "l'autre bout du monde". Mais elle est toujours dans ta mémoire, et dans la notre maintenant.
Des caresses à Chamade.

Anonyme a dit…

C'est une des raison pour lesquelles je ne veux plus avoir d'ami canin ou félin, j'ai trop pleuré la dispraition de otre Chat Tigris et celui de ma chienne Tosca. Ils font partie de notre vie et ca nous arrche le coeur à chaque fois c'est trop dur

Anonyme a dit…

C'est aussi par "disparition" que j'ai perdu trois de mes chats... :(

Jipes, d'un autre côté n'est-ce pas égocentrique de ne plus vouloir faire le bonheur d'un animal alors qu'on pourrait en sortir un ou deux d'un refuge ?

Anonyme a dit…

Jolie petite histoire même si elle est triste.

Valérie de Haute Savoie a dit…

Jipes, c'est sans doute pour cela qu'il m'a fallu si longtemps avant d'accueillir un nouveau chat.

Mais je trouve étonnant l'amour que l'on peut avoir pour un animal.

Anonyme a dit…

Dieu desChats je ne sais pas on pourrait surement dire la même chose de tous les orphelins du continent africain tu ne crois pas ? Alors ou egocentrisme ou juste peur de souffrir a nouveau ? Je n'ai pas de réponse...

Anonyme a dit…

Jipes, je voulais pas dire "ou... ou..." (ni paraître si moralisante...)
Juste dire que quand on s'investit dans quelque chose, on a toujours un risque de chagrin, et que ce n'est pas forcément une raison pour ne plus s'investir ;-)