Quel âge avait-il ? Quatre, cinq ans ?
Le téléphone avait sonné, au bout du fil le professeur Bernard.
- Bonjour Madame, nous venons de recevoir les résultats sanguins de G.
La veille nous avions fait le bilan habituel, une partie analysée directement dans l'hôpital de province où il était prélevé, et celle concernant le dosage de FK envoyée au Kremlin Bicêtre pour être analysée par leur labo.
J'étais devenue cotonneuse, qu'il m'appelle lui, ne pouvait pas être anodin - sa voix froide...
- Donnez-vous le FK506 à G. ? accusatrice ! Aucune trace dans le sang.
Je tremble, qu'ai-je fait ? Coupable déjà sans savoir.
- Oui, oui bien sûr. Le matin à six heures et le soir à dix huit heures.
- Tous les jours ?
- Mais bien sûr ! Mais comment pourrais-je ne pas le faire ? Comment pourrais-je oublier ?
Il me dit que peut être alors G., dès le dos tourné, cracherait ses gélules, les cacherait au fond de son lit...
Cela me semble tellement impensable, tellement pas lui. Et puis le matin il dort lorsque je lui glisse dans la bouche sa dose, il ouvre vaguement les yeux, avale, et se rendort aussitôt.
Pourquoi ferait-il cela ?
Le professeur n'en démord pas. Cela doit faire un moment qu'il n'a plus eu sa dose, il y a risque de rejet... cette idée me terrifie, tout semble se dérober.
Je suis coupable, nous sommes coupables ! G. ce soir prendra une dose double de FK et demain à l'aurore nous irons refaire un prélèvement.
Je raccroche effondrée. Appelle Catherine le pédiatre de G., au bord des larmes je lui raconte, lui dit la suspicion, ma honte. Elle ne comprend pas, ne met pas en doute ma bonne foi. Peut être y a-t-il eu mélange de tube ?
L'après-midi se passe dans le brouillard, je défais le lit de G., cherche les fameuses gélules, mais rien. La maison passée au peigne fin ne révèle aucune cache secrète. C'est l'heure de la sortie de l'école, G. est là tout sourire... mon dieu comme je l'aime... coupable...
Je lui parle du coup de fil, des soupçons d'Olivier Bernard. Cache-t-il le FK ? Mais nonnnnnnn maman. Il rigole, quelle idée. Ce truc il l'avale et hop il n'y pense plus, depuis le temps pfff ! Au moment de la prise, je pose les deux pilules sur la langue, il ferme la bouche, me regarde sérieux et avale consciencieusement, ostensiblement, en faisant même un vrai bruit de déglutissement, puis il ouvre grand grand la bouche pour que j'y plonge mon regard... vide ! avalées ! Il est fier, il a tellement envie de rassurer cette maman qu'il sent déboussolée.
Le surlendemain les résultats seront parfaits, bon dosage dans le sang. Tout est rentré dans l'ordre, sauf ma confiance en moi.
Parce qu'à Bicètre certains se sont demandés si la maman de G. ne serait atteinte du syndrôme de Münchausen, c'est Catherine qui me le rapporte en me donnant les résultats de la prise de sang. Je suis assommée, je ne sais comment me défendre. Elle me rassure, me dit qu'elle sait bien que je n'ai pas le profil, qu'elle leur a dit... ce n'est rien voyons, vous savez ils voient tellement de choses, ils sont obligés d'être vigilants...
Le soir, il dort paisiblement, le souffle régulier, léger, je le regarde les larmes aux yeux. Et même si je sais bien que je n'ai pas le fameux syndrome, tout au fond de moi reste le sentiment d'être coupable de quelque chose...
Le téléphone avait sonné, au bout du fil le professeur Bernard.
- Bonjour Madame, nous venons de recevoir les résultats sanguins de G.
La veille nous avions fait le bilan habituel, une partie analysée directement dans l'hôpital de province où il était prélevé, et celle concernant le dosage de FK envoyée au Kremlin Bicêtre pour être analysée par leur labo.
J'étais devenue cotonneuse, qu'il m'appelle lui, ne pouvait pas être anodin - sa voix froide...
- Donnez-vous le FK506 à G. ? accusatrice ! Aucune trace dans le sang.
Je tremble, qu'ai-je fait ? Coupable déjà sans savoir.
- Oui, oui bien sûr. Le matin à six heures et le soir à dix huit heures.
- Tous les jours ?
- Mais bien sûr ! Mais comment pourrais-je ne pas le faire ? Comment pourrais-je oublier ?
Il me dit que peut être alors G., dès le dos tourné, cracherait ses gélules, les cacherait au fond de son lit...
Cela me semble tellement impensable, tellement pas lui. Et puis le matin il dort lorsque je lui glisse dans la bouche sa dose, il ouvre vaguement les yeux, avale, et se rendort aussitôt.
Pourquoi ferait-il cela ?
Le professeur n'en démord pas. Cela doit faire un moment qu'il n'a plus eu sa dose, il y a risque de rejet... cette idée me terrifie, tout semble se dérober.
Je suis coupable, nous sommes coupables ! G. ce soir prendra une dose double de FK et demain à l'aurore nous irons refaire un prélèvement.
Je raccroche effondrée. Appelle Catherine le pédiatre de G., au bord des larmes je lui raconte, lui dit la suspicion, ma honte. Elle ne comprend pas, ne met pas en doute ma bonne foi. Peut être y a-t-il eu mélange de tube ?
L'après-midi se passe dans le brouillard, je défais le lit de G., cherche les fameuses gélules, mais rien. La maison passée au peigne fin ne révèle aucune cache secrète. C'est l'heure de la sortie de l'école, G. est là tout sourire... mon dieu comme je l'aime... coupable...
Je lui parle du coup de fil, des soupçons d'Olivier Bernard. Cache-t-il le FK ? Mais nonnnnnnn maman. Il rigole, quelle idée. Ce truc il l'avale et hop il n'y pense plus, depuis le temps pfff ! Au moment de la prise, je pose les deux pilules sur la langue, il ferme la bouche, me regarde sérieux et avale consciencieusement, ostensiblement, en faisant même un vrai bruit de déglutissement, puis il ouvre grand grand la bouche pour que j'y plonge mon regard... vide ! avalées ! Il est fier, il a tellement envie de rassurer cette maman qu'il sent déboussolée.
Le surlendemain les résultats seront parfaits, bon dosage dans le sang. Tout est rentré dans l'ordre, sauf ma confiance en moi.
Parce qu'à Bicètre certains se sont demandés si la maman de G. ne serait atteinte du syndrôme de Münchausen, c'est Catherine qui me le rapporte en me donnant les résultats de la prise de sang. Je suis assommée, je ne sais comment me défendre. Elle me rassure, me dit qu'elle sait bien que je n'ai pas le profil, qu'elle leur a dit... ce n'est rien voyons, vous savez ils voient tellement de choses, ils sont obligés d'être vigilants...
Le soir, il dort paisiblement, le souffle régulier, léger, je le regarde les larmes aux yeux. Et même si je sais bien que je n'ai pas le fameux syndrome, tout au fond de moi reste le sentiment d'être coupable de quelque chose...
14 commentaires:
J'avais entendu le nom de ce syndrome plusieurs fois à "House" (tu sais, la série du célèbre docteur), mais j'ai dû aller consulter la Wikipédia avant de réaliser de quoi tu parlais exactement... À te lire, j'ai l'impression que la pédiatre avait raison, qu'ils s'étaient sans doute trompés de tube ? Tu aurais dû demander une contre-analyse, comme les sportifs !
(P.S. Au début de ton billet, lorsque tu cites le professeur, j'ai l'impression que tu as oublié de mettre le point après "G". ?)
Ce genre de situation est si fréquente ! La culpabilisation de ne pas bien prendre le traitement, de ne pas suivre les consignes est une règle et non une exception, à laquelle beaucoup de médecins recourent de façon tellement innocente ...
Oups Pablo :) merci
La contre analyse avait été faite, mais avec le même tube !
Xavier, je crois aussi qu'ils ont très peur pour "leurs" greffés. J'ai vu quelques cas d'enfants dont les parents ne respectaient pas les traitements ce qui occasionnait des dégâts assez graves. D'un côté je les comprends. Malgré tout, lorsqu'un de nos enfants nait malade, il est difficile de lutter contre la culpabilité et la moindre chose la réveille.
Moi je suis choquée qu'ils osent accuser avant de faire une contre-expertise!!!
Il me semble que ton fils ne peut pas du jour au lendemain avoir la bonne dose dans le sang quand il semble que selon "eux" il ne l'avait pas avant?
Sinon, je peut comprendre le désarroi que ce genre de remarque peut causer sur l'estime de soi.
Beo je crois qu'il a eu peur :) Mais évidemment dès qu'ils ont eu les nouveaux résultats tout était oublié.
C'est justement ce qui me choque, il me semble que la profession implique une certaine psychologie et délicatesse envers les gens non?
Tiens il me reste un petit fond de courage ce soir et tu sais quoi ? Je le partage avec toi ;-)
Bisous
Mais c'est terrible d'être l'objet de tels soupçons ! Oh ma pauvre tu as dû souffrir.
Fauvette c'est vrai qu'à ce moment là cela m'a déstabilisée réellement. L'idée que toute une équipe puisse douter de mes capacités à être mère, et puis cela m'a induit le doute sur mon intégrité mentale. Heureusement j'étais en analyse à ce moment là, j'ai pu vraiment réfléchir à cela.
Tili franchement merci, mais ce serait plus à moi de t'offrir des kilos de courage. Je t'embrasse
Les enfants quelle angoisse, quand ils sont petits et malades on s'inquiète et on culpabilise quand ils sont ados on s'inquiète quand ils sortent ou de leus résultats scolaires et quand ils sont devenus adultes on s'inquiète de leur avenir ;o) On a jamais fini
:D là j'en suis aux résultats scolaires, du moins pour celui là !
Difficile à vivre et à comprendre et toujours cette façon personnel, pudique et honnête de raconter la vie.
Ca me fait penser à cette américaine qui a été amputée d'un sein alors qu'elle n'avait pas le cancer. Oh ils avaient bien fait une contre-analyse, mais vu que son nom avait été collé sur le mauvais échantillon... :-s
Et sans aller jusque là, JP avait été taxé de grand dépressif "comme tous les hommes !" alors qu'il se mourrait !
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