jeudi 29 novembre 2007

le don

Mamie de Mulhouse nous disait, je prie pour cet enfant, je sais bien que vous n'avez pas la foi mais je prie tout de même, à quoi JP répondit un jour "Oh vous savez Mamie si déjà on a pas le foie autant avoir la foi !" Elle avait rit.

Lorsqu'il a été sûr que G. ne pourrait pas se passer de la greffe pour survivre, pas un jour ne passait sans que l'on nous demande combien allait nous coûter l'achat du greffon. Nous avions droit aussi à toutes les histoires courant au sujet des vols d'organes, charitablement on nous alertait sur la moindre rumeur d'enfant kidnappé retrouvé avec une énorme cicatrice quelques jours après. Et puis cela devait être terrible d'attendre impatiemment la mort de quelqu'un non ?

Non !

Je n'ai jamais attendu la mort de quelqu'un, jamais ! Et je n'ai rencontré personne qui "attende" la mort d'un autre.

Vous mettez au monde un enfant, vous apprenez assez vite qu'il est malade alors commence la lutte pour qu'il vive. Mais vous restez humain, vous ne devenez pas un vampire pour autant, vous continuez à aimer les autres, et même si parfois la vie est lourde au point d'avoir envie de l'abandonner, jamais vous n'espérez que quelqu'un meurt à la place de votre enfant.
Un jour, quand l'équipe médicale est arrivée au bout des thérapies qui auraient pu éviter à votre enfant la greffe, il faut se résigner. Il ne reste plus que cette transplantation, l'opération de la dernière chance. Ce ne sont pas les parents qui choisissent cela, il y a tout d'abord une réunion de l'équipe qui suit depuis la naissance l'enfant, là est jugé si oui ou non votre enfant pourra supporter et bénéficier d'une greffe. Ensuite vous rencontrez le professeur du service, vous y allez en couple, c'est une décision que l'on ne prend pas à la légère.
Vous savez que votre enfant survivra grâce au don qu'une personne aura fait avant de mourir, grâce à une famille qui malgré la douleur d'avoir perdu un être aimé aura eue la force d'accepter le don. Vous le savez, vous savez aussi que vous ne pourrez pas les remercier, vous ne saurez jamais qui a sauvé votre enfant, vous savez aussi que jamais vous n'avez souhaité leur mort, jamais !

Le matin où nous avons été prévenus qu'il y avait un greffon pour G., que ce greffon était celui d'un enfant, ma première pensée a été pour les parents de cet enfant.
Puis il y a eu le rejet, violent, détruisant le foie, il m'était insupportable de penser que le sacrifice de ces parents serait inutile. Je disais à G. "Gardes le, gardes ce foie, c'est tellement important pour eux". Ils ne sont jamais sortis de ma vie. Chaque anniversaire est pour moi le cadeau que je leur fais.

Je n'ai jamais souhaité la mort de cet enfant mais je n'ai jamais culpabilisé non plus, n'en déplaise à ceux qui l'auraient tant voulu.

6 commentaires:

Otir a dit…

Magnifique hommage Valérie, qui m'a tiré les larmes des yeux, et même si je n'ai jamais été dans cette situation, je pense comme toi, qu'il n'y a aucune culpabilisation à avoir (et j'ai ce que d'aucuns appellent la foi, est-ce pour cela que je pense comme ça ?)

Valérie de Haute Savoie a dit…

Sans doute, Otir, est ce aussi parce que tu sais la douleur.
Un jour,lors d'une émission parlant du don d'organe, une journaliste était allée interroger différentes confessions et entre autres des fidèles de Saint Nicolas du Chardonnet (église intégriste à Paris). Aucune des personnes interrogées n'étaient pour donner ses organes à leur mort, la grande idée d'arriver entier devant le Christ, et pourtant s'il y en a revendiquant leur foi ce sont eux :)

Merci Otir.

Jipes Blues a dit…

Terrible de s'entendre accuser de la sorte alors que l'on est déjà tellement dans l'angoisse. C'est évident que personne ne souhaite la mort d'autrui et surtout pas les gens qui attendent ce don d'une famille dans la douleur elle aussi c'est un passage de tömoin pour la vie probablement la plus belle chose possible !

Anonyme a dit…

Ton témoignage est émouvant et digne.
Moi aussi je suis sidérée... Que des "gens" se permettent de faire des réflexions aussi nulles et dévastatrices...

Valérie de Haute Savoie a dit…

Oh je ne sais pas si aujourd'hui il y aurait encore tant d'agressivité, les greffes sont bien plus connues. Et puis même si je ne suis pas une fervente chrétienne, il me reste de mon éducation certaines petites phrases qui me trottaient alors dans la tête telle : "pardonnes leur, parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils font". Je reconnais avoir été très souvent mis au ban lorsque G. était petit, mais je n'en ai jamais eu d'aigreur, j'avais d'autres chats à fouetter :)

Anonyme a dit…

Ce genre de réflexions ne m'étonne guère… Il me suffit de repenser à tous ceux qui te racontent des anecdotes terribles sur les grossesses, les naissances alors même que tout se passe bien pour imaginer à quel point on peut redouter le pire. Et je ne pense pas que la situation ait tant changé aujourd'hui.
En attendant, j'admire la façon avec laquelle tu as fait face en te concentrant sur l'essentiel : G