Nous étions cinq enfants et glissions sans bruit sur la moquette. Ne pas faire de bruit, ne pas déranger notre père qui travaillait là, derrière sa porte capitonnée. Seul le chat parfois arrivait à se glisser entre deux rendez-vous, se cachait sous la bibliothèque emplie de Vidal et autres ouvrages médicaux. Il attendait que le rendez-vous ait commencé puis sautait sur le bureau pour, plein de désir de caresse, frotter son corps à celui qui écoutait les maux de l'inconnu. Il ne restait pas, vite éjecté par mon père, la porte se refermait et nous regardions ce chat qui avait eu le privilège d'être un instant en compagnie de ces êtres mystérieux.
Toujours mon père a travaillé à la maison. Il faisait quelques sauts dans des IMP ou des hôpitaux, mais la majeure partie de son travail était là, dans notre appartement.
En réalité il se composait de trois appartements en enfilade dont mes parents avaient fait percer les murs. En angle droit, le dernier abritait les bureaux et salle d'attente. Nous évoluions dans les deux autres, mais tout de même il ne fallait pas faire de bruit, pas de cris, les paroles dites sagement sans élever le ton, la démarche légère.
Lorsque la cohabitation avec ma sœur dont je partageais la chambre, devint vraiment trop houleuse, on m'isola dans une toute petite pièce, anciennement cuisine, côté professionnel. J'étais comblée, enfin libre, loin de cette sœur qui ne m'aimait pas.
On me donna entière liberté pour la décorer. Sous la fenêtre qui donnait sur la cour un bel évier blanc me servit de jardin. J'allais chercher au Zoo des kilos de marrons pour le remplir, puis dans des verres plantais des noyaux d'avocat qui donnèrent assez vite l'illusion d'une jungle. Sur les carreaux recouvrant les murs sur une bonne hauteur, je collais des images du livre de la jungle. Le fond recouvert de placard me permit de ranger tous mes trésors. Un lit, un bureau... mon dieu que la vie était belle dans mon paradis.
Tous les jours je me réjouissais, en rentrant de l'école, d'avoir cet endroit de liberté. J'avais même pris l'habitude de prendre l'entrée professionnelle. Je sonnais, la secrétaire m'ouvrait la porte et je fonçais m'enfermer chez moi. J'y retrouvais Edouard mon hamster, à qui je racontais cette folle vie que j'imaginais. J'étais tour à tour célèbre, gravement malade, désirée à en mourir, j'étais très romantique, me regardant pleurer dans des miroirs, choisissant des angles où l'on voyait mieux ces larmes de cinéma couler le long de mon visage. Tout cela en silence, le secrétariat jouxtant ma chambre. Je vivais dans des romans, je dévorais allongée sur mon lit, des livres racontant des histoires d'amour impossibles. Combien de fois ais-je lu "Au bonheur des dames " ? J'étais cette jeune vendeuse qui résistait pour succomber enfin, je me pâmais.
Parfois mon frère T. venait me rejoindre. Nous faisions des expériences avec Edouard, lui créant des parcours que nous chronométrions, dessinions sur les placards des girafes, des paysages exotiques. Cette petite cuisine était devenue pour tous un objet de convoitise tant je semblais heureuse depuis.
Un jour, alors que la secrétaire avait une fois encore raillé mes talents de chanteuse, maman qui malgré tout trouvait cette cuisine bien peu digne de sa fille, décida que j'émigrerais dans une chambre, une vraie, au bout du bout de cet appartement. Loin de la bonbonnière actuelle, j'héritais d'une chambre immense pourvue d'une salle de bain personnelle.
Luxe suprême j'aurais toute liberté pour l'aménager.
Toujours mon père a travaillé à la maison. Il faisait quelques sauts dans des IMP ou des hôpitaux, mais la majeure partie de son travail était là, dans notre appartement.
En réalité il se composait de trois appartements en enfilade dont mes parents avaient fait percer les murs. En angle droit, le dernier abritait les bureaux et salle d'attente. Nous évoluions dans les deux autres, mais tout de même il ne fallait pas faire de bruit, pas de cris, les paroles dites sagement sans élever le ton, la démarche légère.
Lorsque la cohabitation avec ma sœur dont je partageais la chambre, devint vraiment trop houleuse, on m'isola dans une toute petite pièce, anciennement cuisine, côté professionnel. J'étais comblée, enfin libre, loin de cette sœur qui ne m'aimait pas.
On me donna entière liberté pour la décorer. Sous la fenêtre qui donnait sur la cour un bel évier blanc me servit de jardin. J'allais chercher au Zoo des kilos de marrons pour le remplir, puis dans des verres plantais des noyaux d'avocat qui donnèrent assez vite l'illusion d'une jungle. Sur les carreaux recouvrant les murs sur une bonne hauteur, je collais des images du livre de la jungle. Le fond recouvert de placard me permit de ranger tous mes trésors. Un lit, un bureau... mon dieu que la vie était belle dans mon paradis.
Tous les jours je me réjouissais, en rentrant de l'école, d'avoir cet endroit de liberté. J'avais même pris l'habitude de prendre l'entrée professionnelle. Je sonnais, la secrétaire m'ouvrait la porte et je fonçais m'enfermer chez moi. J'y retrouvais Edouard mon hamster, à qui je racontais cette folle vie que j'imaginais. J'étais tour à tour célèbre, gravement malade, désirée à en mourir, j'étais très romantique, me regardant pleurer dans des miroirs, choisissant des angles où l'on voyait mieux ces larmes de cinéma couler le long de mon visage. Tout cela en silence, le secrétariat jouxtant ma chambre. Je vivais dans des romans, je dévorais allongée sur mon lit, des livres racontant des histoires d'amour impossibles. Combien de fois ais-je lu "Au bonheur des dames " ? J'étais cette jeune vendeuse qui résistait pour succomber enfin, je me pâmais.
Parfois mon frère T. venait me rejoindre. Nous faisions des expériences avec Edouard, lui créant des parcours que nous chronométrions, dessinions sur les placards des girafes, des paysages exotiques. Cette petite cuisine était devenue pour tous un objet de convoitise tant je semblais heureuse depuis.
Un jour, alors que la secrétaire avait une fois encore raillé mes talents de chanteuse, maman qui malgré tout trouvait cette cuisine bien peu digne de sa fille, décida que j'émigrerais dans une chambre, une vraie, au bout du bout de cet appartement. Loin de la bonbonnière actuelle, j'héritais d'une chambre immense pourvue d'une salle de bain personnelle.
Luxe suprême j'aurais toute liberté pour l'aménager.
8 commentaires:
Une chambre à soi que l'on amènage à sa guise et où l'on peut être soi-même, et c'est tout l'esprit qui s'ouvre ! Ce n'est pas Virginia Woolf qui nous contredira.
Moi aussi je me souviens avec émotion de mes chambres d'enfant, et surtout de ma chambre d'adolescente ! Ah, pouvoir fermer la porte et se sentir enfin libre !
Ton billet m'inspire, et c'est un plaisir que tu m'offres de repenser à ces lieux que j'aimais tant.
Une chambre pour soi c'est un vrai bonheur. J'avais cette chance meme si je ne pouvais pas la decorer comme je le voulais. J'ai bien aimee dans ta note cette proximite avec le pere qui travail et la secretaire. On imagine parfaitement la scene. A bient�t.
Un endroit à soi ! Le paradis, oui c'était ton refuge et ton paradis...
Tu devais avoir un sacré caractère Valérie !
Je vous imagine vous les 5 enfants glissant en silence sur la moquette... De temps en temps, la soupape devait sauter, et des cris exploser, enfin je suppose !
Dans cet appartement jamais Fauvette, mais lorsque nous étions à la campagne là nous avions le droit de tester nos cordes vocales :D
En lisant vos commentaires je prends conscience que mon fils ne s'enferme jamais dans sa chambre :o
Une chambre à soi, j'en rêve aujourd'hui...Ou plutôt un bureau à moi, une pièce quoi...
Moi aussi, j'ai une de mes deux filles qui ne s'enferme pas, qui trimballe tout au milieu du salon malgré ses 17ans ...(?)
Moi, ce qui m'aurait plu c'est ta chambre-cuisine ! Elle avait l'air paradisiaque !
Ca ressemble a une enfance heureuse et partagé avec ton frère rien de plus beau je pense Ca t'a donné le goût de l'imaginaire :o)On se l'imagine très bien cette chambre d'explorateurs !
Marrant j'avais également un hamster Gugus je l'avais appelé drôle de nom mais bon....
Elle l'était Dja ;) et oui je crois avoir eu une petite enfance très heureuse ensuite bien sûr cela s'est légèrement gâté :D
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