vendredi 7 septembre 2007

le bout du bout

mercredi 23 novembre 1994
J'ai enfin pris rendez-vous chez le dermato. J'ai plein de petits boutons, c'est moche et comme ma vie va à vau-l'eau depuis quelques temps, qu'au moins je ne me noie pas trop moche.
Il m'examine un moment, me demande si je suis sous cortisone, m'interroge sur ma santé... nous devisons légèrement. Après tout ce ne sont que quelques petits boutons, pas franchement jolis mais sans gravité c'est sûr. Il rédige l'ordonnance, je règle la consultation et tout en me levant je lui dis que sans doute ces boutons sont dûs en grande partie à l'angoisse que j'éprouve face à JP qui ne pète pas la forme, loin s'en faut.

- "Ah bon ? que lui arrive-t-il  ?"
Je lui raconte brièvement nos vacances où un jour, sortant de la mer, il était tout bleu, ma peur qu'il fasse une crise cardiaque et qu'en fin de compte ce n'était qu'un syndrome de raynaud.
- "Mais il a vu un médecin ?"
Oui oui il est suivi depuis septembre par un angiologue, il a fait des examens, on cherche.
- "Bon tant qu'il n'a pas de problème pulmonaire !"
Ah mais si justement ça a commencé par un pneumothorax en avril et depuis il ne s'en est pas remis. Il a perdu 15 kilos mais le médecin me dit que c'est typique des hommes, ils sont vite déprimés, se laissent aller... c'est rien.
- "Ah oui... bon tant qu'il n'a pas de problème d'œsophage !"
Ah mais si justement il a du mal à avaler, à Grenoble ils parlent de sphincters de l'œsophage qui ne fonctionnent plus bien.

Silence... il me regarde.. nous nous sommes rassis
-"Et ses mains ?"
Il souffre des articulations, ses doigts sont gonflés...

Silence...

Lentement il parle... me dit son inquiétude.

- "Appelez-le !" - il tourne le téléphone, me l'approche, décroche le combiné...
- "Appelez-le et dites lui que je veux le voir, maintenant"

Il est presque 19h, j'appelle JP au bureau, il doit venir vite, le Dr. V. a peut-être enfin trouvé de quoi il souffrait.

Vingt minutes après JP est là, épuisé, maigre à faire peur. Il ne faut pas longtemps au médecin pour décider d'une hospitalisation en urgence à Lyon. Il appelle le service dermato d'Édouard Herriot.
Demain aux aurores une ambulance viendra le chercher.

Le Dr V. le regarde avec douceur - "Vous êtes au bout du rouleau non ? "

7 commentaires:

Mimille a dit…

Waou. Impressionnant.

Anonyme a dit…

Ton histoire donne des frissons. Cette impression que le bon diagnostic a été posé au détour d'une conversation. Heureusement que tu as parlé de ton sujet d'angoisse, et que ton dermato a su relier les différents symptômes. Je sais qu'il faut du temps pour cerner un problème médical mais... Merci les petits boutons !
Tu fais aussi réfléchir sur le fait de ne pas toujours penser : laisser-aller, déprime (et culpabilisation). Il y a aussi des causes organiques bien réelles.

Anonyme a dit…

Je passe, je te lis, et je ressens tellement d'émotions que je ne trouve pas quoi dire.

Anonyme a dit…

Que dire, sinon que ces mots sont très durs à lire et surtout à vivre.

Anonyme a dit…

Brrr, quelle histoire! Si tu écrivais des romans de suspens avec toutes ces histoires, tu ferais une fortune ;)

Grosses bises des trois canadiennes :)

Anonyme a dit…

As-tu pensé que c'est ta capacité à parler et à "dire", qui a permis au médecin de poser son diagnostic ? Tu possèdes là un vrai trésor.

Anonyme a dit…

C'est incroyable... dire qu'à une phrase près, ça aurait pu tourner tout à fait autrement. Quelle angoissante rétrospective !