dimanche 16 septembre 2007

Il est un peu plus de midi et à peine ai-je accepté de porter plainte que nous sommes déjà en route, direction le commissariat. Non pas celui d'Annecy où mes amis m'ont, le matin même, déposée, mais celui de la ville qui, maintenant, me terrifie. Il faut que nous soyons là où l'agression a eu lieu, et cela ne me dit rien du tout. A notre arrivée, il est assez clair que cela n'enthousiasme pas les policiers de voir débouler des inspecteurs de Lyon, pour une histoire ne dépassant apparemment pas, le cadre de leurs compétences. Mais rapidement, les choses éclaircies sur le pourquoi de leurs présences, l'enquête commence. Tout d'abord déposer plainte. Je suis seule dans un bureau avec un policier qui me pose des questions, je suis comme détachée et m'efforce d'être la plus précise possible. Maintenant que je porte plainte, le risque que mon agresseur, si on ne le retrouve pas, mette ses menaces à exécution me terrorise. Je raconte tout, même ce qui m'a humiliée durant cette nuit.

... Durant cette nuit j'ai bien sûr été "violée", plusieurs fois. A ce moment là je quittais mon corps, je ne ressentais rien, absolument rien, j'étais morte par ma volonté et curieusement ces instants là sont ceux qui auront peut être laissé le moins de traumatisme. Ce qui m'a brisée de longs mois était bien plus la peur constante de souffrir, la terreur d'être à la merci d'une personne visiblement très dérangée. J'ai cherché tout au long de la nuit à trouver une porte me permettant d'accéder au délire de cet homme. Nous étions dans deux mondes différents. Tout en essayant de sauver ma peau, il fallait aussi que je me prépare à mon exécution que je présentais comme inexorable. Elle était programmée, mais telle la petite chèvre de Monsieur Seguin je cherchais à la repousser, jusqu'à ce que le jour se lève. Dans mon combat pour garder un peu d'intégrité, j'ai tout de même gagné le fait qu'il n'a pas pu toucher à ma bouche, d'aucune façon que ce soit. S'il l'avait fait je sais que j'aurais basculée dans la folie...

Dès la plainte enregistrée, on me fourre dans une voiture et toute sirène hurlante nous filons vers le lieu supposé de ma détention. Pendant ce temps un autre groupe part à la recherche de mon agresseur.

... D'un côté j'ai très peur de me retrouver face à lui mais je suis malgré tout très intéressée de découvrir tout ce qui entoure une histoire comme celle-là. Toujours cette dualité, je vis douloureusement cette agression, mais je ne peux pas non plus ignorer l'intérêt, pour moi, de ce que je vis. Comme si à l'instant où je le vis, j'enregistre des éléments d'information, non pas pour m'en vanter plus tard, mais pour moi, juste pour moi, parce que la vie me passionne tout simplement...

Nous sommes devant l'immeuble, mes jambes vacillent, nous montons l'escalier, arrivons devant la porte... Ils sonnent... personne... ils défoncent la porte... tout est là, exactement comme je l'ai décrit, le disque en morceaux, les tasses de thé, la chemise de nuit sale que j'ai dû enfiler... je me déplace, entourée des policiers. Comme cet appartement est banal, laid, étranger ! Derrière une étagère, là où je l'avais vu le cacher, on retrouve le pistolet avec lequel il m'a braqué... c'est un jouet, un simple jouet ! J'ai honte. Pour adoucir ma honte, ils me raconteront avoir eux aussi été braqués avec des armes factices et s'être laissés berner.
Nous repartons vers le commissariat et là j'apprends qu'ils l'ont retrouvé, qu'il est là dans les locaux.
Il est interrogé, il le sera toute la nuit et ce n'est qu'au matin qu'il reconnaitra l'agression. Pendant ce temps nous sommes rentrés à Annecy, les copains de mon beau-frère P., repartis à Lyon.
P. me raccompagne le lendemain.
Je vais devoir l'identifier, le reconnaître parmi plusieurs personnes placées face à moi contre un mur, le "tapissage". Juste avant de rentrer dans la salle on me prévient qu'il sera mêlé avec d'autres, soupçonnés d'un viol commis sur une mineure handicapée. J'imaginais que je serais protégée par une vitre sans tein, malheureusement non, il me verra. Je rentre, et là stupeur, je retrouve parmi les suspects un copain du foyer que j'ai croisé la veille au petit déjeuner. Pendant un instant je ne comprend pas pourquoi il est là, je crois que l'on me fait une blague de très mauvais goût, mais il est tout aussi stupéfait de me voir là. L'avant dernier est mon agresseur, je n'ai aucun mal à le reconnaître même s'il n'a plus grand chose de terrifiant, vite je sors de la salle. N°4, c'est lui !
Voilà, je signerais encore quelques papiers, le reste viendra plus tard.

Maintenant il va me falloir réapprendre à ne pas trembler dehors, réapprendre à faire confiance aux hommes.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

"Maintenant il va me falloir réapprendre à ne pas trembler dehors, réapprendre à faire confiance aux hommes." dis-tu, et tu y es arrivée!
Ce qui me passionne, quand je te lis, c'est l'optimisme qui se dégage au travers de tes lignes, l'amour et la confiance en la vie. Le contraire du culte du malheur que tant de personnes adorent cultiver
Merci de toujours écrire !
Fay

Anonyme a dit…

Un récit fascinant... terrifiant. Le plus terrifiant est à quel point on peut être psychologiquement affaibli. Je ne sais pas quel âge tu avais mais comme cela a du être dur... Et tu restes pleine de vie... Bravo. J'espère que tu as réellememt réussi à reprendre confiance.

Valérie de Haute Savoie a dit…

J'allais avoir trois mois plus tard 26 ans et oui j'ai repris confiance et je suis tout à fait capable de marcher seule la nuit - je suis tout de même sur mes gardes et préfère ne pas trop m'aventurer :)

Anonyme a dit…

Quelle force ! Tu as su trouver de la ressource pour préserver une partie de toi-même. Je t'admire.

Anonyme a dit…

Moi aussi je t'admire, et suis bouleversée...
Quel long chemin tu as réussi à parcourir. J'éprouve de la fierté de te "connaître".
Je t'embrasse Valérie.

Valérie de Haute Savoie a dit…

Mais sincèrement je crois que l'on a tous des ressources qui se révèlent au moment opportun, vraiment j'en suis persuadée.

Anonyme a dit…

Le viol, j'ai connu. Je n'ai pas porté plainte, je n'en ai parlé que beaucoup, beaucoup plus tard.
Les conditions n'étaient pas les mêmes... Et j'avais un très fort sentiment de honte. C'était ma faute ce qui m'était arrivé.

Je l'ai enfoui. Très profondément. Et avec l'histoire d'amour que j'ai connu juste après, et sa fin si difficile à accepter, je suis devenue... comment dire ? A la fois bloquée sexuellement, tout en ayant un comportement très aguichant...

Tout comme toi, je crois que nos ressources sont là au moment opportun.

Ça ne m'empêchera pas de te tirer chapeau bas :-)

Valérie de Haute Savoie a dit…

Je comprend ce "c'était ma faute" et pourtant ce n'est JAMAIS notre faute, c'est ça qui est dingue, c'est que malgré tout on se croit toujours responsable de ce qui nous est arrivé.Et si moi j'ai porté plainte, c'est parce que l'on m'y a "obligé" et tant mieux avec le recul, cela m'a permit de l'affronter assez vite.