mardi 25 septembre 2007

matin frais

C'était une très belle maison, biscornue, avec des marches de guingois, des chats à tous les étages, plus ou moins civilisés. La première à s'y être installée était Anne Marie. Elle louait un petit appartement sous les toits. Nous l'avions aidée lors de son emménagement, repeindre les murs en mauve, vert, rose, accrocher des rideaux de soie légers, assembler le lit en bois trouvé dans une brocante, nous étions en pleine période psychédélique. Les marches en bois grinçaient, les fenêtres fermaient difficilement, et il y avait partout des recoins secrets. Une merveille d'appartement, une merveille de maison. Y habitait déjà un couple, baba cool, champion du pâté végétal, se levant tôt le matin pour partir au travail. Mais les autres appartements étaient vides, la maison promise à la vente pour en faire des appartements, où viendraient plus tard y habiter les Strasbourgeois bourgeois. Tant d'appartements vides, et nous qui n'aimions rien tant que de vivre ensemble pour prolonger la fête quotidienne sans devoir nous déplacer... hop hop hop chacun vint avec ses affaires et squatta la moindre pièce vide. Vite vite ouvrir le compteur d'électricité... nous étions assurés pour un petit moment de vivre tranquillement en pleine Vieille France dans le plus beau quartier de Strasbourg. Petite rue des dentelles, notre QG ! Au rez de chaussé l'association des sourds et malentendants ne nous dérangeait que rarement lors de leur fête annuelle, mais sinon nous avions une paix royale. Le soir, en hiver, je montais dans ma chambre à moi. Entièrement éclairée par les bougies, je me glissais dans la combinaison de plongée prêtée par mon frère, le chauffage étant inexistant. J'écoutais Patrice Blanc Francard jusqu'à l'aube puis me laissais doucement envahir par le sommeil. Mais chaque matin, chaque matin passait la même vieille dame, et chaque matin elle promenait son vieux chien tout en hurlant, chaque matin, les mêmes ordres. Seigneur, Jésus, Marie Joseph sainte Eugénie et tous les anges Haup Haup Haup... le chien sur ces injonctions se mettait à allonger ses pas.... Orrh Got langsaum, langsaum dumele... le chien freinait son enthousiasme... et Haup Haup Haup... il repartait... Orrh Got langsaum, Langsaum....Orrh Seigneur Jésus et c'était reparti jusqu'à ce qu'elle atteigne le bout de la rue et bifurque vers la maison des Tanneurs.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est pratique pour apprendre les langues étrangères, les voisins bruyants ;)

Valérie de Haute Savoie a dit…

Et c'est comme ça que j'invoque tous les Saints avant mes entretiens d'embauche :D

Anonyme a dit…

Ton billet me rappelle les vieux appartements de la rue de la Poste à Grenoble et du quartier St Laurent où vivaient la plupart de mes copains étudiants. C'était la liberté totale. Avec des travailleurs immigrés, ils étaient les rois de ces quartiers lépreux qui ne le sont plus du tout mais ont perdu beaucoup de leur cachet.

Valérie de Haute Savoie a dit…

Ah ça :D on était vraiment chez nous !

Anonyme a dit…

Au moins vous ne dérangiez pas les sourds et malentendants avec votre chahut ! ;-) (À propos, ai-je entendu ce matin à la radio, lorsque j'étais encore dans mon lit, qu'un de ces jours est la journée mondiale des sourds, ou bien était-je encore trop endormi ?)

Ouais !!! , c'est dimanche, je ne suis pas sourd !!! : http://surdite.lsf.free.fr/