vendredi 4 mai 2007

tendre miracle

Nous avons cohabité plusieurs mois en hépatologie. Nous avions nos habitudes, nos infirmières préférées et des parents avec qui nous partagions plus d'affinités qu'avec d'autres. Nous nous retrouvions devant la machine à café, et comme on le fait au travail, nous discutions de la dernière émission de télévision, du livre ou journal que nous lisions et des progrès de nos enfants. On se réjouissait de la bonne santé d'un ancien, on s'inquiétait des suites de la greffe du petit nouveau.
Mais lorsqu'un enfant allait mal, les mots se faisaient rares, on communiquait par regard, on pleurait souvent d'entendre le désespoir d'une mère.
Un jour ce fut nous, mon fils et moi, que ce silence entoura. Les médecins faisaient des détours pour ne pas avoir à mentir sur les résultats tant attendus. Les parents baissaient les yeux devant la vitre qui dévoilait l'évidente dégradation de l'état de mon petit bonhomme. J'essayais de continuer ce semblant de vie en jouant avec les petits moutons playmobil, en lisant l'histoire du loup affreux sale et méchant, en couvrant de baisers mon enfant doré.
Je le quittais tard, le soir, après m'être assurée qu'il dormait vraiment paisiblement. Je viendrais de toute façon dans la nuit pour sentir juste son souffle tendu.
Je n'avais que quelques mètres à faire pour retrouver la maison des parents pleine de vie. Là-bas l'Italie croisait la Turquie qui se mêlait à toutes les provinces de France. Nous avions tous un enfant en hépato, nous n'avions pas à expliquer ce que nous vivions, c'était très reposant. Quand une maman souffrait, chacun essayait d'apporter un peu de douceur.
Ce soir là, celui où je quittais mon enfant sans savoir si je le reverrai, hébétée par les derniers résultats montrant clairement que les traitements n'avaient aucun effets, je me fis transparente en rentrant dans la maison. Le message était compris par tous, me laisser reprendre des forces, essayer de ne pas me noyer.
Je préparais mon repas, un plateau à emporter dans ma chambre. Bonsoir, bonne nuit.
J'étais seule, quand on frappa à ma porte. Une des grand'mères italiennes venue épauler sa fille, se tenait là sans un mot. Elle me prit la main, y glissa une petite médaille religieuse, m'embrassa, me dit quelques mots en italien, et repartie à pas feutrés. Cela me bouleversa. Cette femme que je ne connaissais pas, était allée seule à Paris pour trouver cette médaille qui devait protéger mon enfant. Lorsque l'espoir a abandonné l'horizon, il reste la magie. On s'accroche à cette parcelle d'enfance qui nous sert de bouée. Le matin, j'ai glissé la médaille sous l'oreiller de mon garçon étonné, j'ai mis un doigts sur mes lèvres, chttt.... ce serait notre secret à tous les deux.

Et dimanche, vais-je comme ma nièce, allumer une bougie dans l'église de mon quartier ?

2 commentaires:

Laurienna a dit…

Quand j'etais petite je me dirigeais toujours vers Marie dans les eglises et il n'y avait qu'a elle que j'allumais des cierges.
La dame qui t'a donne cette medaille a fait un geste extrordinaire je pense.

Anonyme a dit…

Je n'ai pas pu retenir mes larme sà la lecture de cette humanité incarnée par cette femme italienne et a lire ton récit on ressort bouleversé chamboulé déboussolé....