dimanche 8 novembre 2020

Les gens qu'on aime #4

 quelqu'un qui a changé le cours de notre vie


Sans doute étais-je venue rechercher quelques affaires, mes souvenirs sont si flous de cette période où je naviguais dans une sorte de brume artificielle, avais-je dû sonner pour que l'on m'ouvre, avais-je encore les clefs de l'appartement ?

Il ne me reste que cette image, lui face à moi.

J'avais quitté avec fracas la vie familiale, un soir, alors que je venais à peine d'avoir 18 ans, cette majorité donnée par Giscard. J'avais jeté dans une petite valise, une chemise de nuit, certainement mon journal, quelques affaires de toilettes, et j'étais partie dormir chez Anne Marie. Je m'étais trouvée assez vite un tout petit appartement sous les toits, loyer 78 francs, juste en face d'une caserne militaire. Je "faisais" serveuse dans un bistrot du coin et du ménage dans un centre de réadaptation à Dornach. Je m'envoyais en l'air avec les copains, et surtout, je découvrais de délicieuses drogues qui me transportaient dans des mondes abstraits, loin de mes angoisses. 

Je tentais vaille que vaille, de continuer les Beaux Arts, je grelottais l'hiver, emmitouflée dans des sacs de couchage humides, accueillais des copains à la dérive, fumais des gauloises achetées trois francs six sous à mes voisins d'en face, mais j'étais libre, c'était pour moi l'essentiel. 

Petit à petit je plongeais sans vraiment réaliser, guettant l'heure à laquelle les substances magiques faibliraient, calculant quand il faudrait recharger une petite dose de rêve afin que la porte ne s'ouvre sur une vie trop noire. J'oubliais le réveil, loupais le boulot, je naviguais, gardant un semblant de normalité. Mon cerveau suivait difficilement, les mots s'effaçaient, les heures devenaient liquides.

Et puis, il y a eu ce jour là, mon père face à moi. Je m'efforçais de garder une certaine dignité, cachant l'état de ma dérive. Les mots une fois de plus s'absentaient.

Alors, avec tendresse, il m'avait regardée et simplement dit "Tu sais que je serai toujours là pour toi. Si tu as besoin d'aide je suis là."

Ce sont ces quelques mots, sans jugement, simples, remplis d'amour, qui m'ont, telle une bouée de sauvetage, sauvée du cloaque dans lequel je m'enfonçais lentement. 


12 commentaires:

Dr. CaSo a dit…

Je remercie ton père pour son amour et ces mots :)

Valérie de Haute Savoie a dit…

Dr CaSo, mon papa c'est le meilleur 😍

Anthom a dit…

Encore aujourd'hui, alors qu'ils sont partis tous le deux, je me sens un peu coupable d'avoir toujours eu un lien particulier avec mon père. Lui seul avait le droit de me dire certaines choses et moi seule avais le droit de lui dire certaines choses! Je crois que ma mère en fut toujours un peu jalouse.

Anonyme a dit…

Ah les parents, heureusement qu'ils sont là dans certains moments difficiles.

Odile

Valvita a dit…

c'est joliment raconté. Quelle chance d'avoir un tel père.

Ginou a dit…

Pouvoir s'appuyer sur un père aimant est un beau cadeau de la vie ! Comme tu l'écris bien !

virginie a dit…

Wouhahou...
Beau parcours, belles paroles.Le papa dont j'ai toujours rêvé. Si j'en avais eu un, je l'aurais voulu comme ça...

Calyste a dit…

Et que de chemin parcouru depuis !

Anonyme a dit…

Un père, un papa pur sucre !

Bleck

Valérie de Haute Savoie a dit…

Anthom, je crois que c'est assez normal d'avoir plus d'affinités avec un de ses parents, même si on les aime tous les deux.

Odile, oui et j'espère que je resterai moi aussi là toujours pour mes enfants dans leurs moments difficiles... jusqu'à ma mort bien sûr :D

Valvita et Ginou oui j'ai beaucoup de chance d'avoir ce papa là

virginie, il était très sévère tout de même :D

Calyste, 😬

Bleck, avec quand même un sacré tempérament crois moi

Cara a dit…

C'était exactement les mots qu'il fallait dire, c'est formidable qu'il ait su être là pour toi à ce moment-là.

Valérie de Haute Savoie a dit…

Cara, bon mon papa est pédo-psychiatre psychanalyste, sans doute cela l'a t-il aidé à me comprendre ;)