vendredi 6 janvier 2017

passe le temps


Il est à l'accueil, me regarde pendant que je discute avec un propriétaire venu chercher un jeu de clefs de son appartement qui vient d'être libéré.  Il me fixe, il attend pour pouvoir me parler, mais ce n'est plus mon locataire, il est passé dans le portefeuille de Nina depuis ce début d'année. Anaïs lui a dit, mais il m'attend et dès que j'ai salué le propriétaire il s'avance avec son doux sourire.
Je l'aime bien, neuf ans que je m'occupe de l'immeuble dont il est concierge. Il a l'âge de mon père et depuis quelques années je le vois vieillir, rapetisser, blanchir. En toute fin d'année dernière il a perdu sa compagne, cinquante et un ans d'amour qui pffff disparaissent. Je le croise de temps en temps, en ville, marchant lentement sur un trottoir, on papote un instant, et l'on repart chacun dans notre vie.
Je viens vous souhaiter une bonne année et puis aussi vous dire que je m'en vais.
Je suis incrédule. Il part ? Est ce possible ? J'ai mal compris ?
Mais ?! Vous quittez l'appartement ? Il joint ses mains, sa tête légèrement penchée, ses cheveux de neige toujours aussi légers qui semblent voleter au moindre souffle.
C'est mes enfants qui me le demandent, c'est leur désir.
Je suis émue, il s'en va... on se quitte ?
Où allez vous, en maison de retraite ? Oh non, j'en ai un dans les Bauges,  l'autre à Toulon. Ils me cherchent un petit appartement près d'eux. C'est pour son fils qu'ils sont venus dans les années quatre vingt dix s'installer en haute Savoie, c'est sans doute chez lui qu'il finira sa vie.
Il me dit combien la mort de sa compagne a été difficile, sa santé qui de plus en plus rapidement décline. Je suis plongée dans ses yeux bleus, est ce possible que cette vie soit si brève ?
Nina attend sagement que nous ayons fini de bavarder, c'est elle qui gèrera son départ, son état des lieux, la remise en état de l'appartement, vingt ans qu'ils y habitaient.
Je le regarde avec tendresse, je l'embrasse. Vous viendrez me dire au revoir avant votre départ hein ?
Oh oui bien sûr, c'est promis.
Derrière mon écran, les larmes menacent.
Il me manquera tant.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

En vous lisant moi aussi j'ai les larmes aux yeux, la vie passe si vite et quand l'un s'en va alors que reste t'il ?????


Odile

Gilsoub a dit…

Tu vois que ton métier à aussi de bon coté, de belles histoires ;-)

laurence @lopalomita a dit…

c'est très émouvant, une page qui se tourne... je crois aussi que quand les choses établies changent avec le départ d'une personne par exemple, c'est aussi notre vie qui change et on sent qu'on avance inexorablement sur le chemin de la vie... on n'a pas envie non plus de perdre les gens ni de vieillir je t'embrasse

Sylvie a dit…

De l'émotion . De la tendresse .
Et comme toujours , ta si jolie façon de raconter les choses de la vie .

Calyste a dit…

Des gens comme ça, c'est la richesse de la vie, même si on ne les fréquente pas journellement. On s'attache à des presque étrangers comme s'ils faisaient partie de notre famille. Mais, en fait, n'en font-ils pas partie ?

Valérie de Haute Savoie a dit…

Odile et cela s'accélère !

Gilsoub, ce qui me pèse en ce moment, c'est l'impossibilité que j'ai a faire mon travail. Tout est dans l'urgence, je n'ai plus le temps de finir quelque chose, tout est fait à la va vite, mal et à moitié. je n'en peux plus.

Laurence, oui voilà cela nous met face à notre vie et celles de ceux que l'on aime.

Sylvie merci :)

Calyste, oui, je m'attache souvent à ces personnes que je côtoie dans cette vie de travail et certains font réellement parties de ma vie oui.

Mel a dit…

Merci de partager cette histoire belle et triste à la fois.