dimanche 21 février 2016

Un monde sans pitié

Il est arrivé il y a à peine deux semaines, laborieusement il tape avec ses deux doigts bien raides, touche après touche sur le clavier de son ordinateur, concentré. Il remet au propre le premier état des lieux qu'il a fait presque seul. A côté, mes doigts semblent voler au dessus des touches, j'écris un mail quand sa phrase dite d'une voix atone me pétrifie. Il s'adresse à une collègue qui a fini sa journée et vient nous saluer.

Ben moi je te dis au revoir, j'ai fini ici !

Toutes les têtes se lèvent brusquement, on le regarde interdit. Tristement, résigné, il nous dit qu'il a eu juste avant un entretien avec la responsable qui lui a dit que l'essai qu'il faisait ne serait pas reconduit. Tu ne passes pas bien auprès des clients, on a pas le feeling.

Je suis atterrée, je sens instantanément que les dégâts faits par cette phrase seront terribles.
Ce petit jeune qui vient de vivre une expérience traumatisante dans son ancien poste et qui à l'instant se prend une nouvelle claque monumentale pour son ego déjà très très fragile, me fend le coeur.
Très digne, au bord des larmes qu'il retiendra jusqu'à son départ, il se tourne vers moi et me dit qu'il va tellement nous regretter, qu'il avait enfin l'impression d'être arrivé au bon endroit.

Je suis si mal foutue, si fatiguée, et j'ai devant moi un gamin qui tremble à l'idée de la tristesse de ses parents à qui il va devoir dire qu'il est à nouveau rejeté.
J'essaie de lui donner les bases pour rebondir, ce que j'ai appris de mes expériences, de mon ancien boulot. Ce qu'il faut qu'il fasse dès lundi, absolument.
Je sais tellement ce qu'il va vivre ces prochaines semaines.

Il est parti après avoir dit au revoir à tous le monde. Toujours sortir par la grande porte Valérie, c'est ce que m'a appris mon ancienne collègue. C'est important pour l'avenir !

Je l'ai serré tendrement dans mes bras et l'ai embrassé sur les deux joues.

Chienne de vie !




9 commentaires:

Chantal a dit…

Touchée et même coulée ! Comme cette histoire, si humaine, si banale, me parle et je suis bien triste pour ce jeune homme.
Combien il est difficile de se sentir, de n'être pas à la hauteur !
Pauvre de lui, il doit être bien misérable de cette situation et, en plus, devoir l'annoncer aux proches, dont on imagine la déception, comme si la sienne propre n'était pas suffisante à porter.
Merci beaucoup de votre gentillesse, attention, de vos conseils. J'espère qu'il a pu les entendre. Parfois, lorsqu'on est très centré sur soi -comme après un coup faisant bien mal-, on n'est pas dans les meilleures conditions d'écoute. Le mauvais est tellement présent qu'il ne laisse pas trop de place au bon.
Passez un très bon dimanche. J'espère que vous allez mieux que jeudi.

Valérie de Haute Savoie a dit…

Chantal oui c'est vraiment un crève coeur pour moi. Et pour ce qui est de ma forme, bah c'est pas encore le top, je suis naze mais c'est il me semble la fin de la gastro ;)

Gilsoub a dit…

Mais en dehors de l'affect, la question est aussi : la décision de la direction était elle effectivement justifié ou pas ? était il a sa place ou pas, aurait-il été un bon collaborateur ou pas ?
Il n'empêche, c'est une triste histoire...

Valérie de Haute Savoie a dit…

Gilsoub, Je ne peux absolument pas dire si c'était justifié ou non. Tout d'abord je ne l'ai pas vu sur le terrain, et puis sur les deux semaines passées dans l'agence, moi j'étais trois jours en vacances et trois jours super mal foutue. Ce qui était terrible à voir c'était son manque de révolte, comme une acceptation de cette fatalité qui le poursuivait. C'est aussi pour cela que je lui ai tout de suite donné des choses à faire, pour qu'il sente qu'il y avait tout de même un espoir à saisir. Mais j'avoue que j'ai été vraiment touchée au plus profond.

Dr. CaSo a dit…

Je vois ce genre de chose (cruelle et souvent injuste) arriver trop souvent ici aussi. On embauche (et garde!) des gens incompétents parce qu'ils connaissent untel ou sont la nièce de machin, et il n'y a strictement rien de fait pour intégrer les nouveaux/jeunes, les soutenir pendant leurs premières semaines, les aider quand les choses sont difficiles. Je ne sais pas comment c'est chez toi mais ici, pour chaque post qui s'ouvre, on reçoit des centaines de dossiers de candidature, donc on peut se permettre de traiter les employés comme du bétail :( C'est très triste, et je suis contente que toi (et sûrement d'autres, heureusement) puisses faire une petite différence pour ne pas complètement abandonner ces gens à leur désespoir.

Valérie de Haute Savoie a dit…

Dr. CaSo ici aussi c'est un déluge de candidatures, d'autant plus que cette agence est réputée dans la région. Mais c'est vrai que l'on a plus le temps de faire ses preuves, au bout de 15 jours, si on a pas montré sa débrouillardise on est foutu. Alors que je pense que ce jeune, qui avait sans doute besoin de plus de temps, se serait donné à fond pour la boite.
Comme j'ai longtemps accompagné des jeunes en recherche d'emploi, je lui ai donné les premiers conseils que l'on donnait lorsqu'ils démarraient la recherche au fond du trou ayant perdu toute confiance en eux. Mais dix minutes c'est peu pour aider.

dieudeschats a dit…

Le pauvre :( 2 semaines c'est plutôt expéditif comme essai... et comment veux-tu essayer de t'améliorer avec ce genre de feedback assassin ?

Mel a dit…

C'est vraiment dur et triste, en effet, j'espère qu'il aura entendu tes paroles de réconfort et d'encouragement malgré tout, et qu'il trouvera sa place pour de bon quelque part.

Valérie de Haute Savoie a dit…

DDC Ce qui peut être étonnant surtout, c'est qu'on l'ait embauché avec deux entretiens super longs, pour quinze jours après se dire qu'il ne convient pas.

Oui je l'espère aussi Mel, je pense qu'il ne l'aura pas dans l'immobilier, trop agressif et demandant une rapidité qu'il n'avait pas. Je lui ai conseillé de faire aussi un bilan de compétence.