samedi 12 décembre 2015

Nos petites madeleines.

Chaque mercredi nous recevons bien caché, sous pli gris argent, l'exemplaire de Charlie Hebdo.  Comme beaucoup, choqués par le premier attentat de cette année et pour montrer notre refus à cette violence voulant interdire la liberté, nous nous étions abonnés. 
En presque un an, une seule Une m'a plu. Celle où, troué de balles, le personnage boit du champagne qui s'écoule à flot par ses trous. Pourquoi celle ci particulièrement ? Peut être qu'elle me rappelle un peu Charb qui restera pour moi irremplaçable.



Je ne peux dire que j'adhère à tout. Je parcours rapidement, mais systématiquement je lis le billet de Philippe Lançon. Souvent j'y retrouve évoquées des cicatrices qui chez moi sont invisibles mais me parlent intimement.

Dans le billet de cette semaine, il raconte sa énième hospitalisation et parle de sa "petite madeleine hospitalière", lorsqu'il ouvre la porte de la salle de bain, sent cette odeur si particulière acide, sucrée qui émane du carrelage, de l'aération et du désinfectant, une odeur de quetsche pour moi.

Il y a, lorsque l'on revient à l'hôpital pour une nouvelle hospitalisation, une sorte de fatalisme, encore et encore, histoire sans fin. Soit par ambulance, dans l'urgence, soit au petit matin pour démarrer un séjour dont on ne sait pas vraiment quand il se finira.

J'y entrais en pleine santé, mais j'avais dans mes bras un petit bonhomme très mal en point.
Souvent le service était encore endormi, et l'on nous installait en attendant dans une chambre que seul le couloir éclairait. Tout de suite, cette odeur nous enveloppait. Apaisante, rassurante. Nous étions dans notre univers.

Chacun sa petite madeleine hospitalière, celle de G. était l'odeur de la soupe qui envahissait le service au moment du repas. Dès qu'il a pu marcher, il se précipitait devant le grand chariot en aluminium brossé, et regardait en humant, sourire aux lèvres, cette promesse délicieuse.
Qui sait si maintenant encore, ce lointain souvenir se réveillerait alors en sentant cette odeur que beaucoup exècrent.

Nos madeleines sont uniques et pourtant universelles.

3 commentaires:

Mel a dit…

Nous sommes abonnés aussi, c'est mon mari qui a pris l'initiative, mais je dois bien avouer que je ne l'ouvre presque jamais. Je n'arrive déjà pas à lire tout ce que j'aimerais lire, et un hebdo ça revient trop vite pour moi (déjà qu'avec un mensuel je suis toujours à la traîne...) ! Mais tu me donnes envie de me pencher sur les billets de Philippe Lançon, dont j'appréciais beaucoup la plume dans une autre publication.
Et pour ce qui est des madeleines... J'avoue que l'odeur de l'hôpital fait monter l'angoisse chez moi. Mais comme G., j'aime beaucoup l'odeur de la soupe ! :-)

Hermione a dit…

A propos de madeleines, c'est très bizarre. En ce moment, certaines odeurs me ramènent à des moments très précis de ma vie, comme des flashs fugitifs. Ça me rappelle mes grossesses, je me demande si ce n'est pas un effet de la ménopause ! :D En tout cas c'est très marrant, une simple odeur de lessive peut me ramener vingt ans en arrière à un moment hyper précis...

Valérie de Haute Savoie a dit…

Mel c'est le problème aussi, le temps que l'on a pour lire, même si honnêtement j'en perd trop devant la télévision. Mais il y a aussi le côté un peu chiant parfois des articles et puis d'autres qui ne m'intéressent pas du tout. Il y a Lançon, Peloux qui s'en va et le comique facile à lire et pas très intéressant, mais si vite lu. Et je n'aime en général pas les dessins, j'aimais je le répète encore et encore Charb d'un amour fou :D
Hermione moi aussi, et pourtant ma ménopause est installée depuis des années. Mais les odeurs qui te transportent dans le passé, je voulais en faire un billet.