mardi 7 janvier 2014

les ombres oubliées.

Dans ma rue il y a une maison, petite, qui a dû être jolie avec son petit jardin bien protégé par une grille en fer forgé. Un tilleul lui fait office de parasol et un magnolia un peu caché, célèbre chaque année le printemps.
J'y suis allée une fois, rencontrer une jeune femme qui y habitait avec ses trois petites filles dont une souffrait d'un gros problème cardiaque. Nous avions fait connaissance sur les marches de l'école, et nos deux enfants malades nous avaient rapprochées.
La maison était humide, moisie déjà, et elle voulait que je témoigne de cette insalubrité pour pouvoir être relogée dans un appartement plus sain. Elle a déménagé, les enfants ont grandi, la maison petit à petit s'est laissée envahir par les mauvaises herbes, abandonnée.
Il y a deux ans, un puis deux puis trois et puis dix hommes et femmes s'y sont installés. Des roms disaient mes voisins, des hommes et des femmes se déplaçant comme des ombres le soir, une fois le soleil couché. Les hommes partaient tôt, très tôt, les rues encore désertes, sac au dos. Les femmes sortaient un peu plus tard, avec de gros bidons qu'elles allaient remplir d'eau je ne sais où. Les ordures s'entassaient dans le jardin, de temps en temps ils les débarrassaient.
Ils avaient de l'électricité, parfois l'on entendait de bruyantes discussions, ils vivaient là, et malgré les rumeurs de cambriolages plus fréquents depuis leur arrivée la cohabitation avec les autochtones semblait bien se passer.
En milieu d'année dernière, alors que le soleil était à son zénith, en rentrant du bureau, j'avais découvert que toutes les fenêtres de la petite maison avaient été condamnées par des parpaings tout frais.  La maison retournait à son abandon, certains dans la rue soupiraient de soulagement.

Un soir, alors que je bavardais avec une voisine, libanaise et très voilée, elle me dit combien le fait de savoir les roms revenus dans la maison l'angoissait. 
Revenus ? Mais la maison était toujours totalement obstruée !
Elle les voyait du haut de son balcon, entrer à l'arrière, une nuée d'hommes et de femmes.

J'avais mis en doute ses paroles, m'amusant de penser que le rom de l'un était le musulman de l'autre. Mais cela restait dans ma tête. Comment pouvaient ils être revenus dans cette maison insalubre et maintenant fermée à toute lumière ?

Un matin alors que je partais tôt à l'agence, dans la nuit noire et glaciale, je les vis sortir, trois hommes courbés. Ainsi c'était donc vrai ? Dans cette maison affreuse vivaient des hommes ?

Et depuis, chaque jour, j'imagine avec effroi cette vie qui est la leur. Je ne fais rien et j'en ai honte.

7 commentaires:

Sacrip'Anne a dit…

Oui mais quoi faire ? Comment ?

Gilsoub a dit…

Honte de quoi ? Tu n'es pas responsable de la situation. Quand à faire, comme dit Anne, quoi ? Par expérience, la seule aide vraiment éffcace que tu peux apporter, c'est par le biais d'association, avec des gens qui savent comment aborder et que faire face à cette misère. Peut être contacter l'une d'elle pour leur signaler leur présence dans ta rue...

Valérie de Haute Savoie a dit…

C'est pour cela que j'ai honte, je ne fais rien, à part des dons pour soulager ma conscience, mais pas de trucs concrets. Pour ce qui est d'alerter une association, cela risque simplement de les remettre à la rue encore plus vite. Plus d'activité vers cette maison ferait revenir la police très vite. C'est elle qui a procédé à leur expulsion apparemment, les parpaings posés leur donnent une certaine sécurité.
Je vais tout de même me renseigner discrètement pour savoir ce qu'il serait possible de faire.

laurence @lopalomita a dit…

tu viens de le dire toi même : que faire car si tu en parles, les autorités les remettront vite fait à la rue... quelles sont les solutions ? tu ne peux, seule, les trouver et effectivement, à ton échelle tu fais déjà quelque chose, c'est déjà ça... bon courage... on ne peut tout régler, j'aide aussi de mon côté pour plusieurs causes en ayant l'impression de ne pas faire assez, mais ce que je fais, je le fais régulièrement et en conscience et bon cœur... je sais que c'est ton cas aussi Valérie.

ddc a dit…

Difficile situation ! Est-il mieux qu'ils restent dans une maison insalubre moisie et sans lumière... s'ils se font juste mettre dehors, non bien sûr, mais s'ils sont pris en charge, par contre...
Peut-être poser la question de manière "théorique" aux organismes (publics ou privés) d'aide, sans préciser où logent ces personnes ?

Eclypx a dit…

Quelques toutes petites idées en l'air parce que je connais un tout petit peu la situation :
Créer un petit lien de voisinage doucement et de confiance, puis proposer vêtements/matelas/Jouets dont on aurait pas l'utilité, proposer de l'aide pour remplir les papiers administratifs (par exemple), proposer de l'aide avec le français, faire un peu de médiation si problème avec les autres voisins, être là et soutenir au moment des expulsions, voire filmer et photographier pour éviter les violences policières, repérer d'autres logements vides en moins mauvais état et le leur indiquer, (voire les aider à les ouvrir)...
Plein de petits rien sont possible, mais il faut bien sûr d'abord réussir à se rencontrer et ça prends beaucoup de temps, (peut-être au travers des enfants ?).
Et puis c'est déjà beaucoup de se poser la question :).

Valérie de Haute Savoie a dit…

DDC et Eclypx, le fait que je parle d'ombres, c'est qu'ils sont là, certainement, puisque parfois l'on entend des conversations derrière les parpaings, mais je ne les ai vus qu'une fois depuis que je sais qu'ils sont revenus. Ils se cachent, n'ont apparemment pas d'enfants. La maison est fermée, grillage cadenassé, je ne sais pas comment ils rentrent, sans doute par derrière, dans un dédale de maisons et jardins plus ou moins abandonnés. Il est quasi impossible de s'en approcher. La seule solution, est de trouver une assoc qui pourrait prendre en charge au moins le rapprochement.