mardi 4 juin 2013

Nuit chaude à Strasbourg

Rue de la Haute Montée, à Strasbourg, septième étage sans ascenseur, trois cent mètres carrés, un puit de lumière au centre de l'appartement et à l'étage en dessous Lucie.
Nous avions très vite sympathisé, elle et ses quatre enfants aux noms de rockers, Johnny, Elvis, Vince, et Jimmy, moi la bohème énigmatique.
Tout la haut il n'y avait qu'un robinet d'eau froide, les toilettes sur le palier, trois immenses pièces, un couloir circulaire et pas de chauffage. A l'étage au dessous, baignoire, eau chaude, chaleur, amitié.
Je lui écrivais les mots qu'elle ne savait lire, elle me prêtait sa salle de bain et nous buvions ensemble des cafés en regardant Godard à la télévision.
Un jour que je venais de couper mon petit doigt en deux, celui ci pendouillant misérablement, retenu par un bout de peau qui miraculeusement n'avait pas cédé, elle avait tout laissé en plan, les enfants à l'école, m'avait conduite dans le seul centre SOS mains existant en France, juste à côté sur les quais.
Un autre jour elle m'avait frottée tout le corps à l'eau de javel pour tuer une gale dont je me croyais atteinte.
On se voussoyaient, elle connaissait mes tristesses, je connaissais ses malheurs, son amant, ses blessures.

Un soir alors que les enfants venaient enfin de s'endormir, nous buvions un café et bavardions tranquillement. Il faisait doux, la fenêtre était ouverte sur la cour tranquille, le ciel gardait les traînes d'un soleil depuis longtemps couché, l'homme de la maison ne rentrerait de la SEITA qu'aux premières lueurs du jour.
De temps en temps Lucie se levait, prenait la cafetière, nous versait une tasse, la reposait sur la plaque, et revenait s'asseoir sur le canapé, il faisait presque chaud, nous avions retiré nos gilets... Oui il faisait étonnamment chaud ce soir là.
Vraiment chaud d'ailleurs. 
C'était à moi de remplir les tasses, debout devant la fenêtre je regardais l'étage du dessous, celui où habitait le beau-frère de Lucie.
Tiens ? Baba ne travaille pas cette nuit ?
Si bien sûr, il est parti avec Yanek tout à l'heure.
Pourtant il y a de la lumière chez lui, comme s'il avait allumé des bougies.
D'un bond elle est à côté de moi, regarde les lueurs qui dansent derrière les volets de bois, pâlit, d'une voix blanche dit - il faut appeler les pompiers.

Derrière la porte fracassée d'un violent coup de botte, la fournaise terminait de ravager ce qui avait été l'appartement de Baba. 

5 commentaires:

Mel a dit…

Tu en as vu beaucoup des incendies, dis donc. Tu as un faible pour les pompiers ? :-) En vrai, je trouve ça terrible les ravages du feu et de la fumée, je me souviens du récit d'une connaissance qui avait perdu tous ses souvenirs et c'était très très douloureux.

Gilsoub a dit…

C'est terrible le feu ! Mon père te racontant que jeune marié, un jour en rentrant avec ma mère, des pompiers dans leurs rue et des meuble à moitié brulé sur le trottoir... et mon de dire "tiens c'est amusant, les voisin ont les même chaise que nous..." Et pour cause...
Pour mon boulot, j'ai filmé les essais incendie dans le tunnel de la A86 avant son ouverture, 4 voiture en feux ! impressionnant !

Valérie de Haute Savoie a dit…

Mel oui quelques-uns et dans cet appartement le suivant a été terrible. Je crois que je l'ai raconté déjà. Mais ce sont toujours des incendies ailleurs qui me forcent à quitter les lieux. J'ai dû aller dans l'appartement qui a brûlé l'autre jour et c'est impressionnant de voir ce que le feu est capable de faire en si peu de temps.

Gilsoub, ma grande peur dans les tunnels !!!

Calyste a dit…

Tiens, c'est l'époque qui veut ça: près de chez ma mère, deux incendies en moins d'un mois, dont un avec trois morts.

Valérie de Haute Savoie a dit…

Calyste, là il s'agissait d'un sèche serviette je crois, qui a pris on ne sait pourquoi feu.