Je finis mon dernier état des lieux de la journée, un garage au centre ville, 17h30 juste en face de la papeterie une place se libère, la chance est avec moi.
Prendre le petit risque de ne pas mettre de sous dans le parcmètre, je vois mon locataire planté sur le trottoir, sagement à l'heure.
Hop hop on fait basculer la lourde porte de l'accès avec la télécommande, ok c'est noté elle fonctionne.
On grimpe à pied la rampe dans le sombre, on se dirige vers la seule porte ouverte, propre par terre ok, trois clefs ok. Hop hop une petite signature, rien à déclarer tout va bien, vous aurez votre dépôt de garantie dans le mois, pouf pouf au revoir !
Puisque je suis devant cette papeterie j'en profite pour m'y glisser, choisir une gigantesque carte, jolie, pour une collègue qui se marie dans quinze jours. Taille appropriée pour multiples messages de nous tous, enveloppe pour recueillir les billets et pièces de chacun. Passer à la caisse, pouf pouf, journée finie il n'est même pas encore tout à fait 18h00 je fonce au supermarché, supermarket.
Panier en paille dans les bras, je parcours au pas de course les rayons. Deux minis pastèques bio pour G., un tiramisu pour JP, des galettes multicéréales, café, direction coca. Je file, panier sous le bras, les rayons sont presque déserts, moyenne d'âge me faisant presque croire que je suis une toute jeunette. Devant moi un "agent de la sécurité" qui marche vite, un homme à ses côtés. Je pense, tiens tiens surprise pour un chapardeur ?
Tout au fond, rayon apéro, gâteaux, coca et autres friandises, il est là, écroulé dans les boites colorées, les jambes écartées, les bras ballants, la tête un peu de travers, si vieux, si démuni, essayant d'un pauvre sourire de garder sa dignité. Sa chemise est en vrac, son pantalon remonté très haut à la taille, il ne dit rien, il attend. Il attend qu'enfin quelqu'un le trouve, le remette sur pied. C'était lui que les vigiles venaient sauver, et hop sans ménagement ils l'empoignent sous les bras et l'entraînent d'un pas rapide vers dehors, loin de nos regards. Le pauvre traîne la patte, il boite terriblement, à moitié soulevé sans égards, il ne dit rien, laissant son petit chariot rempli à ras bords dans l'allée désertée. Lentement je les suis, envahie de tristesse, ils n'ont pas eu un mot pour apaiser cet homme, ils n'ont pas eu un mot !
Ils l'ont traîné dehors, ont tenté de le fourrer dans sa voiture, mais il est tombé, assis par terre, l'air désolé de celui qui voudrait bien mais ne peut plus. Ils ont réessayé, une fois, deux fois, trois fois, le vieil homme sans force rendait les armes. Alors là seulement, ils ont appelé les pompiers.
En repartant mes larmes coulaient, et je pensais à mon père, à ces hommes qui, si forts qu'ils aient été, sont à la fin de leur vie à la merci de personnes sans âme.
Prendre le petit risque de ne pas mettre de sous dans le parcmètre, je vois mon locataire planté sur le trottoir, sagement à l'heure.
Hop hop on fait basculer la lourde porte de l'accès avec la télécommande, ok c'est noté elle fonctionne.
On grimpe à pied la rampe dans le sombre, on se dirige vers la seule porte ouverte, propre par terre ok, trois clefs ok. Hop hop une petite signature, rien à déclarer tout va bien, vous aurez votre dépôt de garantie dans le mois, pouf pouf au revoir !
Puisque je suis devant cette papeterie j'en profite pour m'y glisser, choisir une gigantesque carte, jolie, pour une collègue qui se marie dans quinze jours. Taille appropriée pour multiples messages de nous tous, enveloppe pour recueillir les billets et pièces de chacun. Passer à la caisse, pouf pouf, journée finie il n'est même pas encore tout à fait 18h00 je fonce au supermarché, supermarket.
Panier en paille dans les bras, je parcours au pas de course les rayons. Deux minis pastèques bio pour G., un tiramisu pour JP, des galettes multicéréales, café, direction coca. Je file, panier sous le bras, les rayons sont presque déserts, moyenne d'âge me faisant presque croire que je suis une toute jeunette. Devant moi un "agent de la sécurité" qui marche vite, un homme à ses côtés. Je pense, tiens tiens surprise pour un chapardeur ?
Tout au fond, rayon apéro, gâteaux, coca et autres friandises, il est là, écroulé dans les boites colorées, les jambes écartées, les bras ballants, la tête un peu de travers, si vieux, si démuni, essayant d'un pauvre sourire de garder sa dignité. Sa chemise est en vrac, son pantalon remonté très haut à la taille, il ne dit rien, il attend. Il attend qu'enfin quelqu'un le trouve, le remette sur pied. C'était lui que les vigiles venaient sauver, et hop sans ménagement ils l'empoignent sous les bras et l'entraînent d'un pas rapide vers dehors, loin de nos regards. Le pauvre traîne la patte, il boite terriblement, à moitié soulevé sans égards, il ne dit rien, laissant son petit chariot rempli à ras bords dans l'allée désertée. Lentement je les suis, envahie de tristesse, ils n'ont pas eu un mot pour apaiser cet homme, ils n'ont pas eu un mot !
Ils l'ont traîné dehors, ont tenté de le fourrer dans sa voiture, mais il est tombé, assis par terre, l'air désolé de celui qui voudrait bien mais ne peut plus. Ils ont réessayé, une fois, deux fois, trois fois, le vieil homme sans force rendait les armes. Alors là seulement, ils ont appelé les pompiers.
En repartant mes larmes coulaient, et je pensais à mon père, à ces hommes qui, si forts qu'ils aient été, sont à la fin de leur vie à la merci de personnes sans âme.
en écho au billet de Calyste.
12 commentaires:
Aussi triste, aussi dur, aussi injuste cela soit, c'est la vie, aujourd'hui. Mais avec un petit supplément d'âme : ton regard, ton empathie, ton récit.
Je suis révoltée quotidiennement par le manque de respect pour les personnes âgées, comme si leur âge les privait du droit à la dignité. Et moi aussi je pense à ma mère de bientôt 89 ans et je me jure de la protéger autant que possible contre la dureté de ce monde.
Merci de ton écho. J'ai vu hier, au supermarché, à peu près la même scène: il s'agissait d'un SDF que les vigiles traînaient dehors manu militari sans doute parce qu'il ne faisait pas bien dans le paysage..
C'est triste, c'est révoltant... Pourras-tu encore mettre les pieds dans ce magasin qui dispose de si peu de compassion ?
Ça ne va pas plus du tout ce monde là. Je n'en veux plus moi! Et je ne sais pas comment faire.
Cette histoire est horriblement triste. Et je la lis juste avant d'aller moi-même devant un juge... me battre pour les droits des handicapés... Quand on n'est pas jeune et "normal," dans ce monde, on n'est pas grand'chose!
j'imagine ton désarroi, l'autre jour c'est dans mon supermarché qu'un vieux monsieur a fait un malaise, peu de monde bougeait, c'est une dame elle aussi d'un certain âge qui s'est proposée pour le raccompagner chez lui ne voulant pas que je la suive... nous oublions tous que notre tour viendra et qu'effectivement la façon dont on traite nos "vieux, nos animaux et nos enfants laisse bien apercevoir ce que vaut notre société qui s'inquiète des spéculations et se fout du vivant (d'ailleurs "bonne" nouvelle : ils envisagent de refaire bouffer à certaines espèces à nouveau des farines animales ! l'histoire et l'exemple ne suffisent pas à nous rendre raisonnables... l'homme est bien le roi des cons)...
Oui comme le dit PascalR, ce monde je n'en veux pas, absolument pas !
Ce monde où l'on prend plus soin de la finance que des hommes.
Tant qu'il restera des regards comme le tien, on a un peu d'espoir.
Pablo j'ai l'impression que nous étions plusieurs pétrifiés de honte et de tristesse.
Écrire à la direction du magasin ? Car si personne ne s'en émeut "officiellement", pour eux tout va bien.
Sincèrement DDC, je ne penses pas que cela ferait évoluer les choses. C'est plutôt à moi de réagir la prochaine fois à la place de rester comme une cruche à ne rien dire.
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