mercredi 9 février 2011

Sinon non.

Lui nonchalamment allongé sur le carrelage de la cuisine, grattouillant tranquillement l'arrière train relevé de Chamade au bord de l'extase, moi assise à la table, un mug de tisane refroidissant entre mes mains.
Comment en sommes nous arrivés à parler de sa greffe ? Il me semble que c'est la première fois que l'on parle si clairement, sans détour, de cela.
Je le regarde, lui si grand, si beau, si normal.
- Tu as peur parfois de faire un rejet ?
Lentement il lève vers moi les yeux, calmement, semblant réfléchir - Parfois oui, lorsque je suis à l'hôpital.
Chamade a collé sa tête contre la sienne, ronronne à s'étouffer.
- Oui, moi aussi cela me faisait cela, dès que nous y entrions.
Un léger silence, l'un près de l'autre en pensée, loin dans les souvenirs d'une bataille passée. L'attente, assis sur ces chaises en acier, feuilletant des magazines aux pages si triturées qu'elles ne sont que lambeaux, ces heures hors du temps, des médecins, blouses blanches entrouvertes, têtes baissées, fonçant derrière les portes battantes. Seront-ils bons, ces examens ? Pourrons nous encore avoir le train à temps ?

- Mais sinon non dit-il.

Oui sinon non... quoique.

14 commentaires:

Hermione a dit…

Bien sûr on aurait préféré faire sans, mais quel lien incroyable cette greffe a dû créer entre ton fils et toi !
Mon coeur de mère est avec vous deux, mais ça va aller, c'est sûr ;)

Anne a dit…

Il est beau, ce dialogue, entre vous. Cette vérité toute nue que vous échangez.

Je me dis après que le propre de l'homme, c'est de se projeter dans le futur avec un peu d'inconscience. Et que ça évite de penser tout le temps à ce genre de choses, même quand on est "un peu ou beaucoup plus à risque" que la normale...

Mais bon. Oui, nuage noir qui passe parfois au dessus des têtes, dans les pensées...

PascalR a dit…

La première fois que vous en parlez tous les deux. L'amour rend fort.

Jipes a dit…

C'est beau de pouvoir en parler et d'échanger vos ressentis. Pardonnes mon ignorance mais Est ce qu'il y a toujours un risque de rejet après si longtemps ?

Fabulous Fabs a dit…

Valérie,
J'allais justement poser la même question que Jipe.

La petite poule noire a dit…

Émouvant. Vrai. Sobre.
Je pense très fort à vous deux.

Fay a dit…

Oui, ce n'est pas tout d'avoir eu la chance d'un greffon compatible, d'une opération qui s'est bien passée... Ma cousine est épuisée des heures en réa auprès de son fils, je n'ose pas imaginer ce qu'elle pense de "l'après hôpital"...

Valérie de Haute Savoie a dit…

Alors tout d'abord oui, oui le rejet est un risque à vie une fois l'organe greffé. Evidemment rien à voir avec le risque si aigu du tout début, qui nécessite des examens toutes les heures. Maintenant, si cela arrivait, nous aurions le temps de le traiter, en augmentant par exemple l'immunosuppresseur en faisant des bolus de cortisone par exemple. Mais il existe aussi le risque de cancer, de lymphome...

Hermione, je suis extrêmement fataliste, G. est né avec cette maladie, rien ne servait de se rebeller, l'important était de l'aider à se battre en étant là et c'est vrai que cela a forcément créé un lien assez fort, mais heureusement G. a réussi à prendre son indépendance.

Anne, tu verras, ces moments d'intimité avec nos enfants adultes sont des moments de grâce infinie.

Pascal, c'est vrai que nous avons toujours été très pudiques et que c'est vraiment la toute première fois que l'on a dit cette angoisse réciproque.

Jipes, oui cet instant était très doux.

Fabulous Fabs, il y avait hier soir une émission magnifique où pour une fois la greffe était abordée de toute part. J'espère que cette expérience sera reconduite, parce que c'est vrai que si l'on est pas touché de près, il est très difficile de connaître ce genre de chose.

PPN merci.

Fay, la greffe est un moment terriblement intense, épuisant. Mais les suites sont un véritable cauchemar et dit et redit à ta cousine combien il est normal qu'elle craque, qu'elle garde toujours toujours toujours espoir. Et si tu peux envoyer un message à ton G. dit lui qu'un jour il sera dehors au soleil, heureux et en bonne santé.

Calyste a dit…

En te lisant, j'aime de plus en plus te lire. Excuse cette impudeur.

Valérie de Haute Savoie a dit…

Merci beaucoup Calyste.

Lce a dit…

Enoncer les mots qu'on a toujours deviné chez l'autre, entre une maman et son enfant c'est souvent comme cela, n'est-ce pas ? l'amour et la communication son infra-verbales, et quand on a traversé une telle épreuve comme tu l'as fait avec lui... ton post est si concis et si précis... Heureusement la jeunesse pousse vers l'avenir et je lui (vous) souhaite de belles années, jolie maman.

Valérie de Haute Savoie a dit…

Oui c'est tout ce que je lui souhaite, de très belles années et que nous restions mère et fils en gardant cette douceur.

Lancelot a dit…

Oui, "quoique".

Toute la nuance est dans le "quoique". Et dans les moments où les doutes viennent nous assaillir.

Plein de belles années, je souhaite, pour lui, bien sûr, mais aussi pour toi, ma grande.

Valérie de Haute Savoie a dit…

Oui on ne peut pas tout à fait être détachés, gardant la mémoire du passé.