jeudi 4 mars 2010

4ème détail du mois de...

On se voit jeudi soir à Connaissance du monde ? me chuchote t-il tendrement après m'avoir roulé une merveille de pelle, la toute première de ma vie. Au bord de l'évanouissement, encore vibrante de cet instant tant attendu je bégaie un petit oui, cherchant encore un instant le contact de son blouson de cuir si doux. Il fait affreusement froid, l'année nouvelle vient tout juste de débuter et je n'ai qu'une envie, prolonger encore et encore ce baiser tellement inespéré.
La tête légèrement penché, il me sourit, recule lentement, enfourche sa mobylette. Plantée sur le trottoir, grelottante d'émotion et de froid, je le regarde cliquer le démarreur, repartir dans le noir.
Légère je monte les marches en bois qui craquent, chantonnant dans ma tête "ça y est ça y est j'ai embrassé un garçon" et tout tout doucement glisse la clef dans la serrure, délicatement pousse la lourde porte de l'appartement.
Derrière, dans la pénombre, m'attendent les parents, droits comme la justice, le visage fermé, blêmes de rage. Je chute brutalement de mon nuage, je chute vraiment par la claque violente que mon père vient de m'asséner. "Putain" siffle t-il sous l'œil haineux de ma mère tout en me donnant un coup de pied qui me fait rouler de côté. Je suis hébétée, ils m'ont vue ?
On ne peut vraiment pas te faire confiance, rugit-il à voix basse, on t'avait dit minuit, il est une heure passée.
Je les hais, je les hais encore un peu plus si cela est possible. Minuit ! Minuit un jour de nouvel an, mais qu'est ce qu'ils sont cons !
Je me tais, j'attends que cela passe, assommée par ce "Putain" qui gâche un peu le baiser magique. Putain ? Mais il est fou c'est sûr !
Froidement je suis sommée d'aller dans ma chambre. Fini les sorties ! rage t-il. Ma mère me fusillant du regard n'a pas dit un mot.
Il va falloir ruser pour la séance de connaissance des arts !

Deux jours passent, bien campée dans mon nuage sur lequel je suis très vite remontée, je frissonne à l'idée de ce futur si proche. Tout à l'heure je serais assise à côté, contre, Michel Marie G., le grand amour de ma vie, le seul l'unique le merveilleux ! La caution culturelle de la séance a fait fléchir papa.
Devant le cinéma il est là, entouré de la bande du Mille Club, timidement je m'approche, il me sourit et d'un petit signe m'invite à le joindre. Il m'embrasse doucement d'un petit baiser sur le coin de la lèvre. Tous le monde est là, la salle vient d'ouvrir, en troupeau nous nous élançons bruyamment à la conquête des sièges. On chahute encore un peu, ne nous calmant qu'une fois les lumières éteintes.
Je suis à sa gauche, en attente, vibrante, il est là, juste à côté, je n'y crois pas.
Les premières images de plages, de palmiers, de rouleaux doux de mer, la voix raconte les îles, je n'attends qu'une chose, qu'il m'embrasse encore et encore. Mais il ne bouge pas, il écoute, il regarde. Je fixe l'écran, j'attends...

Et puis... des mouvements, furtifs... je tourne légèrement la tête... Vertige ! Il embrasse fougueusement sa voisine, celle de droite.
Je veux mourir !!

30 commentaires:

Olivier Autissier a dit…

Vraiment, Valérie, tu me plaît ! Bon sang que j'aime ces souvenirs.

Valérie de Haute Savoie a dit…

Merci Olivier...

Lancelot a dit…

Tiens, je connaissais déjà le début de l'histoire, je n'en connaissais pas la suite !
J'imagine comme tu as dû te sentir doublement mal...
Alors, alors alors ? Que sont devenus, par la suite, Michel Marie et ton amour pour lui ?

Lili a dit…

Rhââââ, la cruauté des premières amours.........tu racontes si bien Vaérie.....

Valérie de Haute Savoie a dit…

C'est bien ça, il me semblait avoir raconté ce retour de nouvel an mais je ne l'ai pas retrouvé sur mon blog.

Michel Marie est devenu photographe et a continué à butiner comme tout ado qui se respecte. J'ai embrassé des dizaines d'autres garçons dont bien évidemment j'imaginais qu'ils étaient "l'homme de ma vie" :)

Valérie de Haute Savoie a dit…

Lili, si tu savais, je passe ma nuit à élaborer le billet du lendemain, c'est épuisant :D

Anne a dit…

Quel muuuuuffffflllleee !

Heureusement que tu t'es vite rendue compte à quel point il ne te méritait pas !!!

:)

veronique a dit…

Ce qui me choque n'est pas le comportement du bourdon butineur mais la violence de tes parents. Je trouve que c'est le plus triste dans cette histoire.

Hermione a dit…

C'est vrai qu'ils manquaient un peu de compréhension, nos parents... Il faut dire qu'eux-mêmes étaient plutôt vissés, ça peut expliquer certaines choses.

dieudeschats a dit…

Heureusement que tu le racontes "joyeusement" parce que c'est vraiment aller de déception (parents) en déception (garçon)

LiliLajeunebergere a dit…

Je ne voyais pas la fin de l'histoire de cette façon!Naïve que je suis... :-)

Quant à la réaction de tes parents, elle me scotche (désolée je ne trouve pas d'autre mot).

Pablo a dit…

Elle a été très pédagogique pour toi, finalement, cette séance de Connaissance du monde, ce nom lui allait bien.

Alexandre Bernique a dit…

Je ne peux que plussoyer certains commentaires, ton style est excellent. Quand à l'anecdote, c'est amusant de voir (avec du recul) que nous passons tous par le même type d'étapes sentimentales. Mais tes parents étaient quand même un peu stricts...

Floh a dit…

Qu'il est dur ce billet, et si doucement raconté ;)
Bravo :)

Fauvette a dit…

Oh essaie de ne te souvenir que du baiser, c'est plus doux !

Anonyme a dit…

Ah, la vache!! c'est le premier mot qui m'est venu à la bouche. Dur la vie dans nos premiers émois et dur l'incompréhension et la réaction des parents.

Je ne suis pas mécontente d'avoir quelques décennies de plus et d'avoir le plaisir de lire ce blog.

julio a dit…

Touts les commenterais sont bon mais moi je veux ajouter, tes parents sont des cons ! Et pour les premiers fois il faut reconnaitre que la fille croie que sais pour la vie, les garçons sais la premiers expérience « et pour une fois sais eux qui ont raison »

Valérie de Haute Savoie a dit…

Oh Anne, j'ai simplement pensé que JE ne le valais pas tu sais !

Véronique, à vrai dire elle était tout à fait incroyable cette violence là, parce qu'ils étaient en général glaçants, mais jamais violent physiquement, du moins pas à ce point là. Et ce "Putain" était tout simplement invraisemblable dans la bouche de mon père. Inconcevable. Je ne sais ce qui a déclenché cette violence physique et verbale.. la trouille ?

Hermione, curieusement j'avais des parents très à la pointe puisque mon père était très proche des idées de Dolto qui d'ailleurs était venue à la maison (j'ai un billet là dessus)

DDC, heureusement que le temps adoucit ce genre de déconvenues.

Lili la jeune bergère, moi non plus à vrai dire :D

Pablo, à propos, il doit bien y avoir des séances de connaissances du monde en Espagne non ? En tout cas pour nous à l'époque c'était le plus sur moyen de s'évader.

Oui Alexandre, c'est l'immense plaisir des blogs, découvrir que l'on a pas été le seul dans la déconfiture totale. Parce que bon dieu je me suis sentie conne.

Floh tout simplement l'apprentissage de la dureté de certains moments de la vie.

Fauvette, ce baiser était une telle merveille, je me serais bien évanouie de bonheur s'il n'avait fait aussi froid.

Oh moi Anonyme, je revivrais avec plaisir ce premier baiser et je m'arrêterai là pour ce qui est de l'histoire :D

Valérie de Haute Savoie a dit…

Julio, cons certainement pas :D Mais à côté de la plaque ce soir là sans aucun doute. Tu sais, les filles croient toujours que c'est pour toujours, mais comme le chantait Barbara, "Chaque fois qu'on aime d'amour
C'est avec "jamais" et "toujours"
On refait le même chemin
En ne se souvenant de rien
Et l'on recommence, soumise,
Florence et Naples
Naples et Venise
On se le dit et on y croit
Que c'est pour la première fois
A chaque fois, à chaque fois
Chaque fois qu'on aime d'amour

Pablo a dit…

@Valérie : Ben non, ça n'existe pas ici et ça n'a jamais existé, à ma connaissance ; et je ne savais même pas que ça existait en France ou ailleurs... J'apprends plein de choses avec tes petits détails du mois de mars !

Mariette a dit…

Oh, c'est p't'être pas celui-ci, de détail, qui me plait le plus mais... sur une page entière de notes périssables lues je ne peux m'empêcher de laisser un commentaire pour te dire que... Wahou, j'aime vraiment comme tu écris !
Passée par ici lors d'une description du Salève "vu de l'autre coté" qui m'avait replongé dans mes souvenir automnales de la région, je reviens toujours te lire avec plaisir. Merci.

Valérie de Haute Savoie a dit…

Te connaissant tu as dû aller te renseigner et voir qu'ici c'est une institution antédiluvienne :)

Mariette, merci beaucoup de cette présence qui même discrète me fait très plaisir.

Marloute a dit…

Quelle histoire!

Hélàs, j'avais des parents au moins aussi à côté de la plaque!

Valérie de Haute Savoie a dit…

Marloute, je le dis sur un commentaire du billet suivant, en réalité mon père est un homme bon et sans doute est ce pour cela que ce geste et surtout ce mot qui jamais n'avait été prononcé par lui m'a tant secouée. J'étais rebelle et incontrôlable, il ne savait plus comment faire et la fatigue, l'angoisse aussi sans doute de ne pas me voir rentrer à l'heure, à fait qu'il a bêtement craqué de la sorte.
Certes sur le moment et pendant longtemps je l'ai détesté, mais avec beaucoup de recul je comprends. Il ma semble d'ailleurs, mais mes souvenirs sont flous, que c'est tout juste après mon accident de voiture (le 6 décembre) donc même pas un mois après, que je suis allée à ce nouvelle an. D'où l'angoisse.
Je peux même dire que mes parents, surtout mon père, étaient particulièrement en avance sur la souplesse éducative.

Beo a dit…

En fait, si je me souviens bien tu avais raconté la fameuse claque dévastatrice, c'était peut-être de vive-voix???

L'histoire en entier est touchante à souhaits!

Valérie de Haute Savoie a dit…

Ben non Béo, puisque Lancelot s'en souvient.Mais j'avoue que si c'est glissé dans un billet ou peut être même dans un commentaire je ne me sens pas le courage de tout relire.

Jipes a dit…

Superbe ton récit, la chute est dure mais tellement bien contée. Pas facile de voir ses rêves s'évanouir ainsi....

Valérie de Haute Savoie a dit…

Jipes, merci et oui c'est bien cela qui nous fait aussi découvrir la vie

Marie-Odile a dit…

Nous sommes de la même génération je pense... Tant de souvenirs communs :)
Merci d’avoir su si joliment les mettre en mots, j’en serais bien incapable.

Valérie de Haute Savoie a dit…

Marie Odile, je suis née en 57, le 8 avril exactement :) Merci pour le compliment qui ma va droit au coeur.