J'aurais voulu raconter ce qu'est ma sœur. J'avais déjà le titre du billet, "ma sœur, ma douleur". Une histoire de paire de barrettes, une dont l'intérieur était ovale et l'autre carré, reçues au retour d'un des voyages de nos parents. Je tourne et retourne les phrases, les écris, les triture, appuie sur la touche retour, et recommence... une demi-heure de passée.
Avoir une sœur, combien d'autre en rêverait...
Sans doute pour elle étais-je de trop. En riant, pour définir notre relation, je dis souvent qu'au premier regard jeté sur moi elle a dû se dire "celle là il faudra l'éliminer... et vite !". Reine dans son nid.
Cela tombait bien, j'avais hérité du rôle de la méchante.
Dix ans d'analyse, un jour, calmement, j'ai décidé que ce rôle si pratique pour la famille, je n'en voulais plus. Libre à eux de me voir comme ils voulaient, si c'était plus simple pour eux, ils n'avaient qu'à me garder comme ça, mais moi c'était fini.
Un acteur qui abandonne son rôle, l'équilibre rompu, qui va prendre la place ?
Et puis... si je ne suis plus la méchante... qui alors ?
Elle n'est pas "méchante"... elle se raconte des histoires, des histoires de méchants qui ne pensent qu'à lui faire du mal... elle ne sait pas être heureuse, c'est ma sœur, et ce serait si pratique de lui refiler ce rôle.
Un jour donc, il y a longtemps, nous avions combien... sept, huit ans ? Mes parents revenant de voyage nous avaient rapporté à chacune, une paire de barrettes imitation écaille. Les miennes avait l'intérieur évidé en rectangle, celles de ma sœur, ovale. Très semblables, mais différentes. Carré et ovale, les carrés pour moi, les ovales pour ma sœur !
Peu de temps après, elle perd une de ses barrettes, j'en ai toujours deux. Mais elle dit haut et fort, pleurant sans retenue, que les carrés sont les siennes, que j'ai perdu moi l'ovale, que je lui vole ses barrettes. Bien sûr je suis tranquille, papa et maman savent bien celles qu'ils nous ont offertes, elle trépigne de rage.
J'oubliai que j'étais la méchante, la voleuse sans nul doute. Elle a eu mes barrettes, dans mon tiroir est restée, solitaire, celle évidée en ovale.
Longtemps j'ai gardé au fond de moi un sentiment brûlant d'injustice, je l'ai pleuré, crié, raconté à celui qui allait me donner le droit d'abandonner mon rôle.
Des histoires de barrettes il y en a eu plein.
Et puis... Je me suis donnée le droit d'être aussi un peu gentille. Un peu méchante, un peu gentille...
Elle s'est racontée de plus en plus d'histoire de méchant... c'est ma sœur, ma douleur.
Avoir une sœur, combien d'autre en rêverait...
Sans doute pour elle étais-je de trop. En riant, pour définir notre relation, je dis souvent qu'au premier regard jeté sur moi elle a dû se dire "celle là il faudra l'éliminer... et vite !". Reine dans son nid.
Cela tombait bien, j'avais hérité du rôle de la méchante.
Dix ans d'analyse, un jour, calmement, j'ai décidé que ce rôle si pratique pour la famille, je n'en voulais plus. Libre à eux de me voir comme ils voulaient, si c'était plus simple pour eux, ils n'avaient qu'à me garder comme ça, mais moi c'était fini.
Un acteur qui abandonne son rôle, l'équilibre rompu, qui va prendre la place ?
Et puis... si je ne suis plus la méchante... qui alors ?
Elle n'est pas "méchante"... elle se raconte des histoires, des histoires de méchants qui ne pensent qu'à lui faire du mal... elle ne sait pas être heureuse, c'est ma sœur, et ce serait si pratique de lui refiler ce rôle.
Un jour donc, il y a longtemps, nous avions combien... sept, huit ans ? Mes parents revenant de voyage nous avaient rapporté à chacune, une paire de barrettes imitation écaille. Les miennes avait l'intérieur évidé en rectangle, celles de ma sœur, ovale. Très semblables, mais différentes. Carré et ovale, les carrés pour moi, les ovales pour ma sœur !
Peu de temps après, elle perd une de ses barrettes, j'en ai toujours deux. Mais elle dit haut et fort, pleurant sans retenue, que les carrés sont les siennes, que j'ai perdu moi l'ovale, que je lui vole ses barrettes. Bien sûr je suis tranquille, papa et maman savent bien celles qu'ils nous ont offertes, elle trépigne de rage.
J'oubliai que j'étais la méchante, la voleuse sans nul doute. Elle a eu mes barrettes, dans mon tiroir est restée, solitaire, celle évidée en ovale.
Longtemps j'ai gardé au fond de moi un sentiment brûlant d'injustice, je l'ai pleuré, crié, raconté à celui qui allait me donner le droit d'abandonner mon rôle.
Des histoires de barrettes il y en a eu plein.
Et puis... Je me suis donnée le droit d'être aussi un peu gentille. Un peu méchante, un peu gentille...
Elle s'est racontée de plus en plus d'histoire de méchant... c'est ma sœur, ma douleur.
18 commentaires:
Ah, l'injustice au sein de la famille, c'est sûrement ce qu'il y a de plus dur à vivre pour un enfant (et après aussi, bien sûr, même si on arrive parfois à prendre du recul et à refuser le rôle assigné comme tu l'as fait)
Nous sommes soeurs de soeur... La mienne est aussi ma douleur, la brûlure de mon enfance.
Tout comme toi, j'ai dû faire un long travail pour pouvoir accepter d'enlever le costume qui convenait tant à ma famille, encore plus à ma soeur, mon aînée.
Je n'étais pas "la méchante"comme toi, j'étais "la faible, l'influençable, la sans-personnalité"... Tu peux imaginer le travail de reconstruction à faire en partant de ces bases ?
Bises virtuelles de "sororité" ;-)
Je ne commente presque jamais, pourtant je lis ... ce billet me touche particulièrement;
"Dix ans d'analyse, un jour, calmement, j'ai décidé que ce rôle si pratique pour la famille, je n'en voulais plus. Libre à eux de me voir comme ils voulaient, si c'était plus simple pour eux, ils n'avaient qu'à me garder comme ça, mais moi c'était fini."
Que d'espoir pour d'autres "piégés" !
Les histoires de fratries sont souvent jalonnées de conflits, mais là...
Je comprends qu'il t'ait fallu du temps pour déserter le rôle, quand on quitte la place qu'on nous a assignée, quelle assurance avons-nous sur le fait d'avoir UNE place ?
C'était courageux, malgré tout.
Je t'embrasse.
Beaucoup d'émotions vraies, Valérie. Texte troublant.
On sent tant de souffrances de petite fille dans tes mots. Je suis certaine que tu as dû veiller à ce que tes enfants ne se sentent pas moins bien aimés même si on ne peut jamais l'éviter.
Ca déchire un peu le coeur de te lire on sent cette longue douleur.....Pas facile d'arriver a sortir de ce rôle imposé heureusement que tu as réussie, beaucoup sont restés à quai :o(
Autre soeur, autre douleur...
Ah les soeurs! Les miennes sont comme un jardin de roses: magnifiques, mais qui piquent si on s'en approche un peu trop...
Tu as eu bien du courage, et je t'admire (comme d'habitude :)).
C'est drôle comment on voit les choses différemment... Enfant et enfant unique, je rêvais d'avoir plusieurs frères et soeurs. J'ai toujours détesté les Noels à trois (car le reste de la famille était de l'autre côté de l'océan et on voyageait moins à l'époque) Mais j'ai aussi beaucoup entendu parlé par mes amies et mes collègues combien c'est pas toujours évident les familles... Les injustices, les favoris etc... Mais je ne crois pas que l'un ou l'autre soit mieux.... Maintenant j'ai la tâche unique de m'occuper de mes parents âgés, et j'aimerais le soutien moral d'un frère ou d'une soeur... Mais peut-être ne l'aurais-je même pas ce soutien... Qui sait....
Il y a beaucoup à dire sur ce sujet et sur le sujet des PN, familiaux ou individuels. Et combien de souffrances, de destructions et de reconstructions. Pour celles qui s'en sortent mais pour les autres un calvaire sans nom, seules dans leurs culpabilités soigneusement entretenues et incohérentes.
Même si tu as pu poser ton costume il reste toujours quelque chose du rôle. C'est dire les dégâts.
Quand on peut enfin passer de victime à victoire c'est tellement beau :-)))
Ce que je peux en dire aussi, c'est que les années m'ont donnée une force tranquille, le regret aussi que nous ne serons jamais sans doute complices, qu'elle n'est pas méchante, bien au contraire, qu'elle s'interdit d'être heureuse, avec violence et que longtemps j'étais là campée sur mes deux pattes, ne voulant pas fléchir, aimant follement la vie et sans doute pour elle aussi une douleur.
Bonjour
J'ai découvert le blog il y a quelques semaines et depuis j'y passe tous les jours en anonyme , séduite...
Là je ne peux m'empécher de réagir..
Ma vie, parents toxiques
Ma soeur ,l'"adorable", la "gentille" qui n'arrive pas à être heureuse qui me jalouse encore et toujours: j'ai 2 enfants, elle en a 3; j'ai un boulot avec plein de vacances mais mal payé , elle médecin bosse 3 jours par semaine et prend plus de vacances que moi...La liste est infinie..
POur survivre, j'ai coupé les ponts ..
Mais qu'il est peu conventionnel de ne plus avoir de famille..
Oui, dès l'instant où le milieu familial est réellement toxiques, prendre des distances est vital. J'ai heureusement une famille relativement normale (si tant est qu'une famille puisse être normale). J'ai surtout eu la chance infinie de trouver un psychanalyste qui m'a donnée le droit de vivre (qu'est ce qui dans ma famille a handicapé certains membres de ce droit là ? Je ne le sais, mais j'ai pu grâce à lui le récupérer et j'en profite à fond)
Ravie, Anonyme de vous (te) compter parmi mes lecteurs :)
Tu es digne et courageuse Valérie
je crois que l'injustice marque au fer rouge la mémoire d'un enfant, si jeune soit il.
je suis moi même fille unique, cela peut sembler bizarre, mais je crois que je n'ai jamais rêvé d'avoir un frère ou une soeur.
Ta barrette ovale, c'est la boîte de bonbons (tu te souviens, celle dont je parlais dans une note sur l'attente, il y a quelques semaines) qu'on garde si longtemps parce qu'elle rappelle des choses.
L'ovale dans la barrette, c'est ton coeur. Toi, tu as su te débarrasser de la méchanceté. Oublie.
Ces souvenirs-là, je suis bien placé pour savoir qu'on ne peut les effacer. Mais toi, ce que tu en as fait, c'est quand même quelque chose de bien et de beau. Aujourd'hui, quand tu en parles ici, tout le monde sourit à la petite Val de l'époque. Et à la femme qu'elle est devenue aujourd'hui. Toi, pas elle.
Merci...
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