lundi 13 août 2007

Fcrank propose à des bloggeurs, ou non bloggeurs d'ailleurs, de raconter leur première honte. Certaines sont émouvantes, d'autres drôles, et chaque fois je me demande quelle est ma première honte qui devrait me revenir en mémoire. Il y en a beaucoup et c'est assez normal pour quelqu'un qui n'a jamais eu confiance en soi et qui traînera éternellement celle de ne pas avoir été à la hauteur pour son père.

Mais il en est une qui restera gravée comme LA honte absolue malgré une petite phrase de Veuve Tarquine qui l'a un peu cautérisée.

C'était en juin 1984 durant le procès aux assises. J'ai un souvenir assez flou et morcelé de ce procès. J'avais un pantalon en velours noir, une chemise blanche, je ne montrais rien de ce que je vivais à l'intérieur. J'étais froide, calme en apparence, mon avocat m'avait prévenue - je ne devais que répondre aux questions et encore je devais me tenir à ce qu'il m'avait presque fait apprendre par coeur.
Il y avait du monde, beaucoup de monde et des journalistes à qui mon avocat avait demandé expressément de ne pas mettre mon nom dans leurs articles le lendemain (peine perdue). Il y avait ma mère, ah ma mère.... elle aurait sans doute mieux fait de rester chez elle... Il y avait ma "future" belle-famille, mon amoureux... des inconnus...
On me posait des questions.. je répondais.. l'avocat de la partie adverse parlait de cette nuit - oui nous avions bu du thé (mais je mourrais d'angoisse en le buvant à l'idée qu'il était peut être empoisonné) oui nous avions écouté un disque (mais brusquement il l'avait arraché de la platine et l'avait fracassé contre le mur) et tout à coup ... ce qui m'a clouée de honte ..

- "Vous étiez tout de même détendue puisque vous avez même, à un moment, sucer votre pouce"

Moi qui avait réussi à abandonner, après des années de lutte, ce foutu "pouce en bouche" pour m'endormir, cette nuit là alors que tout s'écroulait, se pulvérisait à l'intérieur, j'avais retrouvé, l'espace d'un instant, un semblant d'intégrité en glissant ce pouce si doux à ma douleur. J'avais alors perdu ma dignité devant cet homme qui me tenait prisonnière, je la perdais une fois encore dans cette cour d'assise.

J'aurais voulu m'enfoncer sous terre.

4 commentaires:

Otir a dit…

On frémit avec toi.

Ou comment, d'une interprétation sauvage, peut-être par projection, d'un geste - mais ça aurait pu être de toute attitude, ou de toute phrase - l'autre peut faire tant de mal avec un jugement...

Valérie de Haute Savoie a dit…

Je n'ai jamais imaginé que cet avocat ai pu croire un instant que j'avais été à mon aise.Il était assez clair que j'avais eu de la chance de m'en sortir vivante et justement son client risquait très lourd, il fallait adoucir le jugement des jurés sans doute.
Mais tu as raison, nous ne sommes jamais à l'abri d'une mauvaise interprétation vis à vis de l'autre, par projection comme tu le dis si justement, et les dégâts qui en résulte sont difficile à évaluer. (je n'y avais jamais pensé comme çà)

Anonyme a dit…

Moi aussi je frémis, de colère contre la bêtise et l'inconscience...
Valérie tes billets me touchent toujours.

Anonyme a dit…

Excuse-moi pour mon vocabulaire mais... quel CON !!!