lundi 9 juin 2025

Vitry sur Seine - 3

 Le 17 janvier, il nous restait encore quatorze jours avec papa, mais évidemment nous n'en savions rien.

Le matin, ce qui est devenu ensuite ma routine parisienne, après avoir pris le petit-déjeuner et une douche, je quittais le studio et montait chez mes parents. Là haut juste en face du lycée Henri IV, je croisais les collégiens courant, carnet de correspondance à la main, pour le présenter au surveillant souriant sous le porche de leur entrée. Tourner la rue, faire le code, entrer dans la cour, descendre les marches et sonner deux petits coups pour annoncer mon arrivée. Souvent maman était déjà levée, prenant son thé en lisant La Croix. Nous bavardions de choses et d'autres, déjeunions à midi avant de filer seule ou avec elle retrouver papa à l'hôpital.

La première fois, j'avais étudié dans le détail le trajet jusqu'à l'hôpital de Vitry. Je découvrais le Tram, la banlieue tranquille, et juste avant de monter la rue de la petite Saussaie, je me suis arrêtée au super marché pour acheter des boissons protéinées comme me l'avait conseillé mon frère avant de partir. J'ai suivi ses instructions à la lettre en entrant dans le hall bondé, et je suis arrivée dans le service où avait été emmené mon père. Les visites étaient autorisées de 13h30 à 18h30, je suis arrivée un peu avant, mais personne ne m'a fait de réflexion.

Il était effondré dans un fauteuil, devant la table roulante sur laquelle était posés son iPad, le journal à la page des mots croisés, un livre d'Emile Ajar, il dormait la tête en avant rabattue sur son torse, les bras ballants pendants dans le vide.
Je me suis assises en face de lui, sans bruit, j'ai attendu qu'il se réveille, longtemps. Parfois il entrouvrait les yeux, un peu perdu, ne réalisait pas que j'étais là.

Et puis il s'est réveillé, de très bonne humeur, il venait de rêver qu'il avait gagné deux fois le gros lot au loto, et, m'a-t-il dit, "Je me suis dit que j'allais d'abord finir ma sieste et je m'en occuperai ensuite !" Il était content de me voir, très enjoué, nous avons bavardé entre ses longues siestes qui le prenaient d'un coup. Au début il essayait de lutter, mais je lui ai dit de se laisser dormir, que j'étais là de toute façon pour au moins quinze jours. 

Le médecin du service est passé, il semblait ne pas vraiment comprendre la situation, papa ayant été emmené là pour soigner son VRS, il n'avait semble t-il pas pris la mesure de son état réel pathologique et cela quasiment jusqu'à ce qu'enfin on puisse faire transférer papa à Cochin. 

Je suis repartie vers 19 heures, laissant papa à moitié endormi. Nous avions passé une journée très agréable, je n'imaginais pas que le lendemain il irait aussi mal.

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