lundi 30 septembre 2013

Entre la terre et le ciel

La toute première mort dont je me souvienne était celle d'une grande tante éloignée, qui vivait là bas au bord de la mer, cette mer qui ne bougeait pas, brûlant sous le soleil et grouillante de monde.
Cannes, Menton ? Une ville où des palaces bordaient les plages, où les vieux y mouraient entourés de garde-malades.
Cette grande tante était descendue à la cave pour y chercher quelques affaires. Quelques temps après, un voisin remarqua la lumière d'une lampe de poche, figée au plafond, posée à côté de son corps, mort. On téléphona à mon père, grave, debout,  tenant le combiné et hochant la tête.
Tante Marguerite était morte, seule, absolument seule et nous en fûmes ma sœur et moi, bouleversées bien que ne la connaissant pas. Plongées en plein romantisme,  nous avions alors écrit une lettre d'adieu déchirante, souhaitant à cette tante un paradis rempli d'anges et de dorure. Puis, nous jurant de garder le secret, avions déposé en haut de l'armoire notre lettre, pour que du haut des cieux elle puisse la lire.
Quelques temps encore elle fut là, témoin de nos journées, puis s’effaça dans l'azur de nos rêves.

D'autre morts ont jalonné ma vie depuis, mais toujours me revient en mémoire cette lettre posée sur l'armoire et puis...
Le jour où l'on m'apprend la mort, ce jour là je vis avec celui ou celle qui vient de quitter mon monde pour l'ailleurs.
Je l'imagine s'amusant une dernière fois à regarder nos vies si banales derrière les murs de nos maisons. Ainsi, c'est comme cela que les hommes vivent ? Je lui parle, à ce mort, lui présentant mes excuses pour ce que j'ai été, lui souhaitant bon voyage, et reviennent un instant tous mes morts, ceux que j'ai aimés, ceux que j'aimerai toujours.

L'affreux voisin est parti, et même si je ne regrette pas ma porte fermée, je lui ai souhaité d'être plus serein dans son nouveau monde.

jeudi 26 septembre 2013

Elle

Certains matins elle n'est qu'inquiétude, comme si l'abandon la menaçait toute entière. Avant même que le réveil ne sonne, son regard tente désespérément d'éteindre toute velléité d'action. Reste allongée semble t-elle me supplier, ne bouge pas surtout. Son corps se fait lourd, collé contre le mien, le ronronnement hypnotique qui, si je n'étais vigilante, me ferait replonger dans un sommeil tout juste suspendu.
Alors d'un geste tendre, je la caresse, enserrant cette petite chose angoissée qui roucoule et grince de sa voix cassée.

Il faut bien que je me lève, elle me suit, me précède, se retourne, me regarde, repart hésitante vers la cuisine. Le miaulement se fait moins sourd, son regard ne me quitte pas une seconde, saute sur la chaise, miaule, attend les caresses, ferme les yeux lentement, "viens, viens, embrasse moi !"


Je la prend dans mes bras, elle s'étouffe de bonheur, frotte sa tête sur ma joue, ne sait comment se fondre encore plus, oubliée sa superbe, de chat elle devient chien fidèle. Des épaules elle descend et se pose sur le bureau, elle, juste elle, personne et rien d'autre ne compte, il faut l'aimer, toute entière.

Soudain, rassasiée, elle retourne à sa vie de chat, choisi l'endroit moelleux où elle commencera sa première longue sieste. Et sereine elle s'endort, le jour peut commencer.

mardi 24 septembre 2013

Mono diète

Il n'y a pas meilleure façon d'apprécier les petits plaisirs du jour que d'en être dépossédés, même un court moment.

Hier, après un beau week end où nous sommes allés nous balader du côté d'Evian en compagnie d'Olivier et de son compagnon, nous avons fait une journée "mono diète" de raisin.


Raisin bio et noir, que j'ai grappillé toute la journée. Et même si je ne suis pas une folle de fruit, le raisin était bon, la journée bien remplie, rien de surhumain... si ce n'est...

Le thé vert au saut du lit ! Beuarkkkkk !

Du thé vert à siroter au bureau, d'accord, mais au petit matin, alors que rien ne ravit plus mes papilles qu'un bon café crème, NON !

Alors ce matin, après avoir eu la satisfaction un peu puérile d'avoir perdu près de deux kilos (je sais... ce soir on n'en verra plus rien...), mon bonheur de boire un café au lait parfait est encore plus intense... je me tâte à l'idée de réitérer l'expérience. 

Mais sans le thé, surtout SANS le thé !

samedi 21 septembre 2013

dernier jour de l'Eté

Elle est passée déposer son chèque de loyer, a demandé à me voir, son interphone était en panne. Comme toujours j'ai dit deux trois mots, était-elle toujours bien dans son studio meublé ? Ses voisins étaient-ils agréables ? 
Oui très, jamais ils ne se plaignent lorsque je fais de la musique. Et de quel instrument jouez-vous ? Du hautbois... 
Je lui ai souri, combien cela me touchait en ce jour de souvenir, oui elle faisait bien comme tout hautboïste, ses anches, choisissait ses roseaux avec soin... quelques mots encore et nous nous sommes quittées. 

Dehors le soleil brillait follement, le vent faisait jouer les feuilles encore vertes et un chat effronté profitait de la porte grande ouverte de l'agence pour venir fureter autour de nos bureaux.

Bien sûr nous nous sommes faits agonir par quelques aigris,  avons ri maintes et maintes fois, chanté des âneries, couru à droite et à gauche...

Et puis le jour est tombé, emportant cet anniversaire dans les nuées, là où dit-on, nos morts s'envolent.

vendredi 20 septembre 2013

Le cul des chiens

Je claque la portière, démarre le moteur, et subtilement l'odeur intensifie sa présence. Au départ un truc un peu douceâtre qui au fur et à mesure de la conduite devient de moins en moins agréable, de plus en plus infecte.

Une odeur de merde ! 

Juste ciel, aurais-je marché dans une crotte de chien, avant de rentrer dans la voiture ?

Impossible de jeter un œil au sol, pas de feu rouge, il me faut arriver à destination pour constater avec effroi que ma basket gauche a une semelle supplémentaire constituée d'une ENORME merde fraîche. La gauche heureusement !
Cela m'apprendra à me garer, par flemme, sous les arbres dans la gadoue, fief préféré de la gente canine qui s'y soulage quotidiennement de ses quelques kilos de bouse odorante.

Le tapis de sol, déjà en fin de vie, est à jeter, la pédale quadrillée* est recouverte intégralement de matière fécale, euarkk, et ma basket, bien que frottée de longues minutes sur l'asphalte, nécessite un nettoyage minutieux.

C'est décidé, je ne me garerai plus jamais, jamais jamais, dans ce crottoir canin !

*oui oui chaque petit cadre est bien rempli du caca jaune qui pue.

jeudi 19 septembre 2013

Trente ans


Il est donc mort plus longtemps qu'il n'aura été vivant...

Lundi 19 septembre 1983, trente ans... très peu de photos, aucune vidéo, seul le son du hautbois qui ne peut résonner sans me mettre des larmes dans le cœur... 

Edit : en vérité il est mort dans la nuit du 19 au 20 septembre. Il est donc officiellement décédé le 20, c'est pourquoi paraît aujourd'hui dans Le Monde, un rappel à sa mémoire.

mercredi 18 septembre 2013

La vie qui va

Petit à petit changent certaines habitudes, du café pris en continu le matin je suis passée au thé vert menthe, de France Inter j'ai migré vers France Culture et Espace 2 et de l'aboiement un peu hautain je suis passée au détachement aérien face aux locataires agressifs. Ma vie s'apaise... j'ai même supprimé l'application Candy Crush pour reprendre le temps de lire.

Ma belle-sœur chérie a fait une cure de raisins trois jours durant. Hier soir elle m'a seumeussé "dernier repas de raisin, je crois que je vais éradiquer tous les pieds de vigne" j'ai ri. Mais j'avoue que cela me tente. Il suffit de faire cela un week end pour ne pas squatter les toilettes du bureau. 
Il y a bien bien longtemps, mon grand père était responsable du secteur pub des Dernières Nouvelles d'Alsace. Un automne, il avait monté une grande campagne de publicité en faveur du raisin, affiches et encarts vantant les bienfaits de la cure avec de belles grappes violettes et brillantes sur fond jaune paille. Partout à Strasbourg les appels à la cure illuminaient les murs gris. Il rencontre au hasard des rues son médecin qui montrant du doigts une affiche lui dit "je me demande bien quel couillon a fait cette campagne, je ne soigne plus que des diarrhées aiguës depuis !". Nous adorions mon grand père Ernest.

Hier midi j'avais rendez-vous avec ma Garance chérie. Dans sa chambre j'ai rapproché les deux petites tables l'une en face de l'autre, et oubliant le temps du repas que nous n'étions pas au restaurant, nous avons devisé tranquillement des choses de notre vie, elle grignotant son plat infâme sans sel, moi dégustant une salade prise à la cafèt agrémentée de deux cannelés délicieux que nous avons mangé de concert.
Trois mois qu'elle navigue entre les hôpitaux sans qu'aucun médecin ne lui dise rien. Oubliée régulièrement par les ambulanciers lorsqu'elle part en chimio et radiothérapie, il semble que le respect de l'être humain n'est plus de mise. Hier angoissée de ne pas avoir son comprimé contre les crise d'épilepsie, on lui apprend entre deux portes que son traitement est changé, sans avoir vu de médecin, sans qu'on ait cru bon de lui en parler. Elle fait des scanners ? motus ! elle tombe et se réveille avec une marque sur le front ? motus ! Elle est là, seule, sans parole. Heureusement que ses amis sont là pour la tenir dans la vie.

Une semaine que sa chatte avait disparu, Ludivine bravement retenait ses larmes et dès la fin de la journée filait poser des affichettes tout autour de chez elle.
Hier, alors que l'espoir semblait mort, un voisin a vu au travers d'une vitre, un chat s'égosiller. Le propriétaire prévenu est arrivé dare-dare de sa Suisse lointaine et a délivré l'exploratrice.
Dès la nouvelle connue, l'Agence entière s'est exclamée si heureuse que Ludivine retrouve le sourire.
Depuis le chat mange, mange, mange.

lundi 16 septembre 2013

la vie qui va

Déjà la mi septembre, le temps s'est rafraîchi brutalement. J'ai ressorti mon gilet du matin dont je m'enveloppe dès le saut du lit. Toutes les fenêtres sont encore ouvertes, Chamade aime tant faire un tour sur les balcons la nuit, écouter les chats se chamailler, elle bien en sécurité derrière le garde corps.
Le ciel est noir d'encre lorsque sonne le réveil et le jour est de plus en plus lent à se lever, je ne suis décidément pas une fille de l'hiver.

Les trois semaines à Oléron, parfaites, m'ont donnée l'énergie pour enfin faire ce foutu test du caca. Six ans que je me morigénais, m'encourageais, me culpabilisais sans résultat. Il a fallu qu'un de mes anciens amants soit frappé brutalement par un cancer déjà très avancé du colon et que JP soit absent une semaine, pour me décider. Ce truc s'avère d'une simplicité enfantine et bien moins scatologique qu'imaginé. Maintenant j'attend les résultats, si tranquille que je m'étonne.

J'avais aussi presque décidé de m'inscrire à un cours d'aquagym lorsqu'est arrivée l'avis d'imposition. OUTCH !! Quelle surprise de mauvais goût ! Nous sommes cette année loin, très loin de la somme prévue, soit nos deux salaires additionnés.  Là nous en sommes à plus de deux fois nos salaires et je table pour l'année suivante à trois fois si ce n'est plus, sans compter les augmentations diverses et variées concoctées par le gouvernement pour qui j'ai  joyeusement voté. Adieu donc pour l'instant les sorties et autres amusements, j'économise !

Une qui ne s'en fait pas, c'est Chamade. Oléron lui a fait découvrir la délicieuse chair des lézards et le bonheur de dormir sous les feuillages au chaud soleil de l’île. Puis l'Alsace où elle a appris la cohabitation avec Crumble, le chat de mon frère, aussi noir qu'elle, mais pesant le double de son poids, miaulant comme une petite souris asthmatique.
Et même si certaines nuits les cavalcades accompagnées de rugissement et feulement de l'hargneuse réveillaient la maisonnée, l'un et l'autre se sont à peu près supportés.

Tout là bas, à l'autre bout du monde, le printemps s'éveille doucement. C. réfrigérée par ces trois hivers successifs quitte sans nostalgie le froid et la grisaille. Et G. se passionne pour la biologie végétale et regarde entre deux cours, la petite fougère cueillie sur la tête du bélier sculpté par son père.

dimanche 15 septembre 2013

Halte magique

C'est une toute petite cabane, qui peut ou non contenir des trésors. Une bibliothèque de rue aux couleurs vives. La porte en plexi déjà salie et griffée, de guingois, est fermée par un simple crochet.


Les passants s'y arrêtent, ouvrent la porte, y déposent ou choisissent un livre, personne n'aurait parié un kopeck et pourtant pourtant, le renouvellement est constant.
Grâce à cette merveilleuse idée, j'ai découvert Anne Perry, lu des livres que je n'aurais jamais eu l'idée d'acheter, pu faire profiter quelqu'un de mes lectures estivales.

Je crois que je serai très triste si cette petite maison disparaissait.