Ce n'est que lorsque le parking s'était vidé, que la circulation s'était tarie et que la fatigue ne me laissait plus le choix, que j'avais pris mon courage à deux mains : "Allez, on rentre à la maison !".
JP derrière, C. copilote et moi, accrochée au volant, concentrée à mort !
Ne pas oublier que j'ai derrière moi un coffre à rallonge, que l'on roule à gauche, que le levier de vitesse est à main gauche... les phares, tourner la clef, le moteur démarre, marche arrière len-te-ment, braquer len-te-ment, la route est vide, totalement vide. Hop déboiter, foncer en face et c'est parti.
30 milles à l'heure, ultra concentrées C. et moi ne pipons mot, JP se laisse balloter, à moitié endormi, il savoure, bien trop fatigué pour craindre ma conduite. Les quelques voitures croisées n'imaginent pas le danger potentiel, je roule et premier carrefour, tourne à droite et mets les essuie-glaces, traverse le carrefour et paf illico fonce à droite. A gauche Maman dit C. tendue à l'extrême. Oups oui, vite tourner le volant et reprendre le bon côté.
Le carrefour suivant, je signale à nouveau mon changement de route en mettant consciencieusement les essuie-glaces, zut et zut ! La fois d'après je mettrai le clignotant et les essuie-glaces en même temps, c'est plus sûr.
En feuilletant le routard quelques jours plus tard, je lirai que l'on reconnait les touristes français au carrefour, grâce aux fameux essuie-glaces enclenchés.
C'est un bon gros pick-up, qui grimpe sagement les pentes pentues, freine sans difficulté, mais dont la jauge signale que l'essence viendra bientôt à manquer. Demain première chose à faire, le plein. L'unique station de l'île, à Port Mathurin, est ouverte jusqu'à 15 heures, pour l'instant, épuisée mais heureuse d'avoir ramené à bon port ma fille et mon compagnon, je n'ai qu'une envie m'allonger et dormir.
La nuit, chaude, très chaude, très très chaude et animée par toutes sortes d'oiseaux et margouillats s'interpellant juste au dessus de la fenêtre passe vite, dès six heures (4 heures françaises) je me lève et retrouve sur la terrasse baignée de soleil, C. qui boit un thé.
A défaut de café que nous irons acheter tout à l'heure, je partage son thé. Le programme est simple, découverte de l'île mais avant tout chercher de l'essence, je crains par dessus tout de me retrouver à sec et ne serai tranquille qu'une fois la jauge à son maximum. En même temps je ne suis pas pressée pressée de reprendre le volant alors que l'île est réveillée.
Bon ! Petit déjeuner, douche rapide les pieds dans une bassine pour récupérer l'eau pour la lessive, défilé de mode de C. qui hésite entre toutes les tenues que nous lui avons rapportées de France, courage moussaillon, je reprends le volant sous la haute surveillance de C. qui n'est pas encore tout à fait rassurée.
Ah tiens ? La jauge est moins basse qu'hier, sans doute la chaleur qui dilate l'essence. Concentrée au maximum, les yeux ne cillant sous aucun prétexte, fesses serrées à l'extrême, je ne pipe mot, seul horizon le bitume, droit devant.
A la station je manœuvre lentement et me positionne devant la pompe, il faut annoncer le prix que l'on compte mettre. On se consulte, on évalue, va pour 3000 roupies que C. annonce au pompiste à qui elle tend les clefs. Il enfonce la gâchette, la distribution commence et "chpack" s'arrête. Il retente étonné "chpack" dit la gâchette qui refuse tout net de couler. Le réservoir est plein, archi plein, déborde même. Je regarde le tableau de bord... oups ! à droite la température, à gauche la jauge à essence qui est full-full.
Conduite à l'envers, voiture à l'envers aussi. Qu'on se le dise !