Les nouvelles ne sont pas bonnes, la dernière IRM a montré que la tumeur avait repris de la force et même si l'on connait l'invincibilité de cette saloperie, c'est inimaginable en voyant le visage de Garance toujours aussi beau, de se dire que là dedans la destruction fait rage.
Malgré sa grande fatigue, ses yeux qui enregistrent mais que le cerveau refuse souvent d'écouter, sa tristesse infinie de savoir qu'elle ne verra pas sa fille découvrir la vie, Garance reçoit toujours avec le sourire.
Je passe lui déposer les deux pains sans sel qu'elle se réjouit déjà de dévorer demain matin, avec la bonne confiture de coing que Solène m'a chargée de lui apporter.
Nous avons un code, un code pour rire, elle m'envoie en sms un simple message "PDP" (plus de pain) et je mets illico en route la fabrication de son ultime gourmandise. Du bon pain complet, rempli de graines diverses, mais sans sel, cortisone oblige.
Je sonne "c'est la boulangère", son rire dans l'interphone me donne des ailes. Et la voir si égale à elle même, si pleine d'intérêt pour la vie, les autres, il m'est difficile de croire une seconde à ce qui se trame envers et contre tous. Nous parlons de C. qui fait ses premiers pas à Anjouan, de G. qui avironne sur la Loire, des petites mesquineries du boulot, nous rions beaucoup, des larmes furtives s'effacent d'un geste discret, nous sommes deux copines ravies de bavarder en buvant un verre.
Je vais mourir dit-elle... Oui ma Garance, mais pas trop vite s'il te plait...