Sur le balcon d'à côté, abandonné, des pigeons doucement prennent leur quartier. Tandis que le brouhaha encore lointain du trafic anime la naissance du jour, leur roucoulement fait résonner des souvenirs d'enfance, alors que blottie dans le lit, je me réveillais heureuse, loin de l'école enfin fermée.
Il fait de nouveau très beau, et l'humeur qui avait brutalement plongée dans des abysses insoupçonnées, remonte tel le martin pêcheur comme une fusée vers les cieux. Juillet le mois des départs et des arrivées, des états des lieux, des angoisses.
Je pensais que j'arriverais à m'endurcir, me ficherais comme d'une guigne de ce qui serait retenu sur le dépôt de garantie, et puis...
Il y a ces deux petits jeunes, démarrant dans la vie, ayant passé la nuit à déménager à l'aide d'un caddie, nettoyant encore à mon arrivée. Souriants épuisés, si contents d'avoir fini et qui laissent des fenêtres troublées, une hotte grasse, des plaques de cuisson encroutées sur les feux. Une douche dont l'eau s'écoule trop lentement, des traces qui sautent à mes yeux qui voudraient tant ne pas les voir. Alors je ne dis rien, je reviens le lendemain jour de repos, et je frotte, je gratte, je débouche et je repars heureuse. Ils ne le sauront pas, rien ne sera retenu sur leur dépôt de garantie et peut être même viendront-ils un jour apporter de l'eau au moulin des rages contre ces sales agences voleuses et inhumaines. Pas grave, je clôturerai leur dossier le coeur léger.
Parce que cela me réveille la nuit ; un mur aux traces multiples vais-je devoir le faire repeindre ? Une rayure sur un parquet, faudra t-il le faire poncer ? Chaque rencontre aussi enrichissante soit-elle, peut se révéler un crève coeur.
Alors quand l'autre jour, le ventre serré comme à chaque fois, une famille tremblante m'a ouvert la porte devant un appartement rutilant sentant bon le propre et l'air frais, je les aurais embrassés.
En les quittant je les ai remerciés de ce cadeau qu'ils me faisaient, laisser un appartement impeccable et mon âme légère...