C'est étonnant me dis-je à chaque fois que j'entends une femme dire d'une autre qu'elle n'est, en allaitant, qu'un vil mammifère. Qu'y a-t-il de si dégradant à faire ce choix là ?
Et pourquoi est-ce justement cela qui affole tant à la lecture du dernier livre d'Elisabeth B. ? Alors qu'il semble bien que ce n'est pas l'objet essentiel du sujet ?
Qu'est ce qui dérange à ce point celles qui n'ont pas eu envie d'allaiter, le fait que d'autres l'aient fait ?
Me revient en mémoire, l'air dégoûté de ma belle-soeur, ayant enfanté au même moment que moi, et qui évoquant cette idée là, grimaça écœurée.
Pour moi, allaiter était une évidence. Et ce n'est certainement pas ma mère ou le milieu médical qui m'a suggéré, imposé ce choix là. Ma mère parce que rien que l'idée que je la rende grand'mère avait déjà fortement ébranlé l'amour qu'elle me portait et tout ce qui pouvait de près ou de loin s'apparenter à un conseil, une connivence de mère à future mère lui était absolument impensable. Le milieu médical, parce qu'à l'époque, il était nettement préférable que la mère avale sa pilule anti-lait et laisse les puéricultrices nourrir aux heures décidées et ouvrables, la tripotée de tubes digestifs dont elles avaient la charge.
Non, j'ai choisi d'allaiter parce que j'en avais terriblement envie, et rien n'aurait pu m'en empêcher, un point c'est tout !
Alors, envers et contre tous, j'ai nourri mes enfants et dieu sait que pour G. cela a été plus un combat qu'autre chose, mais j'ai tenu bon, et j'en garde encore un très beau souvenir.
De ces moments je peux dire la grande liberté que nous avions de partir quand bon nous semblait, sans devoir prévoir des poudres, des biberons stérilisés, des moyens de chauffage. Nous partions tranquillement, JP l'enfant et moi, sans autre bagage. Allaiter n'a jamais été une charge, et lorsqu'est venu le temps de l'indépendance, mes deux enfants l'ont choisi, tranquillement, à leur rythme. Petit à petit les tétées étaient abandonnées, et un soir, naturellement, aussi bien l'un que l'autre, m'ont fait comprendre qu'ils en avaient assez et qu'il était grand temps de passer à autre chose. Sans contrainte, sans heurt, simplement.
Je pourrais dire aussi, le plaisir sensuel qui en découle, au risque de choquer... la douceur de sentir le souffle léger sur mon sein, le regard tendre de l'enfant fiché dans le mien, ces instants hors du temps... dieu que j'ai aimé allaiter !
Mais ne me viendrait jamais à l'idée de conseiller ou non de faire ce choix là. La liberté m'est si chère que je n'ai jamais eu le désir de la retirer aux autres.